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Citations sur Avana, tome 1 : La prophétie du druide (30)

Avana rentra chez elle. Assise sur son lit, elle repensa aux paroles d’Emroth : « Tu as trop de mal en toi pour courir ce risque. » Elle en avait eu le souffle coupé. La croyaient-ils donc tous mauvaise ? À cette pensée, elle donna libre cours à son chagrin.
Elle demeura longtemps étendue sur son lit, cherchant une solution pour apaiser sa tristesse. Peu à peu, une certitude faisait jour dans son esprit. Si elle n’était plus la bienvenue parmi eux, à quoi bon rester et se torturer ? À cet instant, elle comprit qu’elle n’avait plus le choix. Si elle voulait cesser de souffrir, elle devait quitter Emain Macha.
Elle sécha ses larmes d’une main farouche et recouvrit ses épaules d’une longue cape doublée de fourrure. Elle descendit sans bruit jusqu’à l’écurie et sella son cheval. Pour ne pas se faire remarquer, Avana le prit par la bride et marcha à ses côtés jusqu’à l’entrée de la forteresse. Elle surveilla les gardes qui observaient l’horizon. Ils ne la virent pas entrouvrir la lourde porte de bois. Elle sortit, enfourcha sa monture et partit au galop sur le chemin qui traversait la plaine.
Quand elle estima avoir parcouru une distance suffisante, elle arrêta son cheval et se retourna vers la forteresse où elle avait grandi.
– Pourquoi m’avoir accueillie parmi vous si vous ne vouliez pas de moi ?! cria-t-elle, le cœur rempli d’amertume.
Il n’y avait pas si longtemps, elle se sentait aimée et appréciée de tous. Désormais, elle se sentait rejetée, méprisée. Sur son visage blême, une seule larme coula. Laissant le vent glacial la sécher, elle claqua les rênes et s’éloigna à vive allure.
Durant des heures, elle fit galoper sa monture…
Tandis que le soleil entamait sa descente, elle atteignit les abords du lac Neagh. Avana ralentit son cheval et lâcha les rênes pour se réchauffer les mains. Les alentours étaient calmes. Elle longea l’eau, attirée par cette immense étendue qui semblait l’appeler. Alors qu’elle fixait la surface lisse, elle entendit un chant mélodieux qui provenait de la rive opposée. Son cœur battit la chamade, comme si tout son corps reconnaissait cette mélodie. Elle s’avança vers les eaux, hypnotisée.
Soudain, le silence se fit. Avana demeura immobile, essayant de percevoir de nouveau la voix enchanteresse. N’entendant que le bruit du vent qui soufflait sur les vagues, elle retourna sur le chemin et s’éloigna du lac. Son esprit se demanda si elle avait rêvé, mais son cœur lui répondit que non. À cet instant, elle leva la tête pour sentir les doux rayons du soleil sur son visage et elle aperçut un oiseau fabuleux aux ailes scintillantes, mirage évanescent dans le bleu du ciel.
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À mesure qu’elle parcourait la plaine, Avana examinait la forteresse, un regroupement de bâtiments entourés d’une palissade fortifiée. Arrivée devant les deux énormes portes ornées de bronze, elle arrêta son cheval. Elle sauta à terre et leva le heurtoir dont le coup résonna dans la cour intérieure. Les portes s’entrouvrirent sur un garçon, épée à la main, qui la regardait d’un air soupçonneux.
– Que veux-tu, jeune fille ? lui demanda-t-il sur un ton hautain.
– Je suis sûrement moins jeune que toi ! affirma-t-elle avec assurance. J’aimerais voir ta maîtresse.
Il fronça les sourcils. Finalement, il ouvrit les portes et la laissa pénétrer dans la forteresse. Dans la cour intérieure, une vingtaine de garçons se battaient avec des dagues et des épées courtes. Avana vit certains arrêter leur combat pour la regarder passer. Le rouge lui monta aux joues. À la suite du garçon, elle traversa la vaste cour intérieure et s’arrêta devant le bâtiment principal.
– Attends-moi ici, lui dit-il en partant avec son cheval en direction des écuries.
Tandis qu’elle observait les combats, trois jeunes hommes abandonnèrent leur entraînement et s’approchèrent d’elle. Ils la scrutèrent de la tête aux pieds. Ne voulant pas s’en laisser conter par ces blancs-becs, Avana les imita.
– Que viens-tu faire chez moi ? entendit-elle derrière son dos.
Elle se retourna promptement et demeura muette, figée devant la sorcière qui s’avançait vers elle. Oh oui, elle en était persuadée, il s’agissait bien d’une sorcière. Une puissante énergie émanait d’elle. Avana tenta de mieux capter cette force qui se dégageait de la mystérieuse femme au teint pâle et aux yeux de braise.
– Tu viens juste d’arriver chez moi et tu voudrais déjà connaître tous mes secrets… plaisanta la sorcière. Quelle insolence.
Avana sut qu’elle ne pourrait rien lui cacher.
– Je vous prie de m’excuser… Je ne voulais pas vous offenser. Je suis venue de la terre d’Erin pour vous rencontrer. Je veux être instruite sur les secrets du monde qui m’entoure.
– Je n’initie que les garçons, ta place n’est pas ici, répondit sèchement la femme à la longue chevelure rouge.
– Ma place n’est nulle part, puisque les druides ne veulent pas parfaire mon éducation non plus. Mon père Amorgen…
La sorcière l’interrogea d’un air intrigué :
– Tu es la fille d’Amorgen, le Grand Druide d’Ulster ?
– Oui.
