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"De tout l'Ulster, il en était le champion,
Maintenant viens, écoute bien ce nom.
On l'appelait Cu Chulainn , le chien du forgeron."


Cu Chulainn, ce héros celtique était presque un chien sauvage, avec un caractère de chien. A 7 ans, il tua le chien du forgeron ( un énorme molosse) à mains nues et fut surnommé "Le chien du forgeron."


Il avait un mal de chien à s'exprimer et à trouver une épouse, car Cu Chulainn avait peur des femmes..
"Qu'ont-elles de si différent de nous, les femmes ? Je parle d'elles puisqu'il n'y en a pas dans la pièce ."
Éclipsés par l'ombre du Chien, peu savent les souffrances endurées par Dechtire, Emer et Findchoem ( les femmes qu'il a côtoyées...)


"Le cycle de la branche rouge a toujours continué ses pas !
A travers le temps, j'en garderai la foi.
Tous les récits des dieux, des rois et des tribus de Dana"
Un héros violent, obtus et bête.
Son monde était un monde où il n'y avait que des combats et des tueries. "Son univers à lui était entièrement constitué de bagarres et de ses rêves de batailles. "


"Pauvre garçon qui n'a jamais été homme, et à peine chien. le Chien n'a jamais été qu'une arme : une lance sans maître."


Cu Chulainn ne pouvait agir différemment, il ne pouvait que mordre et tuer, à cause de ce mythe du Héros qui le suivait partout, comme un chien : une virilité violente portée aux nues ( ou un poison qui devient une maladie incurable...).


"Maintenant viens, écoute bien ce nom.
On l'appelait Cu Chulainn , le chien du forgeron.
Et tel était son nom." Manau.
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Bon, ben j'ai pris une belle claque d'humilité.
On croit connaître à peu près les mythologies occidentales, et on s'aperçoit qu'on ignore absolument tout de la mythologie celtique. C'est un peu vexant au début, et puis Camille Leboulanger se charge de remplacer la vexation par l'exaltation de la découverte d'un mythe qui m'a remis dans l'ambiance d'un Silmarillion.

Après avoir fini le roman, je suis allé fouiner un peu sur Internet pour en apprendre un peu plus sur ce fameux Cuchulainn. C'est une figure positive, fondatrice de l'Ulster, un demi-dieu un peu magicien et grand guerrier, armé de sa lance-foudre Gae Bolg. Il accomplit mains exploits et meurt glorieusement le fer à la main. Dans le domaine de l'Imaginaire, d'aucun disent qu'il a inspiré certains héros des premiers tomes de Rigante de David Gemmell. J'ai pu voir qu'il a aussi son nom dans le cycle du Roi d'Ys de Poul et Karen Anderson.

Camille Leboulanger nous raconte un Cuchulainn bien différent, un Cuchulainn bien plus en demi-teinte – et même en teinte sombre tout court – dont la légende n'aurait pas été magnifiée par une réécriture nationaliste du mythe. le type est tout simplement odieux de bout en bout. Égoïste, entêté, revanchard, d'une violence inouïe, traitant les femmes comme de la chair fraiche à sa disposition et les hommes comme de la chair pour Gae Bolg. Très grand guerrier, ça oui, et l'arrogance incarnée. Rien ne compte pour lui que l'instant présent. Il veut quelque chose, il le prend, et gare à qui se met en travers.

Il faut dire à sa décharge que son environnement favorise ces comportements. Depuis sa mère qui lui a mis en tête qu'il était fils du dieu Lug, et donc destiné à un glorieux destin, aux humiliations et à l'indifférence que lui montre la cour. le monde ne lui offrira que crainte, condescendance ou mépris.
Peu de personnages attirent la sympathie dans ce roman. Même les femmes que l'auteur, de son propre aveu, essaie de faire exister par une résistance farouche aux attendus patriarcaux, exhalent surtout de la haine et du mépris comme Emer, ou une désillusion fatiguée à l'instar de Scathach. Cette « magicienne d'au-delà de la mer » porte un enseignement à Cuchulainn et ses compagnons d'une manière qui provoque moins la compréhension que l'humiliation chez ses élèves. Aurait-elle pu percer ces têtes de bois avec un peu plus de psychologie ? Je pense qu'elle a essayé par le passé, et qu'elle a échoué.
C'est Ferdiad qui m'a le plus ému. Cet autre héros, seul ami de Cuchulainn (d'aucuns l'ont rapproché de Patrocle par rapport à Achille) est un des rares dont n'émane pas de sombres sentiments. Son destin, pourtant, aurait pu le rendre amer. Mais si Ferdiad essaie de l'empêcher, ce destin ne provoque pas en lui de haine quand il est rattrapé par lui.
Autre excellent personnage : le narrateur lui-même, haut conteur devant les dieux, au verbe si lyrique qui ne renie pas les proverbes de taverne (« les paroles et les rumeurs, on ne sait jamais par quelle magie, avancent toujours plus vite que même les voyageurs les plus hâtifs »). Un véritable juke-box qui fonctionne tant qu'on remplit sa chope de bière. Un personnage indispensable ici, et probablement inventé par l'auteur.

