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Critique de oblo


La position de Polza se renforce auprès des policiers de dramatique façon. On apprend le décès de Carole Oudinot : si l'on veut connaître la vérité, si tant est qu'il y en a une, il faudra écouter jusqu'au bout le récit de Polza. Après un été passé dans l'ivresse, les premières rigueurs automnales, et la promesse d'un hiver froid, poussent Polza à visiter des résidences secondaires. Toujours objet de blasts, Polza constate que ceux-ci diminuent en intensité.

Ce deuxième album de la série signe, déjà, la fin de l'innocence pour l'ancien écrivain gastronome. Agressé une première fois de façon gratuite, Polza l'est à nouveau par un personnage atypique et inquiétant qui se surnomme lui-même saint Jacky. Marginal, dealer de drogues, bibliophile aussi, Jacky commence par mettre Polza dans le coma avant de le soigner, de le recueillir et, même, de le faire travailler pour ses affaires illicites. Polza retrouve des blasts puissants grâce à l'héroïne fournie par Jacky, mais des envies de solitude le reprennent. D'autant que la personnalité de Jacky finira par dévoiler une autre de ses facettes, très inquiétante, laquelle indique que Polza commence à atteindre les sombres tréfonds de l'humanité.

Manu Larcenet continue d'explorer l'âme humaine. En cela, il se rapproche de certains auteurs russes des 19ème et 20ème siècles, dont le plus célèbre d'entre eux, Dostoïevski. Couche après couche, Larcenet donne une densité psychologique à Polza, densité que l'on retrouve rarement en bande-dessinée et, peut-être encore plus rarement dans la littérature contemporaine. le corps de Polza est l'origine de ses souffrances : corps informe moqué, détesté par lui-même et par les autres, corps martyrisé par les mots des autres et par les scarifications qu'il s'est infligées, c'est un corps que Polza veut dissimuler et rendre invisible, et ce contre toute logique. L'expérience de la liberté que s'offre Polza, c'est aussi celle de la solitude : une solitude volontaire, choisie, comme un remède aux tourments de la société, comme un retour à la nature. Si Polza est amené, par son parcours, à croiser ses congénères, ceux qu'il côtoie sont eux aussi hors de la société normée. L'expérience de Polza, c'est celle du retour à l'état de nature : point de morale ni de justice, simplement l'expression des volontés personnelles.

Pour servir ce récit sombre, il faut un dessin qui le soit aussi. Comme pour le premier tome, Larcenet réussit ce défi de la plus brillante des façons. Son travail sur les dégradés de noir et de gris est remarquable. Les personnages affichent chacun un caractère caricatural qui traduit leur personnalité profonde, sans pour autant que leurs déformations ne les rendent grotesques ; bien au contraire, c'est leur humanité qui s'exprime ici. le blast, exprimé de façon enfantine, vient égailler des pages où rien n'est laissé au hasard. Quant au rythme, il est parfaitement maîtrisé. Larcenet expliquait dans une interview que le format des albums (200 pages chacun) lui permettait justement de travailler le rythme du récit et de laisser des cases silencieuses où, pourtant, le dessin est très expressif. L'oeil du lecteur, ainsi, s'attarde sur une beauté fulgurante : ici un éléphant, là un héron, là encore un dessin strié de blanc pour traduire la pluie ou bien les herbes d'un pré. C'est bien la tête la première que l'on plonge dans cette oeuvre à part.
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