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Critique de nadejda


Dommage qu'il ne soit possible de mettre que cinq étoiles, j'aurais aimé en mettre sept une pour chaque nom du peintre Erich Sebastian Berg qui selon les étapes de sa vie, quand il veut fuir, disparaître signe aussi Huel Goat, Bastien, Autessier, Adam Orber, John Egal et Essenbach.

Erich Sebastian Berg est le fils d'un allemand, Hans Berg qui avait des sympathies pour le régime nazi, «un être faible, velléitaire, fasciné par l'éclat et la parade» qui trompe sa femme, une cantatrice française Hélène, avec ses maquignons.
Erich deviendra un peintre reconnu, célèbre, mélange du Caravage, d'Egon Schiele et Francis Bacon, un homme fuyant, errant, déchiré, tourmenté jusqu'à la folie, avec des moments d'ivresse créatrice où de la fange il fait jaillir de l'or.
Son parcours initiatique commence auprès de son grand-père, «vieil officier solitaire et taciturne, qui vit dans un fort battu par les tempêtes, sur l'île de Rûgen puis dans un collège religieux de garçon à Ettal en Bavière où plane l'ombre du Roi fou Louis II, où règne le prieur Korbs et finalement auprès d'un maître «le maître d'Anvers» Adam van Johansen qui l'initie au dessin et à la peinture. Emprise des pères spirituels qui remplacent le père naturel qui n'a pas joué son rôle.
Erich Sebastian confie dans son «Atelier portatif» à la fois carnet de croquis et journal :
«Je suis l'homme des départs et des ruptures. Je me lasse très vite.
(...) Mon père était un incapable. Un homme fin et beau. Il a tout gâché, tout perdu. Mon grand-père a compté pour moi. Il m'a donné le sens de la mort, le sens aussi de ce qu'est le monde élémentaire...
Il y a deux choses que j'ai su très tôt, dès l'âge de quatorze ans, j'étais à Ettal, au collège : c'est mon goût des garçons et mon désir de peindre. Une double singularité. Comme une élection merveilleuse p 221 222

Ce livre est habité, traversé par les ombres des romantiques allemands, Novalis, le peintre Caspar David friedrich et par celle de Rimbaud. On se retrouve aussi plongés dans des scènes érotiques ou mortifères qui raniment le souvenir de celles des films de Visconti et en ont l'esthétique, Ludwig, le crépuscule des Dieux, Mort à Venise ou même Les damnés lors de l'évocation du père.
La scène de début fait elle, songer à la visite du mystérieux commanditaire du Requiem de Mozart qui viendrait là, passer commande, à Erich vieillissant, d'un jugement dernier.
Erich Sebastian, pris entre forces païennes et élans mystiques, aime les lieux sombres, les tavernes, les bars à matelot où il part en quête de modèles et d'amants, il est fasciné par les cadavres. Il aime les contrastes violents qui provoque une décharge et le font désirer, brûler et créer.
Plus que tout autre roman du même auteur (parmi ceux que j'ai lu) celui-ci incarne la lutte dans un même être entre Eros et Thanatos et illustre parfaitement Georges Bataille quand il écrit «L'érotisme c'est l'acceptation de la vie jusque dans la mort»
Par moment, j'ai cru retrouver Simon, le peintre du Pont des Anges ou Guillaume Vègh l'un des jumeaux peintre et dessinateur dans «Le bateau Brume»
Et pourtant si les mêmes thèmes, les mêmes passions, les personnages et les lieux semblent être repris et se croiser d'un roman à l'autre de Philippe le Guillou, par une alchimie mystérieuse la lecture garde toujours le même attrait. Chacun des romans de Philippe le Guillou est comme un palimpseste, la peau du parchemin est ancienne, elle est grattée avant d'être recouverte d'encre une nouvelle fois et, même si elle en garde des traces, l'histoire qui nous est contée est toujours neuve, ensorcelante et troublante aussi.
C'est mon enthousiasme qui me fait faire un si long commentaire mais je suis bien loin de dévoiler toutes les richesses et les errances de la vie de Erich Sebastian Berg.
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