et juste au moment où nous passions, ils étaient en train d'ouvrir les portes de la chambre à gaz...
et les gens sont tombés comme des pommes de terre.
Bien sûr, cela nous a épouvantés et choqués.
Nous sommes retournés nous asseoir sur nos valises,
et nous avons pleuré comme des vieilles femmes.
Et je me sentais si coupable de ne pas m'être laissé déporter,
d'avoir tenté d'échapper à un destin
que les autres ne pouvaient fuir.
J'ai entendu dans mon demi-sommeil
que quelques-uns se pendaient.
Nous n'avons pas réagi. C'était presque normal.
Mais, par beau temps, ils pouvaient agir autrement,
se montrer de bonne humeur
et faire de l'humour, disant par exemple:
"Bonjour madame, descendez je vous prie".
Et comme nous regardions
- nous avions pu entrouvrir la fenêtre - ,
le vieux dans notre compartiment a vu quelqu'un...
il y avait là des vaches qui paissaient...
et il a demandé, mais par signes:
"Où sommes nous?"
Et l'autre a fait un drôle de geste. Ça!
A la gorge.
Tandis que nous attendions à la gare
notre tour d'être emmenés au camp,
des SS s'approchèrent et nous demandèrent
ce que nous possédions.
Nous avons répondu: "Quelques-uns ont de l'or,
des diamants, mais nous voulons de l'eau".
"Bon, donnez les diamants, vous aurez de l'eau".
Ils les ont pris, on n'a jamais vu l'eau.
Mais il faut dire que les Allemands lui donnaient, aussi bien qu'à ses camarades,
de la vodka, pour qu'ils boivent.
Parce que sans avoir bu, ils n'auraient pas pu...
En mon for intérieur, j'avais un pressentiment,
car s'ils prennent les enfants, les vieux,
c'est mauvais signe.
"Là-bas, vous travaillerez", leur disaient-ils.
Mais pour une vieille femme,
un nourrisson, un enfant de cinq ans,
travailler, c'est quoi?
C'était absurde et pourtant,
rien à faire, nous y avons cru.
Même avant la guerre,
quand on parlait avec les Juifs,
ils prévoyaient leur fin,
Monsieur ne sait pas comment.
Déjà avant la guerre ils le pressentaient.
Quand on nous a forcés à ouvrir les fosses,
on nous a interdit d'utiliser des instruments,
on nous a dit: "Il faut que vous vous habituiez à cela: travaillez avec les mains!"