Aurais aimé voir plus Montréal. Quelques moments diffus. Fin surprenante.
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Je m’avouais son plus grand admirateur, complètement séduit par la passion qu’elle insufflait à cette profession maintenant si rigide. Qui plus est, si quelques années nous séparaient en âge, tous s’entendaient pour dire que Julie ne vieillissait pas, toujours aussi resplendissante qu’à son arrivée devant la caméra. Ses yeux bleu vif aimantaient le regard, l’empêchant d’aller se perdre le long de son élégante silhouette. C’était sans parler de sa fameuse crinière qui lui tombait sur les reins, une soyeuse chute de cheveux encore plus noirs que ses tailleurs les plus foncés qui, eux, lui enlaçaient les courbes avec grâce.
Quand j’en ai eu fini avec ma sixième victime, j’étais le centre d’intérêt de tout le Québec et de tout le pays : je faisais la une des journaux, des spécialistes de partout au Canada donnaient des entrevues télévisées pour se pencher sur mon cas et les plus jeunes n’en finissaient plus d’alimenter blogues et forums à mon sujet. On essayait de retracer mes antécédents, ou encore de deviner quel profil aurait ma prochaine cible. Allais-ce être un fraudeur, un déviant de quelque sorte ou un autre inconnu sans histoire ? Tous l’ignoraient, moi le premier.
Aux nouvelles du lendemain, la belle Julie et les autres médias répandaient le venin : « Des images du Rouge-Gorge ! » « Un meurtre est filmé ! » « Le tueur est de race noire ! » Puis Internet a littéralement explosé. Sans même considérer que j’avais fait des victimes de tous les groupes ethniques, des débats musclés ont tenté de mêler xénophobie et vengeance sociale à mes motifs. À un certain point, les origines du Rouge-Gorge ont commencé à prendre plus de place que son identité en soi, même plus d’importance encore que ses crimes. C’était fascinant.
Il me fallait aussi passer à l’acte bien plus tard qu’à l’habitude, puisque ce plan impliquait que je travaille sous les projecteurs, à la vue de potentiels spectateurs. Un coup de théâtre du genre ne manquerait pas d’aiguiser la vaillance des enquêteurs, mais ma confiance en moi venait d’atteindre de nouveaux sommets : le soir venu, j’ai donc ajouté de grosses lunettes fumées à mon uniforme avant de retrousser les manches de mon kangourou. Ne restait ensuite qu’à m’enduire la peau d’un brun opaque. Silence, rideau : le spectacle pouvait commencer.
Dans plus de quatre-vingt-dix pour cent des cas, l’auteur d’un meurtre se révèle être un proche de la victime, qu’il s’agisse d’un parent, d’un ami, d’un associé ou d’un collègue. Dans le cas des meurtres en série, c’est plutôt le profil redondant des victimes qui trahit souvent l’artiste. C’est pourquoi je devais m’assurer de choisir chacune de mes cibles de la façon la plus aléatoire : si mon premier meurtre visait une femme blanche, le prochain liquiderait un homme noir, et ainsi de suite – rien ne serait laissé au hasard, pas même le hasard.
Le Salon dans tes oreilles - S1E20 - Mes mots: ma carrière
Avant toute chose, un auteur est un entrepreneur. Simon Lafrance vous présente les dessous de son entreprise, ses réussites, mais surtout ses échecs, dont il a su tirer des leçons. Également au menu: discipline et diversification, ou comment vivre de sa plume sans se conter d'histoires.
Avec:
Simon Lafrance, auteur
Livre:
Simon Lafrance, Prochain arrêt T.3 : le fort, Éditions Les malins
https://www.salondulivredemontreal.com/livres/prochain-arret-t3-le-fort
Le Salon dans tes oreilles est un balado issu des entrevues, tables rondes, et cabarets enregistrés dans le cadre du Salon du livre de Montréal 2020. Écoutez des auteurs, autrices et personnalités parler de livre, de lecture et d'écriture et échanger autour des cinq thématiques suivantes: le Féminisme, la Pluralité des voix, 2020, et après?, Récit et inspiration et Famille et enfance. Bonne écoute!
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