? Cette fille était une énigme. Elle ne se livrait pas facilement et il ne savait presque rien d’elle. Elle l’intriguait jusqu’à l’exaspération.
Il y a toujours des agitateurs sur les chantiers. Ces types et ceux qu’ils manipulent semblent oublier que sans moi ils crèveraient de faim. Je suis le seul à pouvoir leur procurer du travail. Ils ne deviennent raisonnables que lorsqu’on menace de les renvoyer.
Manger était un problème quotidien. Les fermiers ne m’intéressaient pas plus que les pères de famille qui me courtisaient. Vous avez raison, j’ai l’habitude de décourager les avances.
Tu n’as que dix-neuf ans. C’est folie de songer à te lier à une femme. Tu ne gagnes même pas suffisamment d’argent pour l’entretenir.
Acheter cette femme ne te servira à rien. Jamais elle ne t’appartiendra. Bien sûr, si tu étais un simple fermier, tout le village la considérerait comme ton épouse, mais cette union serait illégale. Cette vieille coutume n’est qu’une farce, une façon de se débarrasser d’une femme dont on ne veut plus, et le fait qu’elle se pratique depuis des siècles ne lui donne aucun caractère légal. Cette fille n’aura pas de statut. Elle ne sera ni domestique, ni épouse, ni veuve. Et tu traîneras un boulet toute ta vie.
Les pasteurs et autres professionnels de la vertu n’aiment pas bien ça : ils ont toujours leur idée sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire.
Un homme ne se débarrasse pas de son épouse sans raison.
— Je croyais que cette vieille coutume campagnarde avait disparu. On vend encore des femmes aux enchères de nos jours ?
— Cela arrive de temps en temps. Beaucoup de gens désapprouvent, mais c’est une bonne façon de se débarrasser d’une femme dont on ne veut plus.