– Et comment es-tu venue jusqu’ici ?
– J’ai trouvé un bateau…
– Sais-tu lire ?
– Non…
– Te battre à l’épée ?
La tristesse envahit Avana.
– Non, répondit-elle, le cœur serré.
La sorcière lut dans ses yeux son désespoir, mais également, son grand désir d’apprendre et de se former. Elle fera une élève parfaite, songea-t-elle.
– Avana, fille d’Amorgen, sois la bienvenue dans mon domaine. Je suis Scatach et j’accepte de te prendre sous ma tutelle.
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– Cette nuit et les suivantes, commença la sorcière, vous développerez votre sixième sens, ce qui vous permettra de sentir les présences invisibles.
Scatach attribua à chacun des groupes une partie de la forêt. Les membres de l’équipe seraient à tour de rôle poursuivis et traqués par les trois autres.
– Je sais que certains d’entre vous ont déjà développé cette habileté. Vous entraînerez donc les autres, conclut-elle avant de refermer les grandes portes de la forteresse.
– Venez ! ordonna immédiatement Ranthor au reste de son groupe.
À sa suite, Avana et les autres traversèrent la plaine d’un pas rapide et pénétrèrent dans la forêt. Ils suivirent un large sentier en direction du nord. Tous les quatre marchaient en silence. Ils n’entendaient que les longs ululements des rapaces nocturnes et le bruit du vent qui caressait la cime des chênes centenaires.
– C’est bien d’être aux confins de la forêt. Si on attaque Avana, personne ne pourra entendre ses cris ! dit soudain Valmir.
Avana ne répliqua pas. Elle préférait garder son énergie pour l’entraînement. Ils arrivèrent enfin à la limite assignée par la sorcière. Valmir et Ranthor, qui avaient déjà développé cette habileté, proposèrent de traquer Loeg. Ils lui laissèrent dix minutes d’avance avant de partir à sa poursuite.
Ils le traquèrent sans relâche, se faufilant derrière lui et l’attaquant en silence. Les deux plus vieux étaient toujours aimables avec leur cadet, à qui ils donnaient des trucs lorsque celui-ci se faisait prendre. Avana se doutait qu’ils ne lui laisseraient aucune chance quand son tour viendrait.
Après deux heures, elle les retrouva au point de départ. Ranthor et Valmir donnèrent leurs commentaires à Loeg avant de se tourner vers Avana.
– Tu as cinq minutes pour te sauver, déclara le Highlander. Tu ne pourras pas aller bien loin…
– On fait cela pour apprendre, non ?
– Ne t’en fais pas, tu vas apprendre, murmura Valmir en grattant la terre sous ses ongles avec sa dague, un rictus sadique aux lèvres.
Avana se sauva en courant. Scatach avait bien choisi son moment pour cet exercice : la lune était voilée par d’épais nuages. La nuit était si noire qu’elle ne voyait pas à dix mètres devant elle. Elle se faufila entre les grands arbres, tournant à gauche, à droite, espérant brouiller sa trace. Elle ne se faisait pas d’illusion. Elle les avait vus pourchasser Loeg. Ils la retrouveraient où qu’elle se cache, même sous le couvert de l’obscurité.
Après une dizaine de minutes, elle s’arrêta, essoufflée. Ils se rapprochaient, elle le sentait. Des images de ce qu’ils pourraient lui faire se bousculèrent dans sa tête. Affolée, Avana courut à vive allure à travers les bois, pour se sauver loin de cet enfer, se sauver jusqu’à ce que le soleil se lève enfin… Elle se ressaisit et s’immobilisa en prenant de profondes inspirations, s’efforçant au calme.
Elle allait se remettre en marche lorsqu’elle entendit une branche craquer sur sa droite. Elle s’enfuit dans la direction opposée. Entendre les pas de son poursuivant raviva sa panique. N’espérant pas le battre à la course, Avana bifurqua, se faufila entre deux arbres et se jeta à plat ventre. Alors qu’elle tentait de retenir son souffle saccadé, une silhouette passa à côté d’elle. Elle l’entendit s’éloigner puis le silence reprit ses droits, juste troublé par le bruit de sa respiration.
Croyant l’avoir semé, elle se releva. Des gouttes de sueur perlaient sur son front et elle les essuya du revers de la main. Les minutes passèrent. Peu à peu, le profond silence de la forêt la calma.
Tout à coup, elle sentit le froid du métal sur son cou. Au même moment, un bras lui enserra la taille.
– Tu ne m’as pas entendu venir, hein ?! s’exclama Valmir.
Elle tenta de se défaire de son emprise, mais il la jeta violemment sur le sol. Il s’assit sur son bassin, enfonçant la pointe de sa dague sous le menton d’Avana.
– Le but de l’exercice, c’était que tu m’entendes approcher, continua-t-il d’un ton sévère. Je pense que tu as échoué lamentablement !
– Je ferai mieux la prochaine fois, lâcha-t-elle, contrariée.
Elle n’avait plus peur de lui.
– Je crois qu’il n’y aura pas de prochaine fois, articula-t-il en faisant courir la pointe de sa lame sur la peau de son cou.
Elle s’échauffa :
– Tu te prends pour qui ? Tu crois que tu me fais peur ?! le provoqua-t-elle.
– Demande pardon au nom de ton sale peuple et je te laisserai vivre ! proféra Valmir en pressant l’arme acérée sur son cou.
– Mon sale peuple !? répéta-t-elle, s’abandonnant à la colère.
Elle sentit un chaud filet de sang couler le long de son cou et comprit qu’il ne la laisserait pas tranquille tant qu’elle ne lui aurait pas donné satisfaction. Elle ravala sa colère et lui dit, d’un ton glacial :
– Pardon.
