Qu'elle ne se fasse pas de souci, Xanthippe lui plaisait telle qu'elle était. Il ne voulait surtout pas d'une épouse incapable de penser par elle-même. (p. 65)
Il répond qu'on ne peut à la fois philosopher et gouverner. Et pour qu'elle le comprenne mieux, il entreprend de développer. Sa mission à lui n'est pas politique, elle est pédagogique. Ses concitoyens dorment, il doit les réveiller, il doit les mettre sur la voie du bien et du vrai.
- "On le sait, Socrate, tu le dis tout le temps !
-Pour faire de la politique, poursuit-il, il faut choisir son camp."
Or, il n'a jamais pu décider ce qui valait mieux pour une cité, tyrannie ou démocratie. Prendre le pouvoir ou le recevoir, quelle différence si on l'exerce justement ? (p. 82)
Il tourne en rond sur l'agora et parle du matin au soir.
Comme quelqu'un qui a perdu l'esprit.
P 30
L'enfermer ? Mais comment ? aucune porte ne ferme chez eux ! entre et sort qui veut, quand il le veut, le vieil homme est pour la liberté.
"Je ne t'ai pas demandée à ta mère pour que tu sois prisonnière, Xanthippe. Je te veux libre. Comme moi. De dire et de faire..."
Ne lui a -t-il pas répété qu'ils avaient les mêmes droits, lui et elle ? Ce qui ne l'empêche pas de remercier à haute voix elle ne sait plus quelle divinité pour n'être pas né animal, esclave...ou femelle, histoire de la provoquer. (p; 28)
Voilà ce qu'elle aurait dit si on ne l'avait pas chassée.
Mais qu'il aurait écouté ?
Le jour où nous écouterons une femme n'est pas encore venu.
Viendra-t-il jamais ?
p 26
Sur l'agora, dans le coin des livres, les auvents sont relevés. Pas question pour elle de flâner devant. Et pourtant... A la différence de ceux des coiffeurs, débordant de perruques, de peignes et d'essences odoriférantes dont elle n'a que faire, les étals des "libraires" l'attirent. Elle ne sait pas lire, elle ne sait pas écrire, elle ne sait même pas épeler, mais elle éprouve du plaisir à dérouler ces papyrus qu'on lit à deux mains. Elle soupçonne, sous leur calligraphie colorée, une science d'initiés, des mystères dévoilés, des secrets révélés, et elle enrage de passer à côté. Elle voudrait tout savoir sur tout, s'informer d'autres affaires que celles de la cuisine ou du gynécée. Il lui a plus d'une fois laissé entendre que cette émancipation pouvait se faire, qu'il allait s'y employer.
"comment moi, une pauvre femme, pourrais-je être ton élève ? s'était-elle récriée. Je ne serai jamais l'égale de tes amis, ils ont l'air si savant quand je les entends..."
Il avait répondu en souriant qu'il est facile d'avoir l'air savant quand on ne parle que de ce qu'on sait.(p. 53-54)
Les assassins n'en ont pas fini avec elle.
On a bien raison de l'appeler Xanthippe, la mégère. !
Ils pourront bien pour l'amadouer parfumer tous les autels de la cité avec de l'aubépine, du sureau, ou du safran, y brûler du bois de cèdre y saigner le plus noir de leurs béliers...
p120
"Es-tu sûr de ce que tu dis ? "
Oui. De même qu'Hippocrate purge les corps; lui [ Socrate] tente de purger les esprits. Question de salubrité publique. Hippocrate et lui, même combat !
"Crois-tu vraiment pouvoir avec tes questions d'enfant transformer en un bon le méchant ? (...) " (p. 84)
Un rire nerveux la secoue. Elle croit l'entendre: tout est passage de relais, Xanthippe, tout se perpétue; par on ne sait quel mystère, tout naît de son contraire, le grand du petit, le soleil de la pluie, la sagesse de la folie, la mort de la vie, et l'inverse aussi...
-"Arrête, Socrate, ce n'est pas l'heure de la philosophie ! " (p. 108)
il dit aussi que l'homme n'est pas né pour tout connaître. Qu'il commence donc par se connaître lui-même..; (p. 75)