Camille Leboulanger parvient à faire tenir ensemble le conte d'un mythe aux images puissantes et un point de vue « de la cave » sans concession. Une belle histoire cache souvent une réalité sombre. Lumière et ténèbres existent en tout et ne peuvent être séparées. Je retrouve un peu du message d'Ursula le Guin, et aussi du Frank Herbert du Messie de Dune (« méfiez-vous de ceux que vous idolâtrez »)

Merci au Lenocherdeslivres dont le billet m'a donné l'impulsion pour me lancer.
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L'univers du Chien du Forgeron m'a fait voyager dans l'univers des mythes celtiques que je ne connaissais peu. C'est aventureux, prenant, riche.
Pris au jeu de ce conteur qui narre la vie du héros, je découvre, fasciné, à travers ce roman le destin tragique de Cuchulainn : « Setanta, fils de Sualtam de Muithemne, telle sera ta peine. Jusqu'à ce qu'un autre animal que toi puisse prendre ta place, tu garderas la porte des forges de Chulainn. de ce jour, personne ne s'adressera à toi autrement que comme Cuchulainn, le Chien du Forgeron. ».
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Avec le Chien du forgeron, Camille Leboulanger nous dresse le portrait d'un héros de mythologie celtique, Cuchulainn. Passionnant et immersif, le roman nous plonge en pays celte là où L Histoire rencontre très souvent la magie. Véritable Hercule celte, Cuchulainn est cependant un héros sombre et à la colère effrayante.

Avec une écriture travaillée, l'auteur nous propose un récit plein de détails et nous permet de connaître un personnage inconnu d'une mythologie passionnante. A découvrir !
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Les jeunes éditions bretonnes Argyll proposent d'ores et déjà romans et essais, et notamment cet été 2021, le cinquième ouvrage de Camille Leboulanger, le Chien du Forgeron, un roman mythologique celtique !

Un héros à la mode celtique
Pour son cinquième roman, Camille Leboulanger nous conte l'histoire de Cuchulainn. Enfin, plutôt un narrateur qui l'a bien connu nous propose de passer la nuit à l'écouter conter ce qu'il a vu, entendu et compiler comme aventures de ce personnage mythique pour son auditoire. du fin fond de l'Ulaid, Cuchulainn est le neveu honni du roi « choisi par son peuple », le jeune qui ne cherche qu'à briller et à devenir le héros parfait. Tout petit, il n'est que Setanta, fruit d'un amour inexistant entre une princesse revancharde et un seigneur vieillard. Sa conception est déjà sujette à toute une controverse sur son origine divine ou non liée à Lug, un des Fils de Dana. Étape après étape, Setanta se construit à la fois une aura certaine et un certain mépris (des autres, comme de lui vis-à-vis des autres) : il combat nu pour être plus celte que les autres, il provoque des défis forcément incroyables et il se lance « à l'assaut » de la plus belle jeune femme de son âge. Bref, il cherche la merde et la trouve, au point donc de rapidement être surnommé le « Chien du Forgeron », le Cuchulainn. Enchaînant les challenges héroïques, la seule question qui s'impose est : jusqu'à quelle extrémité s'arrêtera-t-il pour se dire satisfait de la gloriole qu'il aura accumulée ?

