À vous attendre, le premier mitan de nuit
passa tel un frisson
le temps qu’il parcourt la ligne
allant de mes reins à mon front.
Le reste fut longue errance
dans les sables infinis
de mon chagrin.
Oh, chut, tais-toi, ne dis mot !
C’est bien moi le voleur, l’ingrat !
Moi qui flirtais avec les filles,
dans les eaux folles de la Yamouna.
Je t’ai laissée trop longtemps,
guettant en pleurs derrière les grilles
du palais d’été quand le vent
descendait mugissant, en vrille,
depuis les sommets encore blancs.
Je t’ai laissée errer, honte à moi,
dans Vrindâvan, seule, ses dangers,
quand tu allais guidée par le regret
de tous nos plus joyeux émois.
Quant au mépris de ta renommée,
tu interrogeais fière les vieilles
non pour leur demander conseil
mais si d’aventure elles avaient vu dans l’air
pieux passer le souffle du dieu bleu.
Hélas, nul n’osait te le dire.
Personne, l’entendras-tu sans rougir ?
Car ces propos sont pur mentir.
N’as-tu pas rêvé, Râdhâ,
l’émouvant repentir
de ton amoureux Krishna ?
C’est le miel soyeux de ta bouche
Madhava, que je sentais sur ma peau
en marchant,
pareil à l’air de la nuit,
à ce flottement de lune
entre les branches du cannelier,
enveloppant toute chose
de l’infini bruissement
de ton être vivant.
C’est le murmure de tes lèvres
que j’écoutais dans la dense obscurité,
la chaleur de ton haleine
à mes oreilles.
Et pourtant,
j’avais beau te chercher sans crainte aucune
dans les bois sauvages de Vrindâvan,
parmi les ronces et les taillis,
je me retrouvais seule, une ombre longue à mes côtés,
au milieu de la verte, de la plate
immensité.