Un samedi matin , me dit il , il faisait particulièrement beau . Je m’apprêtais à partir servir comptoir lorsque mon épouse , qui n’a jamais manifester la moindre exigence m’a proposé : « Et si, aujourd’hui, nous allions ensemble au marché ? »
Je ne sais pourquoi , je n’ai pu résister à sa demande . Je me suis brutalement réveillé et rendu compte de l’amour de la femme qui était à mes côtés . Je lui avais fait vivre l’enfer . Elle aussi avec perdu son fils . Pendant que je dérivais dans l’alcool , elle avait tenu bon , attendant mon retour. Vous ne me croirez peut être pas, mais depuis ce jour, j’ai retrouvé la paix.
Ce café , me dit-il un jour , c’est ma bouée ». La présentation de ce lieu comme moyen thérapeutique finissait par m’agacer. Pour avoir soigner beaucoup de patients alcooliques , je n’étais pas dupe de la fausse complicité entre piliers de bistrot , et de cette prétendue chaude ambiance où l’on se détruit en groupe dans une incroyable solitude.
Depuis la mort de son fils de quinze ans dans un accident de moto , mon ami Jean Lentour s’abandonne à la boisson . Je compte sur toi. »
La lettre était brève mais suffisamment éloquente pour que j’imagine l’ampleur des dégâts . Elle était signée par l’un de mes fidèles confrères. Je la repliai et me sentit immédiatement désarmé. Comment contrecarrer une telle souffrance , comment imaginer faire contrepoids à un tel processus de destruction ? Je savais toutefois qu’en matière d’alcool, l’avenir restait imprévisible. Avec certains maux, il faut se contenter d’être là, juste pour en limiter les nuisances.