Un personnage mythique
Je dois le confesser, la mythologie celtique est une de celles que je connais le moins, par rapport notamment à la romaine, grecque, égyptienne, nordique, proche-orientale et mésopotamienne. Après quelques recherches très rapides (et post-lecture), le Chien du Forgeron semble être un semblant du Hercule romain (ou du Héraklès grec), du Horus égyptien, du Thor nordique ou du Gilgamesh mésopotamien : il se doit d'enchaîner (de par sa volonté ou contre son gré) des aventures épiques afin de conquérir ou de conserver son prestige, dans une quête d'immortalité plus ou moins assumée. Dans ce but, l'auteur réunit ici les principales aventures liées au personnage, notamment celles présentes dans La Conception de Cuchulainn (Compert Con Culainn), La Courtise d'Emer (Tochmarc Emire) ou La Razzia des vaches de Cooley (Tain Bo Cuailnge). Ainsi, il a de quoi enchaîner aventures et péripéties de façon assez méthodique, les connaisseurs retrouveront les passages classiques du personnage de Cuchulainn, et cela marque un rythme plutôt soutenu où la lecture se fait à grande vitesse. Mais, pour le protagoniste, l'épique est à double tranchant : certes les faits d'armes parlent pour lui, mais dès qu'il a une action non guerrière, dès qu'il ouvre la bouche, dès qu'il agit en public, c'est un pauvre type. On pourrait dire qu'il est un être inadapté, mais non, il est juste détestable, car au contraire il est très adapté au type de société à laquelle il participe. Cela est d'autant plus souligné et original que le narrateur est drôle et facétieux comme un Thot ou un Hermès du pauvre, ou plutôt une version alcoolique ici, puisqu'il agrémente ses remarques désobligeantes sur Cuchulainn d'innombrables appels à remplir sa coupette. Et on serait tenté de l'imiter…

À bas le virilisme !
Camille Leboulanger en est à son cinquième roman et le Chien du Forgeron est clairement son plus réussi. Enfin la nuit (2011), Bertram le Baladin (2017), Malboire (2018) et Ru (2021) ont leur charme particulier, mais dans celui-ci, le style est maîtrisé de bout en bout, la longueur correspond parfaitement au protagoniste choisi et le ton est ciselé. Camille Leboulanger narre les aventures de Cuchulainn, mais avec les yeux d'un jeune trentenaire du début du XXIe siècle (ça me parle). Là où d'autres récits feraient du protagoniste un parangon de bravoure et d'héroïsme, l'auteur nous met la réalité en face des yeux : le Chien du Forgeron est un être violent, égocentrique et pour qui les relations avec les filles et les dames peuvent se résumer à l'adage patriarcal « La femme est une conquête »… Camille Leboulanger nous met donc tout ça bien en face pour démonter le virilisme ambiant dans ce type de mythes guerriers. Pour glisser quelques touches de féminisme en contrepoint du personnage envahissant du Chien, il est pourtant compliqué de trouver des personnages intéressants : ses mère et grand-mère sont plutôt dans le moule que leur présentent leur famille et leur situation matrimoniale, ses mentors (le druide grand-père, le Forgeron, son oncle le roi, etc.) sont plutôt du genre à fuir ce jeune guerrier qui veut tout ramasser. Il reste trois contrepoints très intéressants : le meilleur ami, Ferdiad, qui le soutient tout du long de ses épreuves au mépris de sa propre réussite ; Scathach, la magicienne du Nord et ses (à ce titre, le passage dans la « forteresse des femmes » est particulièrement juste) ; et, bien sûr, le narrateur lui-même. Eux trois mettent Cuchulainn devant ses contradictions primordiales (tout résoudre par la force l'oblige à s'user pour rien mortel ; son mépris vis-à-vis des autres lui attire plus d'ennuis qu'il ne peut en gérer ; sa recherche de gloire éternelle le prive d'un bonheur)

Avec le Chien du Forgeron, Camille Leboulanger est très habile : il s'est approprié un héros de la mythologie celtique pour le réinterpréter de manière efficace et bien écrite, c'est à lire !
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Cuchulainn, héros mythique irlandais, prend vie sous la plume de Camille Leboulanger.
Figure récurrente dans les contes irlandais, Cuchulainn est le pendant d'Achille dans la mythologie grecque. Les historiens s'accordent à penser que les exploits relatés dans les contes seraient plutôt le fait de plusieurs guerriers et non d'un seul homme.
Dans son récit, l'auteur s'en tient à la légende et balaie les grandes étapes de la vie de Cuchulainn.
Avant de devenir le héros ulate bien connu, Setanta, seul héritier d'un petit seigneur marié à la soeur du roi, grandit en écoutant les histoires de sa mère. Il rêve de gloire et de bravoure. Aussi lorsque le sort lui offre la possibilité de se rendre à la cour du souverain, il n'hésite pas à abandonner son père et part sans se retourner vers la promesse d'une vie de conquêtes.
En chemin il gagnera le nom qui l'accompagnera jusqu'à sa mort : Cuchulainn, le chien du forgeron.

