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Citations sur La Culture du Narcissisme : La vie américaine à un âge de d.. (35)

Dans les ouvrages de Mailer, et dans ceux de ses nombreux imitateurs, ce qui commence comme une réflexion critique sur l’ambition propre à l’écrivain, ouvertement reconnue comme un désir d’atteindre l’immortalité littéraire, se termine souvent en un monologue verbeux ; où l’on voit l’auteur faire commerce de sa propre célébrité, remplissant page après page d’une matière qui n’a d’autre intérêt que celui d’être associé à un nom connu. Une fois porté à l’attention du public, l’écrivain jouit d’un marché tout prêt à entendre ses confessions.
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Et pourtant, de nombreux ex-radicaux ont eux-mêmes embrassé la sensibilité thérapeutique dans les années1970. Rennie Davis abandonne le radicalisme politique pour suivre Maharaj Ji, le gourou adolescent. Abbie Hoffman, l’ancien chef des Yippies, décide qu’il est plus important de rassembler ses esprits que de mouvoir les multitudes. Son associé d’antan, Jerry Rubin, lorsqu’il atteignit l’âge terrible de trente ans, se trouva confronté à ses peurs et à ses anxiétés secrètes ; il déménagea alors de New York à San Francisco, et se mit à acheter – avec des revenus apparemment inépuisables – tous les produits offerts par les supermarchés spirituels de la côte Ouest. […]
Dans ses mémoires, modestement intitulées Grandir à trente-sept ans, Rubin témoigne des effets salutaires du régime thérapeutique. Après avoir négligé son corps pendant des années, il se donna « la permission d’être en bonne santé », et perdit rapidement quinze kilos. Nourriture diététique, jogging, yoga, saunas, chiropraxie, acupuncture lui donnèrent l’impression, à trente-sept ans, « d’en avoir vingt-cinq ». Sur le plan spirituel, ses progrès se révélèrent tout aussi satisfaisants et indolores. Abandonnant son armure protectrice, son sexisme, sa « manie de l’amour », il apprit « à s’aimer suffisamment soi-même pour n’avoir pas besoin d’un autre pour se rendre heureux », et parvint à comprendre que sa politique révolutionnaire cachait un « conditionnement puritain » qui provoquait parfois en lui un certain malaise, à cause de sa célébrité et des avantages monétaires qu’elle lui valait. C’est apparemment sans efforts psychiques épuisants que Rubin a réussi à se convaincre « qu’il n’y a pas de mal à goûter les bienfaits de la vie qu’apporte l’argent ». […]
Pourtant, cet « énorme auto examen » donne peu d’indications touchant la compréhension de soi auquel il serait parvenu sur le plan personnel ou collectif. Sa conscience de soi demeure embourbée dans les clichés de la libéralisation des mœurs. Rubin examine « la femme en lui », son besoin de se faire une conception plus tolérante de l’homosexualité et son envie de « faire la paix » avec ses parents, comme si ces lieux communs apportaient des révélations difficilement acquises sur la condition humaine. […]
Comme tant d’anciens radicaux, Rubin n’a fait que substituer des slogans thérapeutiques en vogue aux slogans politiques de naguère, qu’il utilise dans l’un et l’autre cas sans tenir compte de leur signification.
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Libérer l’humanité de notions aussi attardées que l’amour et le devoir, telle est la mission des thérapies postfreudiennes, et particulièrement de leurs disciples et vulgarisateurs, pour qui santé mentale signifie suppression des inhibitions et gratifications immédiates des pulsions.
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Après le tumulte politique des années 1960, les Américains se sont repliés vers des préoccupations purement personnelles. N’ayant pas l’espoir d’améliorer leur vie de manière significative, les gens se sont convaincus que, ce qui comptait, c’était d’améliorer leur psychisme : sentir et vivre pleinement leurs émotions, se nourrir convenablement, prendre des leçons de ballet ou de danse du ventre, s’immerger dans la sagesse de l’Orient, faire de la marche ou de la course à pied, apprendre à établir des rapports authentiques avec autrui, surmonter « la peur du plaisir ». Sans danger en tant que telles, ces activités, promues au rang de plans d’action et enrubannées dans la rhétorique de « l’authenticité » et de la « prise de conscience », traduisent un éloignement de la politique et une répudiation du passé récent.
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Si Narcisse ne se soucie pas de l’avenir, c’est, en partie, parce qu’il s’intéresse peu au passé. Il lui est difficile d’intérioriser les moments heureux ou de garder en mémoire des souvenirs précieux qui lui permettraient, plus tard, de faire face au déclin à l’âge qui, même dans les meilleures conditions, apporte tristesse et souffrance.
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Si nous demandons à l'homme de la rue ce qu'il pense de ses perspectives d'avenir, sa réponse confirme l'impression que le monde moderne, en effet, regarde le futur sans espoir ; toutefois, nous apercevons, aussi, un autre aspect qui vient nuancer cette impression et donne à penser que la civilisation occidentale est peut-être encore capable d'engendrer les ressources morales susceptibles de transcender sa crise actuelle. La méfiance de la population à l'égard de ceux qui exercent le pouvoir a rendu la société de plus en plus difficile à gouverner — ainsi que s'en lamente constamment la classe dirigeante — sans comprendre qu'elle en est, en partie, responsable. Pourtant, cette même méfiance pourrait donner naissance à un comportement nouveau, une aptitude nouvelle à se gouverner soi-même, qui finiraient par abolir les conditions produisant, en premier lieu, le besoin d'une classe dirigeante. Ce qui apparaît comme apathie des électeurs aux yeux des adeptes des sciences politiques, peut constituer, en fait, un scepticisme justifié à l'égard d'un système politique dans lequel le mensonge public est devenu endémique et banal. La défiance que l'on constate à l'endroit des experts pourrait contribuer à diminuer la dépendance à leur égard, qui limite notre autonomie.

[…]

Ce que les élites politiques et dirigeantes qualifient « d'indifférence à la politique » pourrait bien signifier un refus grandissant des citoyens, de participer à un système politique qui les traite en consommateurs de spectacles préfabriqués. Ce comportement, en d'autres termes, pourrait indiquer non pas un retrait de la chose politique, mais bien plutôt le début d'une révolte politique générale.
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Le voyage intérieur ne révèle que le vide. L'écrivain ne voit plus la vie reflétée dans son esprit mais, au contraire, le monde, même vide comme son propre miroir. Lorsqu'il se rend compte de ses expériences "intérieures", ce n'est pas pour nous donner un tableau objectif d'un fragment représentatif de la réalité, mais pour séduire afin qu'on s'intéresse à lui, qu'on l'acclame, qu'on sympathise, et qu'ainsi l'on conforte son identité chancelante.
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Le travail créateur, utile, qui confronte l’individu avec « des problèmes esthétiques et intellectuels non résolus », et qui, de ce fait, mobilise le narcissisme au bénéfice d’activités situées en dehors du moi, fournit à l’individu narcissique, au dire de Heinz Kohut, son plus grand espoir de transcender sa condition.
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La critique de la culture prit un caractère personnel et autobiographique qui, au pis, dégénérait en exhibitionnisme, mais qui, au mieux, montrait que toute tentative pour comprendre la culture devait inclure une analyse de la manière dont elle modelait la propre conscience du critique.
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Le « radicalisme culturel » en vogue est devenu si pernicieux par le soutien qu’il apporte sans le vouloir, au statu quo, que toute critique de la société contemporaine, qui ne veut pas se contenter des apparences, doit également remettre en question bien des actions qui se réclament du radicalisme.
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