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Citations sur Oeuvres complètes, tome 1 : Fables, contes et nouvelles (14)

Le premier qui vit un chameau
S'enfuit à cet objet nouveau ;
Le second approcha ; le troisième osa faire
Un licou pour le dromadaire.
L'accoutumance ainsi nous rend tout familier :
Ce qui nous paraissait terrible et singulier
S'apprivoise avec notre vue
Quand ce vient à la continue.
Et puisque nous voici tombés sur ce sujet,
On avait mis des gens au guet,
Qui voyant sur les eaux de loin certain objet,
Ne purent s'empêcher de dire
Que c'était un puissant navire.
Quelques moments après, l'objet devint brûlot,
Et puis nacelle, et puis ballot,
Enfin bâtons flottants sur l'onde.
J'en sais beaucoup de par le monde
À qui ceci conviendrait bien :
De loin, c'est quelque chose, et de près, ce n'est rien.

FABLES, Livre quatrième, X : LE CHAMEAU ET LES BÂTONS FLOTTANTS.
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Le Lion abattu par l’homme

On exposait une peinture
Où l’artisan avait tracé
Un Lion d’immense stature
Par un seul homme terrassé.
Les regardants en tiraient gloire.
Un Lion en passant rabattit leur caquet.
« Je vois bien, dit-il, qu’en effet
On vous donne ici la victoire ;
Mais l’Ouvrier vous a déçus :
Il avait liberté de feindre.
Avec plus de raison nous aurions le dessus,
Si mes confrères savaient peindre. «
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Le Lion, terreur des forêts,
Chargé d’ans et pleurant son antique prouesse,
Fut enfin attaqué par ses propres sujets,
Devenus forts par sa faiblesse.
Le Cheval s’approchant lui donne un coup de pied ;
Le Loup un coup de dent, le Boeuf un coup de corne.
Le malheureux Lion, languissant, triste, et morne,
Peut a peine rugir, par l’âge estropié.
Il attend son destin, sans faire aucunes plaintes ;
Quand voyant l’Ane même à son antre accourir :
« Ah ! c’est trop, lui dit-il ; je voulais bien mourir ;
Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes. «
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Socrate un jour faisant bâtir,
Chacun censurait son ouvrage.
L'un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir,
Indignes d'un tel personnage ;
L'autre blâmait la face, et tous étaient d'avis
Que les appartements en étaient trop petits.
Quelle maison pour lui ! L'on y tournait à peine
Plût au Ciel que de vrais amis,
Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine !
Le bon Socrate avait raison
De trouver pour ceux-là trop grande sa maison.
Chacun se dit ami ; mais fol qui s'y repose.
Rien n'est plus commun que ce nom ;
Rien n'est plus rare que la chose
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Le Loup et le Chien

Un Loup n’avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l’eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu’il admire.
« Il ne tiendra qu’à vous beau sire,
D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d’assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. »
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
« Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ? rien ? – Peu de chose.
- Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? – Pas toujours ; mais qu’importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.
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Le Berger et son troupeau

Quoi ? toujours il me manquera
Quelqu’un de ce peuple imbécile !
Toujours le Loup m’en gobera !
J’aurai beau les compter : ils étaient plus de mille,
Et m’ont laissé ravir notre pauvre Robin ;
Robin mouton qui par la ville
Me suivait pour un peu de pain,
Et qui m’aurait suivi jusques au bout du monde.
Hélas ! de ma musette il entendait le son !
Il me sentait venir de cent pas à la ronde.
Ah le pauvre Robin mouton !
Quand Guillot eut fini cette oraison funèbre
Et rendu de Robin la mémoire célèbre.
Il harangua tout le troupeau,
Les chefs, la multitude, et jusqu’au moindre agneau,
Les conjurant de tenir ferme :
Cela seul suffirait pour écarter les Loups.
Foi de peuple d’honneur, ils lui promirent tous
De ne bouger non plus qu’un terme.
Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton
Qui nous a pris Robin mouton.
Chacun en répond sur sa tête.
Guillot les crut, et leur fit fête.
Cependant, devant qu’il fût nuit,
Il arriva nouvel encombre,
Un Loup parut ; tout le troupeau s’enfuit :
Ce n’était pas un Loup, ce n’en était que l’ombre.
Haranguez de méchants soldats,
Ils promettront de faire rage ;
Mais au moindre danger adieu tout leur courage :
Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.
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L'amour et la folie

