Citations sur Arsène Lupin : L'Aiguille creuse (62)
L'horizon s'empourprait de tous les feux du soleil disparu, et de longs nuages embrasés, immobiles dans le ciel, formaient des paysages magnifiques, des lagunes irréelles, des plaines en flamme, des forêts d'or, des lacs de sang, toute une fantasmagorie ardente et paisible.
Raymonde prêta l’oreille. De nouveau et par deux fois le bruit se fit entendre, assez net pour qu’on pût le détacher de tous les bruits confus qui formaient le grand silence nocture, mais si faible qu’elle n’aurait su dire s’il était proche ou lointain, s’il se produisait entre les murs du vaste château, ou dehors, parmis les retraites ténébreuses du parc.
Doucement, elle se leva. Sa fenêtre était entrouverte, elle en écarta les battants. La clarté de la lune reposait sur un calme paysage de pelouses et de bosquets où les ruines éparses de l’ancienne abbaye se découpaient en silhouettes tragiques, colonnes tronquées, ogives incomplètes, ébauches de portiques et lambeaux d’arcs-boutants. Un peu d’air flottait à la surface des choses, glissant à travers les rameaux nus et immobiles des arbres, mais agitant les petites feuilles naissantes des massifs ;
Et soudain, le même bruit… C’était vers sa gauche et au-dessous de l’étage qu’elle habitait , par conséquent dans les salons qui occupaient l’aile occidentale du château.
Bien que vaillante et forte, la jeune fille sentit l’angoisse de la peur. Elle passa ses vêtements de nuit et prit les allumettes.
Très calme au fond et toujours maître de lui, Lupin avait néanmoins de ces moments d'exaltation, de ces expansions un peu romantiques, théâtrales à la fois et bon enfant, où il lui échappait certains aveux, certaines paroles dont un garçon comme Beautrelet pouvait tirer profit.
L'essentiel est de réfléchir . Il est si rare que les faits ne portent pas en eux mêmes leur explication.
Au cours de sa lutte contre Lupin, Beautrelet avait connu bien des surprises, et il s'attendait encore, à l'heure du dénouement, à passer par bien d'autres émotions, mais le choc cette fois fut imprévu. Ce n'était pas de l'étonnement, mais de la stupeur, de l'épouvante.
Le juge haussa les épaules et s'en retourna vers le château, assez morose. Décidément l'affaire s'annonçait mal. Un vol où rien n'était volé, un prisonnier invisible, il n'y avait pas de quoi se réjouir.
je réfléchis d'abord, je tâche avant tout de trouver l'idée générale de l'affaire, si je peux m'exprimer ainsi. Puis j'imagine une hypothèse raisonnable, logique, en accord avec cette idée générale. Et c'est après seulement que j'examine si les faits veulent bien s'adapter à mon hypothèse.
p.85/Parlait-il sérieusement ? J'avoue que j'étais fort dérouté. La lutte entre ces deux hommes commençait d'une façon à laquelle je ne comprenais rien. Moi qui avais assisté à la première rencontre entre Lupin et Sholmès, dans le café de la gare du Nord, je ne pouvais m'empêcher de me rappeler l'allure hautaine des deux combattants, le choc effrayant de leur orgueil sous la politesse de leurs manières, les rudes coups qu'ils se portaient, leurs feintes, leur arrogance.
Ici, rien de pareil. Lupin, lui, n'avait pas changé. Même tactique et même affabilité narquoise. Mais à quel étrange adversaire il se heurtait! Etait-ce même un adversaire ?
Ainsi qu'il l'avait prévu, je devine le truquage de la chapelle, je découvre la crypte, et je descends dans la tanière où Lupin s'est réfugié. Son cadavre est là !
(P127)
(1927)
"Lettre de Lupin à un directeur de journal ,
Monsieur le Directeur,
Je ne prétends point que ma modeste personnalité, ..., ne prenne quelque relief en notre époque de veulerie et de médiocrité. Mais il est une limite que la curiosité malsaine des foules ne saurait franchir sous peine de déshonnête indiscrétion. Si l'on ne respecte plus le mur de la vie privée, quelle sera la sauvegarde des citoyens ? "