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Critique de muet-comme-un-carpe-diem


En construisant un roman autour d 'un personnage animé du projet délétère de concrétiser les crimes abominables de Maldoror, Hervé le Corre va au-delà de l'exercice de style de transposition des Chants dans le monde du polar.

En effet, tout au long de son récit à mi-chemin entre le roman historique et le roman noir, Hervé le Corre fait montre d'une parfaite compréhension de l'oeuvre complète d'Isidore Ducasse.

Car si Isidore Ducasse est surtout connu pour ses sulfureux Chants de Maldoror qui laissèrent pantois d'admiration les Surréalistes, il a également publié des Poésies écrites à l'aide d'une encre diluée dans l'eau bénite qui semblent aux antipodes de la prose maléfique du Comte de Lautréamont.

Les universitaires en s'appuyant sur la correspondance de l'auteur voient dans cette contradiction apparente plutôt la preuve qu'Isidore Ducasse cherchait à faire désirer le bien en présentant le mal absolu.

Tout au long de la traque que mène l'atypique inspecteur Latamendia pour retrouver ce mystérieux meurtrier à l'accent méridional, Hervé le Corre distille de pages en pages sa propre vision du mal absolu : le machisme, l'ignorance, l'exploitation, la misère, la guerre et surtout la tyrannie d'un Président élu devenu Empereur après un coup d'Etat..


Au fur et à mesure que l'on découvre le quotidien d'Alphonse, Marthe, Fernand, Garance et Etienne s'expose à peine voilée par les crimes odieux de Pujols, une défense et illustration de la cause de la classe ouvrière."Sans fadaise ni fausse honte" pour citer Verlaine, sans manichéisme ni angélisme, Hervé le Corre décrit le poids de l'oppression patronale et impériale qui pousse certains à la rapine ou à la prostitution mais un poids contrebalancé par la solidarité active entre les plus pauvres pour partager le peu qu'ils possèdent quand l'un d'entre eux sombre encore plus bas. L'avidité de certains qui n'hésitent pas à suriner de-ci, de-là pour améliorer l'ordinaire mais aussi la fraternité au sein des cellules socialistes de l'époque, les rêves d'un monde meilleur.


Des ouvriers qui chaque jour doivent lutter contre la fatigue, "cette chienne que les patrons leur lâchent aux basques après les heures de travail pour surveiller qu'ils ne feront rien d'autres que reconstituer leurs forces pour le lendemain" et qui "est assise à leurs pieds et gronde en montrant les crocs dès qu'ils essaient de bouger."


L'inspecteur Latamendia a du mal à supporter les priorités de sa hiérarchie omnubilée par la répression des émeutes qui suivent l'annonce des résultats du plébescite de Napoléon III car "il sent bien, à force, que c'est toujours sur les mêmes que s'acharne le mauvais sort, et qu'ils ont le dos bien large et bien pratique pour qu'on leur tombe dessus et que dorme le bourgeois. Il se doute un peu, lui le flicard intègre, obscur gardien de l'ordre, qu'à faire vivre des hommes comme des chiens, ronfler dans des taudis grouillants de puces et de punaises, s'échiner aux usines douze heures par jour, leurs petits jetés dans la fureur des ateliers dès qu'ils se mouchent tout seuls, on ne saurait attendre d'eux des civilités de salon, ou des colères contenues dans le cristal de la politesse, ce bibelot délicat qu'on s'échange entre gens bien."


Les Socialistes que décrit Hervé le Corre ne sont pas englués dans les manoeuvres d'appareil pour savoir s'ils doivent s'allier ou non au Centre droit. Ils sont déterminés à lutter au péril de leur vie pour des lendemains qui chantent et à déclarer Paris Commune Libre.


Lien : http://muet-comme-un-carpe-d..
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