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Critique de butineries


C'est vrai, ça, comment font les gens ? Pour être heureux, pour avancer dans la vie ? Anna, 53 ans, mariée, 3 filles (2 ados et une aînée de 33 ans qui a « une grande nouvelle à lui annoncer« ), exerce un métier qu'elle aime (être éditrice, c'est « être transfusée par d'autres mots que les siens« ), et retrouve des copines solides et solidaires, très souvent, au café Baudelaire, avec qui elle échange – gling – beaucoup de SMS.

C'est un récit plein de tendresse et de dérision, fort agréable à lire, qui traite à bras-le-corps mais avec légèreté de sujets graves, dans un rythme trépidant. Écrit d'une traite, sans chapitre, sans pause, il se lit de la même façon, d'une traite, sans reprendre sa respiration. Il déploie 24 heures de la vie d'une parisienne à l'abri de tout souci matériel, une journée tout à fait ordinaire. Il raconte son quotidien, y mêle des souvenirs du passé et des questions existentielles de tous bords. C'est un livre riche, hurlant de vérité, pas vraiment roman, pas vraiment essai, plutôt un livre-témoignage très contemporain sur le métier de mère, sur l'adolescence, sur le vieillissement, sur le milieu de l'édition – Olivia de Lamberterie est journaliste-romancière -, sur la fidélité… Anna a tout pour être heureuse, mais le vernis craque. Il y a ce corps qui est en train de la lâcher – « Bientôt elle aura plus de ventre que de seins. » Il y a Nine, sa mère, reléguée aux Acacias, ex-militante du MLF, qui perd un peu (et même beaucoup) la tête – « Sa nouvelle mère, cette inconnue qu'il faut aimer comme l'ancienne. » Il y a son mari qui la trompe. Il y a sa nouvelle cheffe « à la bouche méchante » qui lui enjoint de publier des influenceuses : « Mais tes romans, tes petits Maupassant, mais tout le monde s'en bat les couilles aujourd'hui… Les stars de la télé, les sportifs, les influenceurs de Dubaï, voilà de quoi ont envie les lecteurs…Il faut que tu fasses du chiffre, sinon t'es morte. » Et il y a ses filles rebelles et radicales, tendance #metoo.

Anna ne reconnaît plus ce monde. Mais « accoutumée à ne pas déranger« , elle court quand même toute la journée : « Courir c'est la profession des femmes quel que soit leur métier. » Elle est touchante, fragile, mais aussi « forte de la vaillance des femmes à tout faire« , elle crie silencieusement sa détresse et sa lassitude, seule malgré tous les autres, désenchantée. Demain matin, elle repartira de plus belle, en héroïne invisible mais formidable, en bon petit soldat – « les mères ça ne fait pas grève » -, prête à de nouveaux combats, parce que la vie, c'est ça : les petits arrangements avec le monde et avec soi-même.
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