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Critique de henrimesquida


Roman foisonnant très riche mais méticuleux et lent.
C'est l'histoire de la relation entre "GH Hardy", un célèbre mathématicien de premier plan britannique de la première moitié du XXe siècle, et "Ramanujan" un indien inconnu qui sans aucune éducation formelle réussit réussi à atteindre l'élite de Cambridge mais qui tomba malade peu de temps après et retourna en Inde, où il mourut en 1920, à l'âge de 32 ans.
Ramanujan était conscient de son talent, qu'il attribuait à l'inspiration de la déesse Namagiri, il avait donc contacté plusieurs mathématiciens notables de la métropole pour savoir si son travail méritait l'attention du monde universitaire. Mais c'est bien sur GH Hardy qui seul s'intéressa au jeune Indien en organisant son voyage de l'inde à Trinity et à Cambridge, entamant ainsi une relation fructueuse qui entraînera des avancées importantes dans la théorie des nombres, que se concentre Leavitt :

David Leavitt romancier connu pour le langage perdu des grues "The Lost Language of Cranes" (1989) écrit le comptable indien à la troisième personne, bien qu'il insère dans le développement chronologique de l'histoire une conférence imaginaire de Hardy, presque à la fin de sa vie, à l'université de Harvard rappelant divers épisodes de la relation particulière avec son jeune disciple. En combinant la première et la troisième personne, cela donne l'impression que la voix narrative est Hardy lui-même, ou du moins, qu'il s'exprime avec son point de vue ce qui déplace ainsi le centre de gravité de Ramanujan (comme le suggère le titre de l'oeuvre) à Hardy.

La reconstruction de l'Angleterre il y a un siècle est impressionnante -surtout le milieu intellectuel "gay" du Trinity College de Cambridge, dominé par des personnalités de la stature de Russell, Keynes, Moore et Wittgenstein-on peut trouver que les détails foisonnants de la description alourdissent le roman. Personnellement j'ai aimé me plonger dans cet univers et cette ambiance.. Ramanujan mets du temps à apparaître et son personnage reste en de ça des attentes du titre. Leavitt n'éclaire pas vraiment le personnage, laissant, par choix je suppose, son génie dans l'énigme. Lorsqu'il arrive en Angleterre il y a une sous intrigue qui raconte les efforts de la femme d'un autre mathématicien pour le séduire et Leavitt s'intéresse aussi à ses démêlés avec la culture anglaise (le roman est une version sophistiquée du motif classique du "poisson hors de l'eau")mais ces éléments restent en deçà de l'intérêt procuré par le portrait du cercle du pouvoir à Cambridge. L'effort de narration des mathématiques est remarquable, pour avoir osé inclure des explications détaillées sur des séries infinies, des équations et des "théorèmes fous sans preuve" Mais pour un total néophyte comme moi ces quelques pages incompréhensibles ne posent pas d problème on peut aisément les sauter sans ne rien perdre de l'histoire. Intéressante aussi la complexité des relations coloniales entre l'Angleterre et l'Inde à l'époque de la Première Guerre mondiale. Bref mis à part l'histoire mêùme du comptable Hindou qui reste superficiellement traité le roman est passionnant :
Il est écrit dans ce style méticuleux et concis, mais en même temps vif, qui rappelle vaguement Julian Barnes(peut-être des échos d' Arthur & George , un autre roman intéressant sur deux personnages opposés, dont l'un est également d'origine indienne). La vérité est que l'oeuvre est pleine d'images et de réflexions qui construisent une histoire, la relation entre deux hommes très différents, d'une manière vraie et brillante. Les scènes successives sur lesquelles s'articule l'intrigue (Leavitt ne fait aucun effort pour combler les blancs) éclairent toujours un aspect de la personnalité des deux qui donne un sens à l'ensemble.
L'effort de documentation réalisé par l'auteur mérite d'être applaudi puisqu'il s'attache non seulement à recréer la vie de ses personnages mais aussi à l'inscrire dans un contexte historique et social bien précis. Les rencontres des Apôtres, les relations avec Keynes, DH Lawrence, Russell ou Moore, le mode de vie dans le collage (dont les menus des professeurs), la manière dont l'homosexualité était affrontée à l'époque ou les diverses conjectures mathématiques des Les protagonistes sont parfaitement interprétés.

Pourquoi ce roman vaut-il la peine d'être lu ? D'abord parce que, malgré ses détails, sa lecture est stimulante ( N'ayez pas peur si vous voyez des formules mathématiques en feuilletant le livre, elles ne mordent pas). Ensuite parce qu'elle nous apprend quel est le véritable fondement d'une amitié, sans rapport avec les questions de race, de sexe ou de religion, mais étroitement liée au partage d'un intérêt commun et au respect mutuel. C'est ce respect qui a conduit Hardy à affirmer qu'à l'avenir, il voudrait qu'on se souvienne de lui, non pas pour ses théories mathématiques, mais pour avoir été le découvreur de Ramanujan. Peu de mots peuvent mieux exprimer l'idée contenue dans ce beau roman.
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