Il était regrettable que les miniatures des Heures d'Anne de Bretagne, l'un des chefs-d'oeuvre de l'ancien Art français, fussent anonymes. Un document inédit qu'un heureux hasard a mis sous ma main dissipe cette fâcheuse ignorance et attribue ces admirables peintures à un maître dont la réputation n'était pas inférieure à leur mérite. C'est un mandat de paiement donné en 1608 (n. s.), par la reine Anne, en faveur du célèbre peintre Bourdichon, pour avoir peint ce manuscrit.
Les Archives de l'Art français ont eu plus d'une fois à revenir sur Jean Bourdichon. Pour lui, comme pour Jean Perréal, son contemporain, les mentions sont nombreuses. Pour le second on le trouve toujours pour des soins, des voyages, des affaires, des conseils, des inspirations et des surveillances, mais nous en sommes encore à rencontrer la trace d'un important travail personnel, et il a plus l'air d'un factotum et d'une espèce de surintendant que d'un artiste remarquable. Pour Bourdichon nous avions des mentions de travaux d'art, mais de ces travaux officiels, pour des funérailles, des fêtes ou des tournois, qui tiennent à la charge et se font à l'entreprise et par l'atelier, sans témoigner d'une valeur véritablement personnelle. Bourdichon né en 1457, était cependant, pour employer un terme plus moderne, le premier peintre du Roi depuis Louis XI en 1484 jusqu'à François I" en 1520, et, dans l'École française, il tient chronologiquement la place entre Fouquet et Clouet.