Alain Lallemand, journaliste au Soir à Bruxelles, rend hommage au travail des journalistes d'investigation avec
L'homme qui dépeuplait les collines.
Quand un « leak », une fuite d'informations, de données bancaires, se produit, il y a tout un travail d'équipe de vérification qui démarre. Qui est la source ? Est-elle fiable ? N'y a-t-il pas des faux qui se cachent parmi ces documents, de nature à discréditer les journalistes qui les publieraient, des tentatives de manipulation ?
Alain Lallemand connaît très bien son sujet et, malgré la complexité des montages qu'il évoque, il est arrivé à me le rendre passionnant.
Le scoop de cette nouvelle fuite concernerait Joseph Kabila, président du Congo mais qu'en est-il vraiment ?
Parmi cette sympathique équipe de journalistes passionnés, Laura et Hugo connaissent bien l'Afrique. Hugo a enquêté, dans sa jeunesse, sur des trafics d'enfants qui étaient ensuite adoptés par des Occidentaux. Laura a été reporter de guerre.
Désormais quadragénaires, ils considèrent la quête de l'information comme une source d'adrénaline, presque une drogue, qu'il faut apprendre à contrôler pour ne pas se laisser piéger. Services secrets, mafias, beaucoup de gens ont intérêt à véhiculer de fausses informations.
Laura, l'Espagnole, et Hugo, le Belge, vont utiliser leurs réseaux relationnels et leur expérience du métier pour tenter de démêler le vrai du faux dans cette fuite, ces révélations bancaires nommées AfroLeaks. Leur enquête les mènera de Bruxelles à Belgrade et en Suisse. Leur complicité et le lien qui les unit m'a rendu agréables certaines parties de l'intrigue parfois un peu compliquées à suivre pour les non-initiés.
Tandis qu'un réseau international de journalistes coopère, une autre partie de l'intrigue nous amène en Afrique, sur le terrain, dans l'ancien Congo belge, l'ancien Zaïre, désormais République démocratique du Congo, à Bukavu dans le Sud-Kivu où Baron Mines a des mines d'or et où de jeunes creuseurs indépendants, dont certains ne sont que des enfants, espèrent trouver fortune.
Jean de Dieu aurait-il trouvé un diamant ? Comment éviter d'être assassiné à cause de cette découverte, comme cela est arrivé à d'autres ? Une seule solution : se réfugier auprès d'un de ses cousins, membre des rebelles qui ont pris les armes pour défendre et protéger les leurs car la région est très convoitée à cause de la richesse de son sol : de l'or, du diamant, du tantale pour les smartphones…
De quoi aiguiser les convoitises des anciens colons, comme Éric Malta, le roi de Lubumbashi, qu'Hugo connaît bien, mais aussi des oligarques russes, des Chinois, des Canadiens de Baron Mines pour lesquels travaille Lucas, jeune ingénieur, originaire de la région, qui a été adopté dans les années quatre-vingt-dix et va découvrir ses origines, avec l'aide de Xahra, membre de l'ONG Justice et Paix.
Le titre
L'Homme qui dépeuplait les collines fait référence à un trafiquant belge d'enfants. L'histoire de Lucas amène à réfléchir sur le désir d'enfant des Occidentaux et le marché que cela peut créer pour des trafiquants. J'ai trouvé qu'
Alain Lallemand abordait ces thèmes avec beaucoup de finesse, d'intelligence et d'humanité, par le biais de ses personnages : Lucas et Xahra, Laura et Hugo, un drame intime qu'a vécu Laura, ne vaut-il pas mieux parfois faire le deuil de la maternité, se réaliser et vivre l'amour autrement ?
Entre trafic d'or, de diamants mais aussi d'enfants pour l'adoption, cette partie-là du roman est captivante et aide à mieux comprendre la situation compliquée de l'Afrique et en particulier du Congo. le roman se termine sur une note d'espoir que j'ai beaucoup aimée et qui m'a fait penser à l'organisation dont a parlé Babounette après sa lecture de la BD La Lucha : luchacongo.org où de bonnes volontés tentent de se fédérer, de se lancer dans des projets sociaux pour trouver des solutions pacifiques aux problèmes rencontrés, comme veulent le faire Xahra et Lucas.