Pardon, sale chien de Connaughta, ajouta-t-elle dans son for intérieur, ce qui la fit sourire malgré sa défaite.
Valmir fronça les sourcils. Il se releva, rangea sa dague et repartit en direction du sud. Avana le suivit, la tête haute, se jurant que, la prochaine fois, ce serait elle qui ferait couler son sang.
Ils rejoignirent Loeg et Ranthor sans prononcer un mot. D’un signe de la tête, Valmir indiqua que l’exercice était terminé. Avana suivit ses compagnons sur le chemin de la forteresse de Scatach, ce mystérieux domaine où chaque apprentissage coûtait son lot de sueur, de larmes et de sang.
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Un après-midi blafard du mois des morts, Scatach prit à part le groupe d’Avana et l’emmena à l’extérieur. Ils se rendirent au centre de la plaine où la brume s’accrochait aux hautes herbes. Le soleil était tapi derrière de gros nuages sombres et une fine pluie se mit à tomber.
– Cette plaine a vu couler le sang de mes ancêtres ! s’exclama-t-elle d’un ton solennel. Des milliers d’hommes sont morts ici. Si vous ouvrez votre cœur et écoutez avec recueillement, vous les entendrez. Percevez-vous le cliquetis des épées qui s’entrechoquent, le fracas des haches qui fendent les boucliers, la longue complainte des guerriers dont le sang vient nourrir la terre et le vent, éternel, qui souffle sur cette scène pour la balayer dans le passé ? Entendez-vous le murmure du vent, qui a amené la mort, qui a caressé les lèvres des hommes à l’agonie ? L’entendez-vous qui vous chuchote que l’histoire se répète si les hommes ne font rien pour ouvrir leur cœur ?
Avana balaya la plaine des yeux. À l’autre extrémité, là où la brume était la plus dense, elle entrevit une silhouette, une deuxième… Lentement, des dizaines et des dizaines de guerriers farouches sortaient du brouillard magique au son de la cornemuse. Malgré la distance, elle pouvait voir la fureur haineuse qui enlaidissait leurs visages crispés. Ils venaient pour vaincre. Ils venaient pour massacrer leurs ennemis, pour prendre leurs terres et attendre… attendre que l’histoire se répète.
– Valmir et Avana ! dit Scatach en la tirant de sa rêverie. Je veux que vous vous battiez jusqu’à ce que le perdant nourrisse la terre de mes ancêtres de son sang !
Avana acquiesça d’un signe de tête. Elle scruta de nouveau l’horizon. Là où s’était trouvée l’armée, il n’y avait plus rien que les hautes herbes qui frémissaient sous le vent. Pourtant, elle était certaine de ne pas avoir rêvé. Ces guerriers scotts écumant de rage étaient trop réels pour être sortis de son imagination. C’était à cause du brouillard. La brume avait créé une brèche dans le temps, ramenant devant ses yeux ces scènes du passé.
– L’histoire se répète… murmura-t-elle tout bas.
La vue de ces guerriers avait fait remonter en elle le souvenir de son propre peuple, le souvenir des chevaliers de la Branche rouge qui revenaient des grandes batailles contre le Connaught meurtris, mutilés, pressant leurs plaies qui saignaient abondamment et jurant qu’ils vengeraient la mort de leurs pères, de leurs frères, de leurs compagnons.
Mue par sa soif de revanche, elle dégaina son épée et se retourna vers Valmir.
– Tu veux vraiment que je souille cette terre de ton impur sang d’Ulate ? se moqua-t-il.
À cet instant, toute la haine et la frustration qu’elle avait accumulées depuis près d’un an sortirent en un long hurlement. Valmir eut juste le temps de dégainer son épée et de la porter devant lui. La lame d’Avana frappa la sienne avec une telle vigueur qu’il recula. Elle n’avait jamais ressenti une telle fureur en elle. Elle était enragée. Désormais, elle avait confiance en sa force et avait l’intention d’en faire la démonstration. Ce combat n’était pas seulement un règlement de comptes entre elle et lui. Elle voulait aussi venger ses ancêtres qui avaient perdu la vie sur les terres du Connaught.
Du coin de l’œil, elle vit Loeg revenir en courant de la forteresse, tous les garçons sur ses talons. Ils formèrent un demi-cercle pour les observer. Ranthor la contemplait avec tendresse et fierté. Scatach souriait. Puis Avana oublia tout ce qui se passait autour d’elle, multipliant les assauts. Elle était tellement enragée que le Connaughta ne réussissait pas à la frapper. En revanche, il était un expert dans l’art de parer les coups, si bien que, malgré sa fougue, elle n’avait pas encore réussi à l’atteindre. Les minutes s’écoulèrent… La fatigue la gagnait.
À chacun de ses cris, elle faisait ressortir toute la haine qui souillait son jeune cœur. Et Valmir commença à faiblir. Elle en profita pour frapper encore plus fort et plus vite. Elle était presque à bout de forces, mais elle n’en laissait rien paraître. Qu’elle ait le malheur de ralentir sa cadence et elle tomberait sous ses coups, humiliée une fois de plus. Non, elle refusait d’envisager cette éventualité, d’admettre la défaite.