Camille Leboulanger brosse un portrait acerbe du guerrier.
Les exploits jadis chantés par les bardes et arrivés jusqu'à nous passent sous le scalpel de sa plume.
L'héroïsme et la virilité du guerrier deviennent abjection et violence idiote.
Avec patience et beaucoup d'adresse, l'auteur déconstruit le mythe.
La structure narrative du récit se présente comme un conte qu'un barde raconte au coin du feu en descendant des pichets d'alcool. Il interpellera volontiers le lecteur pendant son récit, le prenant à témoin des succès et des échecs du guerrier. Il pointera les dérives que le désir de puissance et d'héroïsme fait naître dans le coeur des hommes. Il soulignera à de nombreuses reprises et d'un doigt que j'ai trouvé un peu raide les faiblesses ainsi engendrées. J'ai trouvé que l'auteur insistait un peu trop, à nous haranguer constamment lors des passages où il démontre l'absurdité de la guerre et du combattant. Je pense que le lecteur peut comprendre tout seul. Ce besoin de l'auteur, quasi viscéral, de bien marquer ces éléments a fini par m'agacer et par presque gâcher ma lecture à vrai dire.
L'univers ésotérique des légendes est bien retranscrite avec les interdits et malédictions qui pleuvent sur les protagonistes. J'ai bien aimé la description de la vie sous le joug de ces héros. L'auteur a réussi à me transporter dans cet univers et à créer un intérêt pour le récit.
J'ai passé un bon moment.
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En faisant revivre la figure mythique de Cuchulain, le chien du forgeron, Camille Leboulanger réussit un coup de maître. Il parvient à nous rendre proche, mais pas nécessairement sympathique, loin de là, un être mythique qui a donné naissance à des dizaines de récits. Il se place dans la droite ligne d'un Jean-Philippe Jaworski par sa prose âpre. Et apporte à cette histoire une touche contemporaine bien dans l'air du temps.

Pour moi, Cuchulain d'abord est un guerrier puissant et harnaché, qui se laissait déborder parfois par le furor, cette colère terrible qui le prenait d'un coup et lui faisait, en quelque sorte, perdre la raison. Pour le calmer, un moyen : le plonger dans une bassine d'eau froide. Ainsi, il pouvait évacuer la chaleur extrême qui l'habitait. D'ailleurs, on dit qu'il faisait s'évaporer tout le contenu de cette bassine, tant il avait chaud. Pour moi, donc, Cuchulain possédait quelque chose de magique, associé à une petite touche de comique, avec cette eau qui se transforme en vapeur à son contact.
Mais en fait, le mythe de Cuchulain est ancien, très ancien. Et il a une longue descendance, tant ce personnage a fasciné nos lointains ancêtres (les Celtes, donc, puisqu'il provient de leur panthéon, tout fils de Lug qu'il est ; Lug, le polytechnicien : rien à voir avec une école célèbre ; cela signifie juste « inventeur de tous les arts »). Et on le retrouve dans d'anciennes épopées celtes du XIe siècle.

Camille Leboulanger s'empare sans hésiter de cette figure et, au prix de certaines torsions comme il l'avoue lui-même, il la fait entrer dans son récit à lui. Un récit qui n'est autre qu'une tragédie : on connait la fin, on connait même la plupart des épisodes (même si on n'en a qu'entendu parler, sans avoir en mémoire les détails). de toute façon, tel que cela est annoncé dès le début, on ne peut croire en une fin idyllique. Et d'ailleurs, cela n'aurait aucun sens. Cuchulain est une figure forte mais tragique. Né dans la violence, il vit dans la violence et meurt de même. Il ne peut comprendre le monde qui l'entoure qu'à travers les rapports de force. Il doit être le meilleur, par la force. On doit l'acclamer pour sa force.
Le but de l'auteur ne semble pas de nous entraîner à l'apprécier malgré sa brutalité. Il le décrit tel qu'il est. Ou, en tout cas, tel qu'il le voit : un prototype du gros macho de base, qui considère le muscle comme étalon de mesure et les femmes comme des prises de guerre. D'ailleurs, ces dernières ont bien du mal à exister. Et c'est une des forces de l'auteur d'être parvenu à les faire émerger de ce monde où elles étaient cantonnées à des rôles annexes. Il a réussi à les rendre fortes, volontaires, tenaces, folles, pugnaces, dangereuses, violentes. Mais vivantes. Et bien à leur place, avec toute l'énergie dont elles pouvaient faire preuve. Face à elles, Cuchulain ne peut être sympathique. Et pourtant, Camille Leboulanger réussit le tour de force de nous attacher à ses pas. Même si on sait où tout cela nous mène, on veut suivre ce chemin, glorieux à ses débuts, pitoyable sur la fin.

