Pour la première fois de ta vie tu ressentis la peur, la vraie, cette onde sous-cutanée qui peut si facilement être interprétée par les autres comme de la folie. L’Autre mettait chaque fois cette attitude en évidence pour retourner la situation à son avantage, surtout lorsque tu t’énervais en public et qu’il glissait à vos amis : "Elle est bizarre en ce moment, un peu sur les nerfs…" Tu entendais et tu t’agitais, tu tremblais, au bord des larmes, dans un état quasi-délirant.
Devenu ton confident, ton meilleur ami puisque depuis votre séjour à Strasbourg tu ne parlais plus que rarement aux tiens, tu lui livrais toutes tes pensées car jamais tu n'aurais pu imaginer qu'une telle perversité fût possible. il te donnait son avis sur tout et ça te rassurait, tu eus le sentiment d'exister car s'il faisait attention à toi, à ton aspect, c'était pour ton bien, pour te rendre meilleure. Les cheveux attachés, tu étais plus jolie. juste un conseil, puis un seul de ses regards appuyés et tu cherchais ton élastique fébrilement au fond de ton sac. Un bouton ouvert pour tes chemisiers, c'était plus élégant...
Observer, Ne pas agir. Ne plus réfléchir.Se laisser conduire. Rester dans cette voiture et surtout ne plus penser à l’Autre. Oublier.
Tu sais que ce ne fut pas soudain, sinon, tu aurais fui, mais son agression se décomposa plutôt en une lente succession de micro-violences, un poison instillé à dose homéopathique. Son avis, ses conseils, te donnaient l’illusion d’exister, tu ne réalisas pas que, lentement, ses choix s’imposaient.
Aujourd’hui encore, tu ne situes pas l’instant où tout a commencé.
Il n’y a qu’une chose dont je suis sûre et vous devez le croire : ce sont des monstres qui ont tué nos monstres.
Privilégiant l'apparence, il demeurait quelqu'un de parfait aux yeux de votre entourage, mais c'est son discours dans la l'intimité qui changea : des taquineries sur tes ex., tes amis, ton travail, tex vêtements, des allusions, des non-dits et des sous-entendus, puis des remarques plus cinglantes, des regards plus durs, du mépris parfois, une distance froide et ce sentiment qu'il te reprochait quelque chose, mais tu ne savais pas quoi.