Profitant d’une ouverture, elle se rua sur Valmir. Elle feignit de le viser à la tête et, alors qu’il levait son épée pour parer, elle le frappa entre les côtes. La lame tranchante d’Avana glissa sur sa peau et y ouvrit une large blessure. Il tomba à genoux. Il demeura ainsi un long moment, agenouillé devant elle. Finalement, ses jambes perdirent toute force et il s’étendit de tout son long. Avana retint son souffle. Le grand guerrier était tombé. Les secondes s’étirèrent, le temps parut s’arrêter. Elle n’entendait plus que le vent souffler dans la plaine…
Il bougea enfin. Lentement, il se retourna sur le dos. Avana s’agenouilla auprès de lui. Malgré le sang qui coulait abondamment de sa blessure, se mêlant à la boue qui recouvrait le sol, il lui sourit. D’un ton satisfait, Scatach ordonna aux garçons de rentrer. Avana demeura seule avec Valmir au milieu du brouillard. Son corps se mit à trembler, comme si la brume la caressait jusqu’au tréfonds de son être. Plongeant son regard dans celui de Valmir, elle se sentit complètement en paix avec lui et avec elle-même.
Elle ne comprenait pas les sentiments de haine et de fureur qui l’avaient poussée à se battre ainsi. Elle avait beau les rechercher, elle ne ressentait plus que de la satisfaction, la satisfaction d’avoir enfin découvert la puissance qui se cachait en elle. Valmir semblait lui aussi dans un état de paix intérieure, comme si cette défaite lui donnait maintenant le droit d’être plus… humain.
Alors que le soleil faisait poindre ses doux rayons entre les nuages, elle regarda Valmir dans les yeux et, pour un instant, parvint à lire dans son cœur. Ce fut ainsi qu’elle prit conscience que sa haine provenait des souffrances causées par les Ulates qui avaient massacré toute sa famille.
Elle l’aida à se relever, à se mettre en marche. Il était urgent de soigner sa blessure. Les douces notes d’une cornemuse résonnèrent. Avana dévisagea Valmir. À son expression, elle comprit qu’il les avait lui aussi entendues. Elle balaya la plaine du regard, cherchant la provenance de cette musique enchanteresse, et les vit. Des dizaines de guerriers rebroussaient chemin, s’enfonçant dans le brouillard magique où ils disparaissaient telles les ombres d’un autre monde, d’un autre temps. Le combat était fini…
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– Il est temps d’accomplir le rituel du Premier Sang, déclara Scatach en récupérant le pot.
Les trois femmes se vêtirent de longues capes et sortirent par une porte secrète qui reliait leurs quartiers et l’arrière de la forteresse. Avana ne fut pas surprise de découvrir les sept étrangères qui les attendaient dehors. Elles étaient arrivées durant l’après-midi, après un long voyage qui les avait menées des quatre coins de la Scottie jusque chez Scatach.
Au-dessus de sa tête, la lune rousse, bombée comme le ventre des femmes qui ont connu l’amour, illuminait l’étroit sentier menant au dolmen de Crymm. Durant toute l’ascension, Avana essaya en vain de comprendre leurs murmures. Enfin, elles arrivèrent au dolmen : une grotte symbolique dont l’entrée, creusée à même la colline, était composée de deux grands menhirs placés à la verticale sur lesquels était couchée une immense dalle. Elle ressentit un grand frisson lui parcourir l’échine : une énergie très puissante émanait de ce lieu.
En silence, les dix femmes formèrent un demi-cercle devant l’entrée du dolmen. Avana se plaça aux côtés de Scatach qui sortit de son sac le pot d’argent.
– Tu es ici pour le rituel du Premier Sang, car tu es maintenant femme, déclara-t-elle. Tu es liée à l’esprit de la Mère-Terre, et ce n’est qu’à tes côtés que l’homme pourra entrer en communion avec elle. Tu es porteuse de bonté et d’idéal, et si tu conserves ta pureté, cette force maintiendra en éveil l’ardente aspiration de l’homme vers la Lumière. Car tu es celle qui guide le désir de l’homme vers la transcendance, l’illumination. Tu es le désir sublimé !
À ces mots, Scatach leva vers le ciel le pot en argent pour qu’il absorbe les puissants rayons de la pleine lune avant de le tendre à Avana. Elle lui donna ensuite une dague et l’invita à aller enterrer les linges à l’intérieur du dolmen. Elle lui expliqua que cette grotte était la représentation de la matrice de la déesse-Mère, l’utérus mystérieux que l’homme devait réintégrer à la fin de sa vie afin de renaître à la Lumière.
Avana s’avança vers l’entrée.
– L’enfant que tu étais restera à jamais à l’intérieur de cette grotte, ajouta Scatach tandis qu’elle pénétrait dans le mégalithe.
Elle avança dans les ténèbres et s’agenouilla. Elle prit une profonde inspiration ; un air chargé d’humidité et de pourriture végétale pénétra dans ses poumons. Avana ne sut si c’était cet air vicié qui lui faisait tourner la tête ou l’énergie qui se dégageait de ce lieu magique. Elle ressentit des picotements dans ses bras et ses jambes. Elle se mit à creuser le sol à l’aide de la dague. Dans l’obscurité paisible, elle ouvrit le couvercle et en sortit les linges qu’elle enfouit dans le sol.
– Ô Mère-Terre, accepte ce sang, murmura-t-elle intuitivement. Mère bienveillante, partage avec moi ton énergie bienfaitrice. Ce sang, qui est une partie de toi-même, tout comme il est une partie de moi, nous unit maintenant et à jamais.
Tandis que son sang pénétrait la terre de ce dolmen sacré, se mêlant au corps de la déesse-Mère, les picotements se transformèrent en une douce chaleur qui se propagea dans tout son corps. Avana demeura immobile, savourant la douceur de la Mère-Terre.
