Le fond du problème, c’est que l’accroissement de la consommation et de la satisfaction dans la vie privée est un accroissement du rien.
Les débuts de la société de consommation s’accompagnent de la naissance d’un nouvel égoïsme, qui voit les individus se retrancher de la sphère publique et se réfugier dans un monde exclusivement privé. Sans projet, otages d’un monde hallucinatoire dopé par le marketing et la publicité, les individus n’ont désormais plus de modèles auxquels s’identifier.
J’ai décrit le « moi minimal » ou le « moi narcissique » comme un moi de plus en plus vidé de tout contenu, qui en est venu à définir ses buts dans la vie dans les termes les plus restrictifs possibles, en termes de survie pure et simple, de survie quotidienne. Comme si la vie de tous les jours était si problématique et le monde si menaçant qu’on ne pouvait espérer, au mieux, que de s’en sortir, de vivre au jour le jour.
La survie est une préoccupation depuis toujours, une préoccupation première pour la plupart des gens. Mais c’est seulement à notre époque qu’elle semble avoir acquis un statut presque moral, comme si la survie était, non pas la condition de possibilité d’une vie morale, mais tout ce qui existe.