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Critique de fanfanouche24


Quelle rentrée... pleine de pépites et de promesses... dont cet ouvrage de Camille Laurens, où j'ai eu d'emblée un coup de coeur pour le sujet !
Je méconnais cette auteure , j'ai lu il y a fort longtemps "Dans ces bras-là", avais assisté à une rencontre avec l'écrivaine à cette parution, mais je n' en ai guère de souvenirs; en revanche, j'ai lu plus tard un texte qui m'avait passionnée, il s'agit du "Grain des mots",
une réflexion vivante, jubilatoire, poétique sur les mots et la langue....

Dans ce dernier texte captivant , le sujet interpelle vivement le lecteur !
En plus des informations sur l'histoire de l'art, et plus spécifiquement sur une sculpture de Edgar Degas, "La petite danseuse"... Il est à la fois question des codes, des normes esthétiques de l'époque, mais aussi de tout le contexte social , dont les conditions de vie terrible pour les enfants pauvres qui doivent travailler, ou plus exactement "trimer" ... Nous prenons connaissance des coulisses des modèles qui posent sur les artistes, dont cette adolescente, marie van Goethem, petit rat à l'Opéra de Paris, existence quotidienne qui se situe bien loin des paillettes !!

"Marie van Goethem n'est qu'une jeune ouvrière de la danse et une petite fille seule, solitaire. Personne ne se soucie de son sort. Degas la modèle dans sa simplicité, dans son dénuement. La sculpture permet de figurer le vide autour d'elle : pas de décor, pas de compagnie. (...) Degas désire abattre le stéréotype, asséner une vérité que la société ignore- veut ignorer. La danse n'est pas un conte de fées, c'est un métier pénible. Cendrillons sans
marraine, les petits rats ne deviennent pas des princesses, et leurs cochers sans carrosse restent des souris grises comme le coutil de leurs chaussons." (p. 47)


Très bel ouvrage... qui ne me fera plus jamais regarder une sculpture de la même manière. J'aimais cette sculpture de Degas... mais après la lecture du texte incroyable de Camille Laurens, je me rends compte que mon regard manquait d'attention et de véritable profondeur...Je regardais, admirais sans vraiment voir ni comprendre la densité de cette oeuvre !

Comme son auteure... j'ai du mal à quitter ce livre et cette jeune danseuse si vaillante...


En plus des côtés artistique et sociologique, c'est aussi l'occasion pour l'écrivaine d'évoquer des souvenirs plus intimes, sa grand-mère [ qui aurait pu rencontrer
cette petite danseuse], issue aussi des classes pauvres, pour qui elle éprouvait beaucoup de tendresse, comme ses souvenirs d'enfance, ses propres leçons de danse avec sa soeur, prises avec un horrible professeur, plutôt "tortionnaire" qu'enseignant bienveillant !!


J'ai du mal à terminer ce livre, car j'ai du mal à quitter Marie. Je ne pensais pas formuler jamais une telle phrase. "Je suis triste de quitter mon personnage. Il m'obsède. Je continue
de penser à lui, à elle..." D'habitude, les auteurs qui prétendent cela m'exaspèrent, je les trouve
conventionnels, hypocrites, ridicules. Pourtant, c'est ce que j'éprouve aujourd'hui avec la petite danseuse, avec -ma- petite danseuse, ai-je failli écrire.
c'est peut-être parce qu'elle a un corps; fût-il en cire ou en bronze sous mes yeux, ce corps a existé, il a traversé des rues de Paris où je peux suivre sa trace aujourd'hui (p. 149)"

Une lecture très riche, multiple... que je trouve pleine d'émotion et d'informations sur une période de l'histoire de l'art et sur ce peintre-sculpteur, au caractère complexe, intransigeant, que Camille Laurens a appris , à défaut d'aimer sans réserve, du moins à le comprendre mieux dans ses exigences et dans son art !
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