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Critique de mankara


Le nouveau roman de Mérédith le Dez, Musique française, paraît aujourd'hui, aux éditions La Part Commune. Et c'est un régal…
L'idée de départ, en quelques mots : un soir d'élection, à quelques heures de la proclamation des résultats, Monsieur, président en exercice, en passe d'être réélu de justesse, fausse compagnie à son chauffeur – qui le ramenait de sa maison de campagne à Paris – pour disparaître en forêt.
On peut aisément imaginer le séisme provoqué, tout comme l'onde de choc qui se propage alors et gagne, en cercles concentriques, toutes les sphères du pouvoir. L'inquiétude gagne les rangs. On s'active. On envisage. À mesure que la nuit avance, la tension monte et les masques tombent.

Mérédith le Dez nous livre ici une satire politique de haute tenue – écrite dans cette langue épurée dont elle a le secret, variant à merveille les registres et les tons. C'est un petit bijou de férocité, mêlant l'ironie à l'amertume. Elle y déploie une galerie de personnages tous plus vrais que nature, à commencer par Monsieur – qui n'est pas Emmanuel Macron – mais la parfaite synthèse, cynique et creuse, de tous ceux qui se sont succédé à l'Élysée, ces quarante dernières années. Autour de lui, entrent en piste des personnages fouillés, habilement passés au crible. Citons Martin et La Diva, ombres damnées de Monsieur ; Louarn et Lelièvre, dans le rôle des barbouzes ; Feuvrier, l'ami de jeunesse ; et sans oublier celle qu'on surnomme La Seconde, Surya Sainte-Rose, un temps ministre et candidate malheureuse de la primaire, épouse du président.
En fouillant ces âmes, en les mettant à nu, Mérédith le Dez lève le voile sur un univers dont elle maîtrise parfaitement les rouages. Tout est absolument crédible. Et pour cause : elle excelle à explorer la petite chose humaine. Sous sa plume, puissamment évocatrice et d'une constante élégance – même lorsqu'elle s'avère crue – se dessine peu à peu un monde de manigances et de frustrations, d'échecs et d'abandons, un territoire aussi dérisoire que clinquant, où chacun a perdu le nord. Dans ce roman d'une incroyable richesse – où sont convoqués, entre autres, Proust, Baden-Powell, Visconti, Verlaine, Nougaro et les tontons flingueurs – Mérédith le Dez ouvre grand les portes d'un bestiaire d'esprits fantasques et d'âmes musiciennes.

Il fallait tout de même un peu d'innocence et de beauté. Aussi a-t-elle plongé dans ce marigot un jeune et beau Suédois, sosie du Tadzio de Mort à Venise, débarqué en France par amour pour Ravel, dont la musique française nous suit d'un bout à l'autre du livre, comme la pluie – qui, elle, n'est pas innocente, puisqu'elle joue de tous ses registres, soulignant la colère et la mélancolie. Avec une insolence réjouissante et le talent qu'on lui connaît, Mérédith le Dez brosse pour nous autres – qui ne sommes rien – le portrait d'une société dont on ne sait, au bout du compte, si elle prête à rire ou à pleurer.
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