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Critique de pat823


Annie le Brun est une révoltée, une « mécontemporaine » comme la qualifiait Judith Perrignon dans Libération. Elle a connu André Breton et a pris part aux dernières années du surréalisme. Née en 1942, cette femme écrivain, poétesse et critique d'art, a publié cet essai en 2018.
Lors d'une interview, elle expliquait que « ce qui n'a pas de prix, ce sont les choses qui nous font vivre, le rêve, la passion, l'attention, la profondeur... » Ce qui est dans sa ligne de mire de cette réflexion, c'est « un certain » Art Contemporain, qui à ses yeux constitue le « nouvel enlaidissement du monde » et la marchandisation de l'art, à travers la collusion avec la haute finance. On assiste dit-elle à la marchandisation de tout, même du « sensible, qui avait été longtemps épargné. » C'est l'Art officiel, celui des milliardaires, avec l'active complicité des artistes contemporains, tel que Jeff Koons qui s'approprie des objets de consommation et cherche à les glorifier. Ce mouvement représente pour l'auteur de la manipulation. Ces oeuvres se caractérisent par leur gigantisme qui ne cherche que la sidération. Cette démesure paralyse la parole, l'émotion, la réaction. Ce serait là finalement « l'art des vainqueurs ».
Dans le même esprit, l'auteure est scandalisée de constater que le plasticien britannique Anish Kapoor puisse se payer en 2016 l'utilisation exclusive du noir absolu, le Vantablack, pour un usage artistique. Quel cynisme de pouvoir ainsi obtenir le monopole d'une couleur, qui plus est d'un noir !
J'ai pris énormément de plaisir à lire cet essai. J'ai appris, j'ai été obligé de m'informer en amont et en aval, et j'ai apprécié ce regard pétillant et sans concession sur ce microcosme élitiste. C'est évidemment un livre socio-politique, une critique à tiroirs très subtile.
J'émets toutefois trois critiques à ce livre. D'abord, Annie le Brun nous parle d'un « certain art contemporain » sans suffisamment le cerner. Au fil des pages, j'ai eu souvent l'impression qu'elle glissait et parlait finalement de tout l'art contemporain, ce qui serait une aberration. D'autre part, elle nous parle souvent du « beau » tout en précisant qu'il est impossible de le définir. Pourtant, elle l'oppose à « la beauté d'aéroport », celle qui s'est uniformisée et a été domestiquée. Bien-sûr, on peut deviner à travers ses lignes ce qu'elle considère comme beau ou pas, mais c'est ajouter de la subjectivité à la subjectivité. Enfin, son manque de nuance total sur internet qu'elle juge tout d'un bloc comme néfaste et comme étant une forme de censure par surabondance est un peu déraisonnable et subjectif.
Ce qui ne m'empêche pas de vivement conseiller ce livre à tous les amoureux de l'art, et à tous ceux qui, comme moi, se posent des questions sur ces plasticiens modernes surcotés.

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