Un soir, lassée par ces sonorités exaspérantes, je me suis retranchée dans ma chambre et j'ai repris le livre de Billie Holiday. Il m'arrivait souvent de l'ouvrir, comme un recueil de haïkus dans le quel on trouve toujours un sujet de réflexion. Il était mon livre de chevet, ma bible.
Donner-moi, pour une fois, une preuve d’amour parental : laissez-moi partir. Ce que je ferai de ma vie n’a pas grand-chose à voir avec ce que vous pouvez imaginer. Je veux chanter. Je chanterai.
Billie Holiday incarne à elle seule la résistance de l’humanité entière faite femme.
Au milieu des années cinquante, Londres pullulait de petits clubs où le monde entier défilait pour écouter la fine fleur des musiciens de jazz américains en tournée qui passaient par la capitale britannique et souvent prolongeaient leur séjour indéfiniment.
Mais chante, parce que quand on a un monde aussi vaste dans la voix, il est impardonnable de ne pas le donner.
Elle a dit « Je voyage léger. Depuis que mon gars est parti avec mon cœur, je voyage léger ». Je sais que c’est une chanson.
Je n’écouterai plus jamais une autre voix.
Devant le regard hypnotisé de Wilfred, la plus grande chanteuse de jazz de tous les temps, l’idée absolue que n’importe quel amateur se fait de LA chanteuse de jazz, la voix la plus douloureuse et la plus blessée du jazz, demeure intouchée, même pas écornée.
C’est étrange comme elle lie dans une fraternité morbide son mari Louis McKay et l’héroïne, sa sœur des jours mauvais. L’un inséparable de l’autre. Les jumeaux d’un carnage annoncé.
comme on inviterait un intrus à prendre place car on sait qu’il est là pour un moment et qu’on ne le délogera pas. De toute façon, rêver est inutile.