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Critique de titodupret


L'aventure est grande, dense, jules-vernienne : c'est un roman d'exploration où l'on course le diamant, le coltan, l'uranium, l'enfance, la filiation, l'amour. Il y a dans L'homme qui dépeuplait les collines un luxe d'humanité dont on se doute que la réalité est beaucoup plus dure sur place, au Congo, Sud-Kivu, en pleine jungle rongée par l'avidité des uns et la survie des autres.

« Bientôt, la vallée offrit au regard une multitude de petites alvéoles de boue, autant de bassins de décantation, guère plus grands qu'une baignoire, dans lesquels s'affairaient des taches rouge, bleu, jaune ou blanc, les couleurs des tee-shirts et chemises des enfants occupés à trier le minerai d'or dans leurs batées. »

La narration est très réfléchie, bien ficelée, fermement construite, par exemple à la Dan Brown, menant ainsi par chapitres incisifs d'un point à un autre du globe, toute l'attention étant concentrée sur une inconnue tenant dans la poche d'un gamin plein de méfiance et de colère ; à lui seul un danger potentiel et imminent pour toute la région.

« Depuis bientôt deux jours, plus rien ne ralentissait la marche de Jean de Dieu. Pourtant, son pas devenu léger butait sur une réalité plus sombre. Parvenu en territoire plat, il prenait conscience de s'être éloigné de papa Archange, de son enfance. »

Alain Lallemand est journaliste au Soir et son récit est journalistique, au sens le plus lent et le plus noble. Il expose autant d'angles et de points de vue que d'acteurs, d'interlocuteurs et d'intérêts ; ce qui remet en mémoire le grand reporter qu'était Albert Londres. L'auteur actualise ici le métier en exposant au lecteur l'investigation, la fuite de documents par millions, la collaboration internationale entre rédactions, la stratégie de sortie et de diffusion des scandales financiers, politiques, d'États.

« Avant de gagner le fauteuil Louis XVI qu'il s'était réservé, Éric Malta se contempla dans le miroir du salon. Se composer un masque n'était que la moitié de l'exercice. (…) Malta prit le temps d'ajouter à ce masque juste l'ombre d'un sourire, pas davantage, une pointe de bienveillance dans le port de tête. Voilà. Admirable. »

L'homme qui dépeuplait les collines est un texte-torrent quant aux données traitées, aux sentiments exposés, aux réalités partagées, selon une maîtrise quasi physique de l'écriture, des lieux, du temps narratif, des infos et des messages, nombreux, lancés par l'auteur qui semble sortir ici toutes ses tripes d'écrivain, de journaliste au long cours et, tout au bout, d'homme debout : vivant, de son siècle et au présent. Un présent radical : celui qui questionne le réel immédiat à la lumière de l'expérience, du terrain, des sens et des moyens à disposition.

« Le Soir de Bruxelles n'échappait pas à la règle. Chaque service ressemblait à un continent en repli, une position assiégée qui peinait à gérer l'instant, ne le traitait que parce qu'il évacuait d'autres instantanés jamais analysés en profondeur. Qu'importe d'ailleurs, puisque ces moments incarneraient bientôt le passé. »

Le mensonge fait ce qu'il veut, la vérité fait ce qu'elle peut. Dont la fiction est l'un des outils de transmission. Ce roman n'est donc pas seulement une histoire, il est aussi un document, un témoignage, peut-être même un testament professionnel. Il contient en effet les connaissances et sensibilités acquises par l'auteur pendant vingt années de vocation, voire d'abnégation au journalisme ; un métier au front. Celui de la démocratie.

« À quarante ans, quand on a survécu à dix années de correspondance de guerre, on n'a plus rien à perdre, se dit-il. Si le métier est foutu, autant l'exercer à fond. »

Plus loin :
« 
— Hugo… Toi aussi, motus. Ce que tu vas voir, je ne veux jamais le retrouver ni dans un article, ni dans un livre. Nous sommes d'accord ?
— Pas même dans un roman ?
Jamais un journaliste n'avait emprunté le couloir dans lequel deux silhouettes s'engouffrèrent ce soir-là, peu avant 22 heures. »

Le roman, le voici.
Lien : https://le-carnet-et-les-ins..
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