Elle perdit toute notion du temps et de l’espace. Tandis que son corps continuait de recevoir les énergies de la terre, elle eut l’impression de flotter dans le vide. Elle ressentit une intense chaleur au niveau de sa poitrine, comme un soleil qui grandissait en elle. Ce fut alors que l’enfant-Lumière ressentit, pour la première fois, toute l’étendue de sa puissance.
Peu à peu, la chaleur diminua et elle entendit la voix de Scatach qui lui disait de revenir. Lorsqu’elle ressortit du dolmen, les femmes discutaient de choses et d’autres en petits groupes. Scatach la prit par la main.
– Je serais bien restée encore un peu à l’intérieur.
– Tu es restée plus de deux heures, c’est assez. Nous ne t’aurions pas attendue ici jusqu’au lever du soleil, l’humidité était en train de nous ronger les os ! lui dit Uatach pour la taquiner.
– Quoi ?! s’exclama Avana, incrédule. Deux heures ?
– À l’intérieur du dolmen, le temps s’écoule différemment, lui expliqua l’une des sorcières.
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Une nuit du mois de mai, alors que la lune se dissimulait derrière de sombres nuages, Scatach réveilla ses disciples et les renvoya dans la forêt afin qu’ils améliorent leur capacité à sentir les présences invisibles. Comme elle n’avait pas encore réussi cet exercice, Avana s’enfonça seule dans la nuit noire.
Elle marchait dans la pénombre depuis un long moment, dressant l’oreille, lorsqu’elle sentit une présence derrière elle, à environ vingt mètres. Son sixième sens s’était visiblement développé. Elle ressentait, à chacun des pas de son poursuivant, une tension qui grandissait en elle.
Elle continua en réfléchissant à la meilleure façon de l’affronter. Les battements de son cœur s’accélérèrent, mais elle avait appris à contrôler sa peur et à garder la tête froide. Lorsqu’elle sentit qu’il n’était plus qu’à une dizaine de mètres d’elle, Avana se terra dans un talus, à plat ventre sur le sol humide. La nuit était si opaque qu’il ne pouvait l’avoir vue bifurquer. Tout au plus l’avait-il entendue.
Elle tendit l’oreille. Aucun bruit, aucun mouvement perceptible. Il devait demeurer immobile, flairant la réaction de sa proie. Soudain, les pas s’approchèrent pour s’arrêter de nouveau. L’espace d’un instant, la lune sortit de derrière les nuages et Avana aperçut la silhouette de son adversaire. Valmir… Je crois que c’est à ton tour de te faire surprendre…
Le ciel redevint noir et elle entendit le bruit de sa dague qui glissait hors de son fourreau. Elle, elle tenait déjà son arme à la main, serrant la poignée à s’en blanchir les jointures. Les pas s’éloignèrent. Elle se releva, silencieuse comme un félin affamé prêt à bondir sur sa proie. Au bruit de son souffle, elle évalua la distance qui les séparait. Elle fit un pas… un deuxième… et se jeta sur lui, l’agrippant par-derrière et posant sa lame acérée sur sa gorge.
– Si tu bouges, tu vas nourrir cette forêt de ton sang ! s’exclama-t-elle, tentant de l’effrayer comme lui jadis.
En un éclair, Valmir saisit son bras et assena un coup de jointure sur le dessus de sa main, ce qui lui fit lâcher sa dague. Il la renversa sur le sol.
– C’est moi qui vais faire couler ton sang ! vociféra-t-il.
S’il avait la force pour la maîtriser, elle avait l’agilité nécessaire pour se défaire de son emprise. Ils roulèrent par terre, lui tentant de l’immobiliser et elle lui glissant entre les doigts tout en lui assenant des coups au passage. Elle le frappa soudain au visage et lui fendit la lèvre inférieure.
Il la saisit par les poignets et la cloua violemment au sol. À cet instant, la lune réapparut. Ses rayons d’argent caressèrent le visage d’Avana. Il écarquilla les yeux.
– Tu viens de là-bas… murmura-t-il.
Elle inclina la tête et posa les yeux sur sa peau qui devenait luminescente. Que lui arrivait-il ? Ce devait être l’énergie que Scatach lui avait transmise…
Valmir n’avait pas détaché son regard d’elle.
– J’ai envie de toi, murmura-t-il.
Il rapprocha lentement son visage du sien. De sa lèvre fendue coulait un filet de sang. Il effleura doucement sa bouche sensuelle, comme s’il avait peur de l’effaroucher. Avana frémit d’excitation. Au même moment, elle sentit monter en elle une vibration, comme une onde qui parcourait ses veines. Lisant le désir dans ses yeux, il l’embrassa. Il étendit son corps sur le sien et commença à la caresser. Il promena ses mains sur ses bras, ses seins. Leur étreinte devint de plus en plus passionnée. Comme c’était bon… Elle répondit avec ardeur à ses baisers. Tous ses sens s’affolaient, s’embrasaient.
Tout à coup, Avana sentit son corps frémir. Tandis que Valmir continuait à l’embrasser, ses tremblements devinrent de plus en plus intenses. Son corps vibrait comme jamais auparavant. Troublée par cette sensation inconnue, elle le repoussa.
– Il est temps de rentrer ! s’impatienta-t-elle en se levant.
Elle prit les devants et se faufila entre les arbres. Durant les longues minutes que dura sa progression, les vibrations diminuèrent jusqu’à disparaître complètement. Ranthor et Loeg les attendaient à la lisière de la forêt. Ils rentrèrent en silence. Avana ne comprenait pas ce qui s’était passé. Pourquoi son corps avait-il réagi ainsi ?
