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Citations sur Les dimanches de mademoiselle Beaunon (9)

Mais elle ne jouait jamais les séductrices, s’estimant à peine capable d’être séduite, parce que sous le regard des autres, étant vêtue, elle se ressentait fade comme certaines viandes qui sont tendres et honnêtes mais qui ne retiennent par aucun attrait goûteux. Persuadée que l’on séduit mieux par le ton des paroles que par leur contenu elle n’avait jamais cherché ce ton parce qu’elle avait d’emblée renoncé à l’obtenir. Il y avait de la modestie dans son cas, et peut-être de la paresse, bien qu’elle fût travailleuse au bureau et chez elle. Cette modestie n’allait pas jusqu’au renoncement, bien au contraire.
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Le souci de situer une œuvre dans le contexte de son époque lui aurait donc paru incompréhensible. Elle ignorait l’histoire de l’art. Dans les musées et les expositions elle achetait volontiers des reproductions qu’elle classait à sa guise dans des cartons à dessin. Il lui était aussi arrivé de se procurer des livres qui concernaient des tableaux qu’elle n’avait pas vus à Paris mais achetait-elle un ouvrage sur Cranach qu’après avoir découpé les photographies elle jetait sans regret le reste, bien résolue à ne jamais comprendre qu’on pût traduire l’œuvre d’un peintre en mots et en signes de ponctuation.
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Elle aimait mieux rêver de sa jeunesse que la vivre mais la rêver lui était agréable et quand Yolande l’embrassa elle se plut à imaginer qu’elles étaient deux copines qui se retrouvaient.
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Elle acceptait plus facilement de modifier une opinion claire qu’une opinion fumeuse. Elle avait par exemple tenu pour clair le mépris que le souvenir de son père lui inspirait et croyait même ne guère penser à lui mais un matin, ayant surpris Paul Bâche très occupé à faire reluire avec le bout de son écharpe de laine un petit vase de cuivre toujours posé sur son bureau, elle avait soigneusement écouté l’explication qu’il lui fournissait avec la volubilité d’un coupable qui s’est fait pincer en flagrant délit : il n’aimait pas ce vase et ne le conservait toujours auprès de lui que parce que son père y était très attaché.
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Elle employait beau et bon indifféremment. Une belle maison, une bonne maison, un beau tissu, un bon tissu. Elle mêlait à cette beauté ou à cette bonté une notion de bravoure et elle aurait pu dire aussi d’une maison qu’elle était brave. Bref dans sa manière de juger les choses faites par l’homme il y avait d’abord un goût de la loyauté qui ne reflétait pas exactement le reste de son caractère.
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Quand on gagne de quoi se faire bâtir à Picpus une belle maison entourée d’un jardin, qu’on obtient les Palmes académiques puis la croix de la Légion d’honneur, qu’on roule dans une Renault de douze chevaux, comment ne se prendrait-on pas pour un habile homme et ne serait-on pas enclin à esquisser à tout propos un cours sur l’art de réussir ? Mais Mlle Beaunon était née en un temps où le filon des monuments du souvenir était épuisé.
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On ne peut pas vendre des cadeaux, elle ne pouvait pas non plus jeter les preuves de gentillesse qu’elle accumulait depuis plus de dix ans. A chaque retour de vacances elle avait toujours été aussi touchée par les marques que son entourage lui donnait de l’indulgence qu’il portait à sa manie.
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Le Larousse lui apprit que le caribou était un renne dans le langage des indigènes du Canada. Au mot renne elle obtint des renseignements plus nombreux sur ce mammifère ruminant de la famille des cervidés qui atteint un mètre cinquante de haut. Le dictionnaire félicitait cet animal d’être sobre et résistant et de posséder des bois à andouillers aplatis en palette qui lui rendaient grand service pour découvrir les lichens sous la neige. Le petit caribou d’os ressemblait assez à celui de l’illustration mais il avait la tête baissée probablement pour brouter, encore que cette position donnât à ses bois une attitude menaçante.
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* La gêne lui était nécessaire, elle aimait être gênée, elle en cherchait même l’occasion et ce vice avait orienté et désorienté sa vie. Le mot vice lui était familier, tout en restant obscur. Depuis longtemps elle se savait vicieuse mais elle ne voulait pas savoir en quoi.

* Se rappelant que sa poubelle était pleine elle la descendit en chemise de nuit. C’était une de ses audaces. Au rez-de-chaussée, il lui fallait atteindre le réduit où elle vidait sa poubelle. Plusieurs fois il lui était arrivé d’avoir été rencontrée, dans cette tenue, et d’avoir profondément goûté sa gêne.

* Parmi les motifs qui poussaient Mlle Beaunon à fréquenter les musées la drague tenait sa place. Elle considérait que ces lieux favorisaient particulièrement les rencontres. On n’est pas pressé, on se côtoie, on troque facilement un voisin pour un autre, ce qui est impossible dans une salle de spectacle. Poser ensemble son regard sur le même objet incite à un échange d’impressions.

* Elle avait eu affaire à plusieurs sortes de dragueurs. Le gai, entreprenant et sûr de lui que le plus souvent elle refusait. Le triste que n’effleure aucune arrière-pensée ; il veut simplement vous emmener dans un café pour vous raconter sa vie et plus particulièrement ses malheurs ou encore discuter écologie, politique, télévision ; il faut parfois plus d’une heure pour se débarrasser de lui. L’idéal était représenté par un homme d’un âge variable, éventuellement marié, qui était juste un peu timide et ne savait pas trop comment s’y prendre pour passer aux actes. Si Mlle Beaunon aimait se sentir gênée, elle aimait aussi que son partenaire partageât cette gêne.
Jamais elle n’avait vécu une liaison ni renouvelé une rencontre même satisfaisante. Donnant libre cours à son imagination elle trouvait toujours une nouvelle fable pour démontrer qu’on ne pouvait pas aller chez elle. L’homme ignorait son adresse ou, s’il insistait, en obtenait une fausse. Son métier, sa situation de famille, son origine étaient autant de sujets autour desquels chaque fois elle improvisait avec le même plaisir. L’homme était obligé de chercher lui-même le lieu de leurs étreintes… Quels que fussent les détails de séjour et de séjours et de parcours, elle appréciait avant tout les petites difficultés qui jalonnaient le passage d’une conversation prudemment nourrie d’idées générales à des considérations plus personnelles et à l’apparition du projet précis autour duquel le flou se maintenait parfois assez longtemps, jusqu’au moment où le règne du cru s’instaurait.
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