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Critique de BazaR


Bon, ben j'ai pris une belle claque d'humilité.
On croit connaître à peu près les mythologies occidentales, et on s'aperçoit qu'on ignore absolument tout de la mythologie celtique. C'est un peu vexant au début, et puis Camille Leboulanger se charge de remplacer la vexation par l'exaltation de la découverte d'un mythe qui m'a remis dans l'ambiance d'un Silmarillion.

Après avoir fini le roman, je suis allé fouiner un peu sur Internet pour en apprendre un peu plus sur ce fameux Cuchulainn. C'est une figure positive, fondatrice de l'Ulster, un demi-dieu un peu magicien et grand guerrier, armé de sa lance-foudre Gae Bolg. Il accomplit mains exploits et meurt glorieusement le fer à la main. Dans le domaine de l'Imaginaire, d'aucun disent qu'il a inspiré certains héros des premiers tomes de Rigante de David Gemmell. J'ai pu voir qu'il a aussi son nom dans le cycle du Roi d'Ys de Poul et Karen Anderson.

Camille Leboulanger nous raconte un Cuchulainn bien différent, un Cuchulainn bien plus en demi-teinte – et même en teinte sombre tout court – dont la légende n'aurait pas été magnifiée par une réécriture nationaliste du mythe. le type est tout simplement odieux de bout en bout. Égoïste, entêté, revanchard, d'une violence inouïe, traitant les femmes comme de la chair fraiche à sa disposition et les hommes comme de la chair pour Gae Bolg. Très grand guerrier, ça oui, et l'arrogance incarnée. Rien ne compte pour lui que l'instant présent. Il veut quelque chose, il le prend, et gare à qui se met en travers.

Il faut dire à sa décharge que son environnement favorise ces comportements. Depuis sa mère qui lui a mis en tête qu'il était fils du dieu Lug, et donc destiné à un glorieux destin, aux humiliations et à l'indifférence que lui montre la cour. le monde ne lui offrira que crainte, condescendance ou mépris.
Peu de personnages attirent la sympathie dans ce roman. Même les femmes que l'auteur, de son propre aveu, essaie de faire exister par une résistance farouche aux attendus patriarcaux, exhalent surtout de la haine et du mépris comme Emer, ou une désillusion fatiguée à l'instar de Scathach. Cette « magicienne d'au-delà de la mer » porte un enseignement à Cuchulainn et ses compagnons d'une manière qui provoque moins la compréhension que l'humiliation chez ses élèves. Aurait-elle pu percer ces têtes de bois avec un peu plus de psychologie ? Je pense qu'elle a essayé par le passé, et qu'elle a échoué.
C'est Ferdiad qui m'a le plus ému. Cet autre héros, seul ami de Cuchulainn (d'aucuns l'ont rapproché de Patrocle par rapport à Achille) est un des rares dont n'émane pas de sombres sentiments. Son destin, pourtant, aurait pu le rendre amer. Mais si Ferdiad essaie de l'empêcher, ce destin ne provoque pas en lui de haine quand il est rattrapé par lui.
Autre excellent personnage : le narrateur lui-même, haut conteur devant les dieux, au verbe si lyrique qui ne renie pas les proverbes de taverne (« les paroles et les rumeurs, on ne sait jamais par quelle magie, avancent toujours plus vite que même les voyageurs les plus hâtifs »). Un véritable juke-box qui fonctionne tant qu'on remplit sa chope de bière. Un personnage indispensable ici, et probablement inventé par l'auteur.

Camille Leboulanger parvient à faire tenir ensemble le conte d'un mythe aux images puissantes et un point de vue « de la cave » sans concession. Une belle histoire cache souvent une réalité sombre. Lumière et ténèbres existent en tout et ne peuvent être séparées. Je retrouve un peu du message d'Ursula le Guin, et aussi du Frank Herbert du Messie de Dune (« méfiez-vous de ceux que vous idolâtrez »)

Merci au Lenocherdeslivres dont le billet m'a donné l'impulsion pour me lancer.
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