Cette nuit-là, elle sombra dans le sommeil sans avoir trouvé réponse à ses interrogations.
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Aux alentours de minuit, les sorcières se tinrent en cercle devant les imposants menhirs. Scatach avait pris le temps d’expliquer le déroulement du rituel à Avana, sans lui révéler la véritable identité de la créature des Ténèbres. Tandis que les brindilles commençaient à s’embraser, projetant une douce lueur dans la nuit noire, elles sentirent qu’elles n’étaient plus seules : le Grand Seigneur était parmi elles.
Le feu grossit jusqu’à illuminer toute la clairière. Lorsque la lumière eut vaincu les ténèbres, elles commencèrent à chanter et à danser autour du brasier. Scatach avait enseigné les paroles à Avana pour que celle-ci puisse prendre part à cette importante cérémonie. Elle ajouta donc sa voix à celle des sorcières et rejoignit leur ronde. Chacune dansait comme elle le sentait : certaines plus discrètement et d’autres avec de grands mouvements des bras et des jambes.
Hypnotisée par les chants et la chaude lueur des flammes, Avana se laissa aller complètement. Elle dansa, dansa, tournoyant joyeusement dans la nuit. Dans sa ronde effrénée, elle voyait défiler tantôt le feu, tantôt la clairière sombre. Tout à coup, elle repéra une silhouette dans la pénombre. Elle refit face au brasier, le cœur battant. Elle savait, elle sentait que c’était l’être des Ténèbres. Scatach l’avait prévenue de ne pas s’arrêter de danser et, surtout, de ne quitter la ronde sous aucun prétexte. Elle tournoya avec plus de vigueur encore : lumière, ténèbres, lumière, ténèbres…
Alors qu’elle s’approchait de l’état de transe, la silhouette sortit de l’ombre et elle le vit pour la première fois. Il était magnifique ! Le souverain des Ténèbres avait l’apparence d’un homme musclé, de forte stature et à la peau légèrement hâlée. Son visage était anguleux, sa bouche vermeille et ses longs cheveux bruns arboraient des reflets cuivrés. Il portait une tunique rouge et or, sans manches, dont le tissu scintillait sous les rayons de lune. N’eurent été ses yeux perçants, écarlates tels de précieux rubis, elle aurait pu le croire humain. Mais quand elle regarda au fond de ces yeux-là, elle sentit bien que cette créature provenait d’un autre monde.
Avana cessa subitement de danser. Elle ne pouvait détacher son regard de lui. Il lui sourit, lui fit signe de le rejoindre. Son attirance était trop forte. Elle quitta le cercle et marcha dans sa direction. Arrivée à sa hauteur, elle se laissa entraîner dans la forêt. Un violent désir montait en elle, une étrange chaleur qui gagnait son bas-ventre. Sa petite main dans la sienne, Avana perdit complètement la raison. Elle était prête à le suivre où qu’il aille. Elle voulait qu’il l’emmène dans les profondeurs des bois, jusqu’au cœur le plus obscur de la nuit, là où elle se perdrait dans ses yeux de braise…
Il s’arrêta net et l’enlaça. Elle sentit son souffle sur son cou. Au lieu de s’effrayer et de se débattre, elle pencha la tête en arrière, espérant sentir ses lèvres sur sa peau.
– Aimerais-tu être ma compagne ? l’interrogea-t-il d’une voix grave.
Elle n’eut pas le temps de répondre. Un craquement de branches résonna et le Grand Seigneur la repoussa brusquement. Avana regarda en direction du bruit. Scatach et Uatach marchaient d’un pas résolu dans leur direction. Quand elle retourna la tête, l’être avait disparu.
Les sorcières la ramenèrent au bord du feu, et Scatach annonça que le rituel était terminé. Sur le chemin du retour, les pensées se bousculaient dans l’esprit d’Avana. Pourquoi l’avait-il emmenée dans la forêt ? Pourquoi elle, alors que les autres femmes étaient bien plus puissantes ?
Une fois dans son grand lit, ces questions continuèrent à la hanter. Elle se retournait sans cesse, trouvant chaque position plus inconfortable que la précédente. Soudain, elle sentit le souffle du Grand Seigneur sur son cou, ce qui fit palpiter son cœur une dernière fois.
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Avana venait de se blottir sous sa lourde couette lorsque trois coups retentirent à sa porte. Elle se leva et alla ouvrir. Dans l’embrasure, elle découvrit Valmir, en chemise de nuit.
– Je n’en peux plus. Même si je fais tout pour m’éloigner de toi, je me retrouve toujours à tes côtés, écoutant ta voix, sentant ton odeur… lui avoua-t-il tout bas.
Elle lui fit signe d’entrer.
– Tu m’insultes et tu m’agresses constamment… commença-t-elle.
– Pourtant, la seule chose dont j’ai envie, c’est de te prendre dans mes bras, la coupa-t-il.
Elle plongea son regard dans le sien. Une lueur inhabituelle brillait au fond de ses beaux yeux bruns. Elle se rappela alors les paroles de Scatach : « Tu es celle qui guide le désir de l’homme vers la transcendance, l’illumination. Tu es le désir sublimé. » Elle pouvait voir ce désir dans ses yeux pétillants de sincérité. C’était un désir différent de celui qui l’avait poussé à l’embrasser cette nuit-là dans la forêt, un désir pur et innocent.
– Tu me donnes envie d’être un homme meilleur, murmura-t-il.
