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Critique de philippepratx


Une ombre qui marche, au départ, cela ressemble un peu à un canular à la Marcel Duchamp, un Marcel Duchamp qui se serait acoquiné avec le Malevitch du Carré blanc sur fond blanc, et avec quelques personnages sortis des Atticistes d'Eugène Green… On comprend vite que ce livre, dont le titre est emprunté à Macbeth, va parler d'un autre livre, appelé par défaut L'Oeuvre absente : un livre vide… ou plutôt non, un livre plein d'une blancheur que ne vient souiller nulle écriture mais qui miroite de mille potentialités. L'Oeuvre absente est signé Timothy Grall… en 2039 !
Nous voici donc à la fois dans l'anticipation, la métalittérature poussant ses cornes dans la chair des possibles, et la littérature-fiction… comme on parle de science-fiction.
Ce qui commence comme un roman, une biographie imaginaire – celle de Timothy Grall – devient assez rapidement un minutieux travail d'exégèse universitaire autour du livre « vide » et, accessoirement, des autres écrits de Grall : Éthique et Métaphysique du gros orteil droit, L'Ouverture de la porte… Dans un vertige contrôlé où se mêlent fiction et références littéraires réelles, nous rencontrerons tour à tour les mots, les pensées et les inspirations de Montaigne, de Pascal, de Flaubert, de Nietzsche
Peut-être faut-il prendre Une ombre qui marche comme une sorte de pastiche de la littérature purement universitaire, à l'attention des khâgneux, thésards érudits et autres adeptes des chaires sorbonicardes… Mais ce n'est qu'un des angles de lecture, et sans doute pas le plus fécond. Car l'humour des premières pares s'efface peu à peu – faut-il le regretter ? – pour faire entrer le lecteur dans une réflexion profonde et foisonnante sur le rapport de l'homme au monde, le rapport du récit au réel, le rapport du livre à celui qui le lit, sur l'aspiration au néant et à l'absolu, ou même pour alerter ce lecteur sur l'urgence écologique… Et bien sûr, la réflexion sur L'Oeuvre absente ne saurait être séparée de l'évocation biographique de son auteur, dépressif et charismatique, d'une intellectualité toute sensuelle et baudelairienne, marginal et adulé de quelques-uns, ne laissant personne indifférent… Une vie exemplaire comme celle des saints ou des pères d'une église intemporelle, hédoniste et athée.
C'est donc un livre riche et atypique, que j'ai apprécié avant tout pour les portes qu'il ouvre et pour la nature même de la « philosophie » qui semble émaner de Timothy Grall et de ses oeuvres… même si, en fin de compte, c'est beaucoup de bruit, dans un état d'esprit tout occidental, pour un message ultra-moderne qui ne fait que rejoindre en grande partie ce que les sagesses de l'Inde, notamment, exposent depuis longtemps avec moins de frénésie intellectuelle.
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