[Les nazis tournèrent à Terezin des films de propagande, visant à montrer ce camp comme un "ghetto idéal" pour les juifs.]
Un film, oui, censé montrer la journée type du juif le plus heureux sur terre grâce à la magnanimité et à la munificence du Fürher.
Match de foot, atelier de couture bourdonnant, folle et trépidante session de jazz au Stadtkapelle : «Regardez comme ils sautillent ! Regardez-les se tortiller ! »
Un film, un vrai, avec ses décors en trompe-l’œil, ses fausses échoppes où rien n'était vendu, son café musical où l'on ne pouvait pas boire de café, ses bains publics sans canalisation, sa banque aux faux clients et aux faux caissiers, et même ses dizaines de landaus tout neufs paradant sur la grand-place au soleil à défaut de ne jamais voir l'ombre d'un bébé !
Je reste fasciné par tes yeux qui me fixent, comme deux énormes lacs transparents, si clairs, si profonds, si sincères, que j'aimerais me perdre dans leur onde.
Assis à ton chevet, j'observe les petits poissons transparents battre des nageoires derrière tes paupières, puis ta nuit d'aquarium se dissiper lentement.
Terezín, au doux nom choisi en l'honneur de la mère de l'empereur, qui aurait cru alors que tu deviendrais tombe à ciel ouvert de milliers de Juifs?(...)
Terezín...étrange Babel du désespoir ou l'on parquait les Juifs pour mieux les envoyer mourir...
[…]
Tout de même, s’habitue-t-on à ne plus être qu’un
numéro ? Une petite boîte, une allumette tiens, qu'on
empile sur des milliers d'autres petites boîtes, qu'on
aligne à côté de milliers d'autres allumettes : numéro
185 443, mesdames et messieurs ! Et hop, comme ça,
sorti du chapeau ! Si ça vous fiche pas un coup à l'égo !
p.101
Au fond, pourquoi ta vie n'a-t-elle été marquée que par le sceau d'amours impossibles?
Loin des " alcôves sans échos", fallait-il que la Femme reste à jamais cette créature mystérieuse aux désirs hors d'atteinte pour contenir ta flamme ?
Poème à la Mystérieuse
J’ai tant rêvé de toi, *
tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu’il ne me
reste plus peut-être, et pourtant, qu’à être fantôme parmi les
fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.
extrait de "J'ai tant rêvé de toi", Corps et biens, 1926
p.73
* Voir ou revoir, si tel est votre souhait dans la rubrique critique jointe, l'intégralité du poème.
Non, ce rêve-là n’appartient qu’à lui, rameau d’un arbre secret dont les griffes acérées lui labourent un peu trop souvent l’âme ces derniers temps.
N’écouter que son feuillage bruissant.
Ce soir, sous la verrière illuminée du passage des Panoramas pourtant bondé, il se sent seul.
Seul et étrangement las.
Qui dit que les entailles d’un canif font moins de mal à l’écorce qu’un bon coup de hache !
Ses minuscules seins étaient doux comme des ventres de mouettes.