Il baissa les yeux et admira, au travers sa chemise de nuit, ses courbes sensuelles. Faisant fi de la mise en garde de la sorcière, Avana l’ôta et la laissa tomber sur le sol. Elle avait envie de lui… depuis si longtemps.
Les doux reflets argentés de la lune révélaient son corps dans toute sa splendeur. Valmir se déshabilla à son tour, tout en la fixant, les yeux emplis de désir.
– Tu es tellement belle… et ta peau si lumineuse… chuchota Valmir. Tu irradies jusqu’au plus profond de la nuit noire, telle une fée chatoyante, une déesse qui guide les pas des hommes hors des ténèbres. À te contempler ainsi, je ne peux pas croire que tu sois une des nôtres, pas plus de l’Ulster que du Connaught, pas plus de la Scottie que de la terre d’Erin. Tu dois venir d’ailleurs, de cette terre promise, ce royaume éternel où les hommes vivent en paix. Non, tu ne peux pas être d’ici… Tu viens de là-bas…
Les paupières mi-closes, Avana se laissait bercer par les murmures de Valmir, trop focalisée sur son propre désir pour écouter vraiment ses paroles.
Il posa les mains sur son ventre nu, la palpant doucement du bout des doigts, tel un enfant découvrant un territoire inconnu. Ses mains, maladroites, effleurèrent ses épaules, sa nuque…
Comme si toute sa haine s’était transformée en un amour passionné, Valmir l’emmena sur le lit et s’étendit sur elle.
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Sous les reflets de la reine de la nuit, elle reprit sa route. Elle n’avait pas fait vingt pas qu’elle entendit piailler. Elle leva les yeux. Encore lui ! Dans le ciel au-dessus de sa tête tournoyait le bel oiseau mystérieux.
– Jusqu’où me suivras-tu ? lui demanda-t-elle, persuadée qu’il ne s’agissait pas d’un oiseau comme les autres.
Il se rapprocha d’elle.
– Je ne sais pas où je vais, mais tu peux venir avec moi si tu veux.
En réponse, l’oiseau émit un long piaillement. Il lui sembla qu’il voulait plutôt que ce soit elle qui le suive.
– D’accord. À toi de me guider.
Avana suivit donc le chemin que son nouveau compagnon lui indiquait. Instinctivement, elle sentait qu’il la menait là où son destin l’attendait.
Elle marcha durant des jours, traversant des plaines où les blés commençaient à pousser, des forêts où les arbres bourgeonnaient… Comme l’oiseau ne s’arrêtait jamais, elle progressa même la nuit, infatigable, elle qui s’était entraînée aux arts du combat des heures et des nuits sans dormir.
Un matin, tandis qu’un fin rayon de soleil perçait la couche de nuages qui obscurcissait le ciel, elle déboucha sur une plaine qui lui était familière.
– Je t’ai suivi aveuglément… et voilà où tu m’emmenais ! dit-elle en levant les yeux vers l’oiseau.
À l’horizon, imposante et infranchissable, elle reconnaissait la forteresse d’Emain Macha. À la vue de ce lieu où elle avait grandi, elle songea à Amorgen… à Emroth… Elle les avait chassés de sa mémoire durant ses deux années d’exil.
Aussitôt, l’envie irrépressible de sentir les bras du Druide autour d’elle la saisit. Mais comment se faire pardonner, elle qui s’était enfuie lâchement sans dire au revoir ni à son père, ni au roi ? Elle allait devoir affronter la colère de Conor, car nul ne revenait en son domaine s’il ne lui avait préalablement fait ses adieux.
Son estomac se noua, sa gorge s’assécha. Elle restait figée, paralysée, regardant la forteresse. L’oiseau émit de petits piaillements.
– Je sais, je sais ! lui répondit-elle.
Oui, elle savait exactement ce qu’il voulait lui dire. Elle devait retourner chez elle et affronter les conséquences de ses actes. Amorgen serait là pour la défendre. Au souvenir de son père adoptif, son cœur déborda d’amour. Elle revit son visage rayonnant, ses yeux doux. L’idée de le revoir la transporta de joie.
Aiguillonnée par ces pensées, Avana repartit d’un pas pressé en direction d’Emain Macha. Elle était prête à affronter le courroux de Conor Mac Ness. Elle traversa le large pont de bois qui enjambait le fossé. Un garde l’apostropha du haut de la muraille :
– Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
Les guetteurs étaient toujours aussi stricts envers les visiteurs qu’à l’époque où Avana s’était enfuie. La plus innocente des jeunes filles, suspectaient-ils, pouvait être une Connaughta ayant comme mission d’assassiner le roi.
– Tu ne me reconnais pas ? C’est Avana, fille d’Amorgen.
– Avana !
Il dégringola de son poste et entrouvrit l’une des grandes portes pour la laisser entrer. Deux chevaliers vinrent à sa rencontre et elle leur fit son plus beau sourire.
– Qui es-tu ? marmonna l’un d’eux.
– Et comment peut-on t’aider ? renchérit l’autre, d’une voix mielleuse.
Amusée de passer pour une étrangère aux yeux de ces hommes qui l’avaient pourtant vue naître, elle leur demanda :
– Vous ne me reconnaissez pas ?
À l’évidence, non. Les chevaliers la scrutaient des pieds à la tête, l’air perplexe. À cet instant, Conor et Amorgen sortirent de la Branche rouge. Le cœur d’Avana se mit à battre la chamade. Elle eut envie de prendre ses jambes à son cou et de quitter la ville avant qu’ils ne la découvrent. Trop tard ! Le roi avait fait signe au Druide et ils se dirigeaient dans sa direction.
