L'histoire d'Esther Grève, petite fille juive commence pendant l'été 1943 et finit pendant l'été 1982 à la mort de sa mère. Elle part de la zone libre vers l'Italie puis vers Israël, tout jeune pays encore en guerre contre la Syrie. C'est une "étoile errante", Estrellita l'appelait son père, mort dans le maquis tandis qu'il faisait passer des gens vers l'Italie. C'est l'histoire d'un voyage continuel, de rencontres, d'amours, de morts par lequel
Le Clézio joue sur plusieurs voix, variant du "je" d'Esther ou de Nejma, rencontre éclair sur la route de Jérusalem de cette jeune Palestinienne qui fuit la misère avec son mari et un bébé, vers le "elle" narratif, distant comme un zoom arrière. Esther fuit le mal nazi, le mal de la guerre, le mal absolu, la mort... On sent cependant dans l'écriture comme une fatalité à voyager, à s'exiler, comme une destinée déjà écrite et nombreuses sont les références bibliques (le livre du commencement) qui figure un paradis perdu tout comme les Djenounes de la vieille Aamma Houriya, conteuse dans le camp où vivait Djema. A chaque fois que ce paradis est entr'ouvert, par la musique, la contemplation de la mer, de la nuit, des étoiles où l'on attend toujours quelque chose : Esther, son père, Saadi (amant de Djema) les camions de ravitaillement de l'ONU, les enfants forment un groupe fasciné.
A la fin, Esther qui a un fils et vit de nouveau en Israël après un détour par le Canada, revient à Nice - d'où elle part au début du roman - pour jeter à la mer les cendres de sa mère. Elle retrouve ainsi son enfance et le mal qu'elle a rencontré sur les traces de son père tué par la Gestapo.
Bien sûr, c'est du le Clézio! Et il sait très bien écrire, avec poésie, imagination, style. Jamais il n'est ennuyeux malgré la fin un peu longue de l'errance d'Esther, on comprend pourquoi il prend son temps, le dilate comme les souvenirs se répètent. Dans le passage sur Djema, c'est le style quasi-biblique qui prédomine fait de phrases répétitives, d'inversions, d'échos pour mieux traduire la simplicité empreinte de profondeur. C'est la lutte pour la survie comme si tout recommençait, comme une nouvelle genèse.
C'est un roman d'une grande facture qui force l'admiration et l'enthousiasme.