Tout est mystère dans l'Amour, 
Ses flèches, son Carquois, son Flambeau, son Enfance. 
Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour 
Que d'épuiser cette Science. 
Je ne prétends donc point tout expliquer ici. 
Mon but est seulement de dire, à ma manière, 
Comment l'Aveugle que voici 
(C'est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière ; 
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ; 
J'en fais juge un Amant, et ne décide rien. 
La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble. 
Celui-ci n'était pas encor privé des yeux. 
Une dispute vint : l'Amour veut qu'on assemble 
Là-dessus le Conseil des Dieux. 
L'autre n'eut pas la patience ; 
Elle lui donne un coup si furieux, 
Qu'il en perd la clarté des Cieux. 
Vénus en demande vengeance. 
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris : 
Les Dieux en furent étourdis, 
Et Jupiter, et Némésis, 
Et les Juges d'Enfer, enfin toute la bande. 
Elle représenta l'énormité du cas. 
Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas : 
Nulle peine n'était pour ce crime assez grande. 
Le dommage devait être aussi réparé. 
Quand on eut bien considéré 
L'intérêt du Public, celui de la Partie, 
Le résultat enfin de la suprême Cour 
Fut de condamner la Folie 
A servir de guide à l'Amour.
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Le berger et la mer

Du rapport d'un troupeau, dont il vivait sans soins, 
Se contenta longtemps un voisin d'Amphitrite : 
Si sa fortune était petite, 
Elle était sûre tout au moins. 
A la fin, les trésors déchargés sur la plage 
Le tentèrent si bien qu'il vendit son troupeau, 
Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau. 
Cet argent périt par naufrage. 
Son maître fut réduit à garder les Brebis, 
Non plus Berger en chef comme il était jadis, 
Quand ses propres Moutons paissaient sur le rivage : 
Celui qui s'était vu Coridon ou Tircis 
Fut Pierrot, et rien davantage. 
Au bout de quelque temps il fit quelques profits, 
Racheta des bêtes à laine ; 
Et comme un jour les vents, retenant leur haleine, 
Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux : 
"Vous voulez de l'argent, ô Mesdames les Eaux, 
Dit-il ; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre : 
Ma foi ! vous n'aurez pas le nôtre." 
Ceci n'est pas un conte à plaisir inventé. 
Je me sers de la vérité 
Pour montrer, par expérience, 
Qu'un sou, quand il est assuré, 
Vaut mieux que cinq en espérance ; 
Qu'il se faut contenter de sa condition ; 
Qu'aux conseils de la Mer et de l'Ambition 
Nous devons fermer les oreilles. 
Pour un qui s'en louera, dix mille s'en plaindront. 
La Mer promet monts et merveilles ; 
Fiez-vous-y, les vents et les voleurs viendront.
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Une Montagne en mal d’enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu’elle accoucherait, sans faute,
D’une Cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d’une Souris.

Quand je songe à cette Fable
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable,
Je me figure un Auteur
Qui dit : Je chanterai la guerre
Que firent les Titans au Maître du tonnerre.
C’est promettre beaucoup : mais qu’en sort-il souvent ?
Du vent.
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Les Deux Chèvres

Dès que les Chèvres ont brouté,
Certain esprit de liberté
Leur fait chercher fortune ; elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains.
Là s'il est quelque lieu sans route et sans chemins,
Un rocher, quelque mont pendant en précipices,
C'est où ces Dames vont promener leurs caprices ;
Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux Chèvres donc s'émancipant,
Toutes deux ayant patte blanche,
Quittèrent les bas prés, chacune de sa part.
L'une vers l'autre allait pour quelque bon hasard.
Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche.
Deux Belettes à peine auraient passé de front
Sur ce pont ;
D'ailleurs, l'onde rapide et le ruisseau profond
Devaient faire trembler de peur ces Amazones.
Malgré tant de dangers, l'une de ces personnes
Pose un pied sur la planche, et l'autre en fait autant.
Je m'imagine voir avec Louis le Grand
Philippe Quatre qui s'avance
Dans l'île de la Conférence.
Ainsi s'avançaient pas à pas,
Nez à nez, nos Aventurières,
Qui, toutes deux étant fort fières,
Vers le milieu du pont ne se voulurent pas
L'une à l'autre céder. Elles avaient la gloire
De compter dans leur race (à ce que dit l'Histoire)
L'une certaine Chèvre au mérite sans pair
Dont Polyphème fit présent à Galatée,
Et l'autre la chèvre Amalthée,
Par qui fut nourri Jupiter.
Faute de reculer, leur chute fut commune ;
Toutes deux tombèrent dans l'eau.
Cet accident n'est pas nouveau
Dans le chemin de la Fortune.
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