En voyant le regard d’Amorgen, Avana comprit immédiatement que son père l’avait reconnue. Son visage ridé trahissait son bonheur de la revoir. Néanmoins, il continua à marcher d’un pas égal aux côtés de son roi. Conor, en revanche, paraissait intrigué. Il s’arrêta devant elle.
– Qui es-tu, étrangère, et que fais-tu à Emain Macha ? lui demanda-t-il d’un ton austère.
– Je ne suis pas une étrangère...
Dans son esprit, l’inquiétude se disputait à l’excitation.
– Ne sais-tu pas qui je suis, Conor Mac Ness ?
– Tu es celle qui ne cessera de nous causer des soucis ! lui reprocha Amorgen d’un air sévère sans pouvoir réprimer sa joie.
À son expression, Avana compris que Conor la reconnaissait à son tour ; il la faisait marcher. Elle aurait dû s’en douter : elle n’était partie que deux ans.
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Après le repas, alors que les guerriers commençaient à boire et à hausser le ton, elle sentit une main se poser sur son épaule. Elle releva la tête. Emroth se tenait à ses côtés et la scrutait droit dans les yeux. Devant l’insistance de son regard, elle ne put se retenir :
– Cherches-tu à savoir si je suis toujours aussi mauvaise, Emroth ?
Elle avait parlé sans réfléchir. Elle se mordilla la lèvre, honteuse de ses paroles.
– Tu n’as jamais été mauvaise, la corrigea-t-il d’une voix remplie de douceur.
– Mais je n’étais pas assez bien pour recevoir les enseignements des druides !
Sa colère la surprit plus encore que son ironie. Elle avait cru tout cela derrière elle. Sa spontanéité lui fit prendre conscience qu’elle gardait encore de l’amertume envers ceux qui avaient refusé de partager avec elle leur savoir. Emroth eut l’air attristé.
– Je vois que tu n’as toujours pas guéri de tes blessures d’enfance. Un jour, nous t’expliquerons.
– Je suis désolée… bredouilla-t-elle.
Elle l’avait accueilli avec beaucoup de rudesse.
– La nuit est chaude… chuchota-t-il. Que dirais-tu d’aller prendre l’air ?
Oui, bonne idée. Elle n’avait jamais apprécié les beuveries, et l’air frais de la nuit lui faisait envie.
– Où veux-tu aller ? lui demanda-t-il.
– Allons dans la plaine. J’ai envie de sentir le vent dans mes cheveux.
Avana le suivit jusqu’au cœur de la plaine. Quand Emroth s’arrêta, elle prit de grandes inspirations pour faire pénétrer en elle les odeurs du printemps.
– Les blés sont heureux de pousser, affirma-t-elle.
– Ah oui ! Et comment le sais-tu ? la questionna-t-il, un sourire au coin des lèvres.
Elle lui sourit en retour.
– C’est dans l’air ! N’as-tu jamais reconnu cette odeur du blé qui frémit de joie en poussant vers le soleil ?
– Euh… non. Je ne me suis jamais vraiment attardé aux odeurs du blé.
– Sens ! lui proposa-t-elle en l’incitant à respirer à pleins poumons.
Il prit de profondes inspirations pour faire pénétrer en lui l’air de la plaine, rempli des effluves du blé, de la terre et du vent.
– L’odeur du blé qui pousse… articula-t-il d’un ton très sérieux, comme s’il tentait de mémoriser le nom d’une plante médicinale essentielle.
Avana éclata de rire, ouvrant son cœur à la joie. Le rire d’Emroth se joignit au sien.
– Je pourrai au moins dire que je t’ai appris quelque chose, monsieur le grand-druide-qui-sait-tout ! plaisanta-t-elle en le poussant un peu pour le provoquer.
Il essaya de la repousser à son tour, mais elle était trop rapide. Elle l’évita et se mit à courir. Voyant qu’il partait à sa poursuite, elle accéléra.
– Où as-tu appris à courir ? Entre deux leçons de mon père ?! lui cria-t-elle, tentant encore de le provoquer.
Elle croyait que, durant toutes ses années d’études, Emroth n’avait jamais développé ses aptitudes physiques. La suite lui démontra le contraire. Rapidement, son ami se rapprocha d’elle. Elle força son allure, tentant de le semer. Et à l’instant où elle se retournait pour voir à quelle distance il se trouvait, il se jeta sur elle et ils tombèrent dans l’herbe tendre.
– D’accord, d’accord ! pouffa-t-elle, étendue de tout son long. Tu as appris à courir !
Elle se blottit tout contre lui, pressant sa poitrine contre son torse. Il passa une main dans ses cheveux, dégageant son visage fin. Leurs regards se croisèrent et son cœur se mit à palpiter. Emroth l’émouvait encore.
– Sens le vent, murmura-t-elle à son oreille. Le vent de la saison des semailles est mon préféré. On dirait qu’il transporte tous les espoirs et les rêves permis au retour du beau temps.
Il prit une profonde inspiration et elle l’imita. Oui, elle était sûre d’avoir raison. Ce vent-là ne sentait pas comme les vents de l’hiver ou de l’été. C’était un vent rempli d’espoir. Elle se laissa enlacer par son ami.
– Comment se fait-il que ce soit la première fois que tu m’ouvres les bras ? lui demanda-t-elle.
Elle se sentait si bien, couchée ainsi entre la terre et cet homme qu’elle découvrait sous un jour nouveau.
– Ce n’est pas la première fois…
Perplexe, Avana le dévisagea.
– J’ai traversé la mer pour veiller sur toi, lui avoua-t-il.
Elle réfléchit un moment puis son visage s’illumina.
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