Et pour nous conduire à ces sentiments, il passe par l'intermédiaire d'un conteur, soiffard invétéré qui n'hésite pas à interrompre son récit pour réclamer que l'on remplisse son verre. Lui, est sympathique. Lui, attire les sourires, puis la compassion quand on en apprend davantage à son propos. Car l'autre originalité de ce personnage qui entame et clôt le roman, c'est de ne pas être qu'un simple narrateur. On découvre peu à peu son importance dans l'histoire de Cuchulain : spectateur lointain ou proche, acteur indirect ou direct. Il est là du début à la fin et nous permet de voir la vie de Cuchulain dans son ensemble et de mieux comprendre sa trajectoire. Et cela, non pas comme elle est racontée d'habitude, à grands renforts de tirades héroïques, transformant Cuchulain en héros digne de louanges. Non, et c'est pour cela que je parlais de Jean-Philippe Jaworski dans mon introduction à cette chronique. Camille Leboulanger emploie des mots crus et décrit la réalité avec, non pas une brutalité malvenue, mais un sens de la formule qui nous place devant la cruauté, la force brute sans aucun fard, sans aucun voile. Il montre, et démonte implacablement, la dégringolade programmée de celui qui se voulait au-dessus des autres, qui ne s'imaginait qu'au sommet et n'a pas su y vivre.

Le Chien du forgeron est une lecture nécessaire pour plusieurs raisons : découvrir ou redécouvrir un mythe classique, mais pas assez repris à mon goût, celui de Cuchulain. Lire un roman passionnant et qui se lit sans pause, tellement le rythme instillé est puissant et efficace. Se poser la question du personnage du héros placé sur un piédestal uniquement pour sa force : sans vouloir faire descendre quelques nouvelles statues de leurs piédestaux, il n'est pas stupide d'interroger ces figures qui traversent nos imaginaires au regard de notre société actuelle. Et les revisiter ainsi ne les affadit pas, au contraire, cela leur permet de durer davantage, de façon plurielle et plus forte encore.
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Bien loin des romans que je lis habituellement ! N'empêche qu'il en restera toujours un petit quelque chose gravé en moi. Roman médiéval d'un enfant promis à un destin glorieux et qui deviendra un antihéros. Tout ça parce que, croyant bien faire, il a tué le chien du forgeron et qui aura, pour punition, de le remplacer jusqu'à nouvel ordre. Chut ! Écoutez le narrateur qui l'a connu et va vous révéler le parcours de vie de Cuchulainn. Merci à l'auteur, muni d'une belle écriture, de faire connaître cette légende.
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Actualité chargée en cette année 2021 pour Camille Leboulanger qui cumule deux parutions en l'espace de quelques mois seulement : d'abord « Ru » (chez l'Atalante), roman éminemment politique dans lequel il met en scène une cité et ses habitants ayant élu domicile dans le corps d'une créature gigantesque, et puis « Le chien du forgeron » (chez la toute récente mais déjà prometteuse maison d'édition Argyll). Consacré à l'une des figures les plus emblématiques de la mythologie celtique, l'ouvrage nous relate le parcours extraordinaire de Cuchulainn, héros irlandais charismatique doté d'une force colossale et quasi invulnérable au combat. Considéré comme le fils du dieu Lug, le guerrier est réputé pour ses grands exploits et n'est pas sans rappeler d'autres personnages légendaires du même style, à l'image d'Héraclès ou encore Achille (qui se vit, comme lui, offert le choix entre une vie longue et paisible et une autre, plus courte, mais glorieuse). de son enfance dans une place forte reculée à son irrésistible ascension au sein de l'élite des guerriers du grand roi Conchobar mac Nessa, en passant par son apprentissage auprès de quelques unes des plus grandes figures de l'époque, sans oublier ses plus grands faits d'armes comme la razzia de Cooley ou l'enlèvement de la belle Emer, l'auteur revient sur tous les épisodes qui ont fait la renommé du personnage et forgé sa légende. En dépit de l'intérêt qu'aurait suscité à elle-seule l'histoire de ce personnage hors-norme, la version proposée ici est loin de se limiter à une simple remise aux goûts du jour de la vie de ce héros relativement peu connu de ce côté-ci de la Manche. le sous-texte qui accompagne le récit se révèle ainsi particulièrement intéressant, l'ouvrage proposant en effet une interprétation tranchant radicalement avec celle que l'on pouvait avoir jusqu'à présent de ce guerrier auréolé de gloire et presque invincible. Fidèle à ses habitudes, Camille Leboulanger propose ici une analyse plus politique du mythe, s'interrogeant notamment sur la place des femmes dans une telle épopée ainsi que sur l'éducation donné à ce garçon, entraîné presque malgré lui dans un engrenage destructeur le poussant encore et encore à réaffirmer sa virilité.

Difficile dans ces conditions de trouver un seul point négatif au roman qui m'aura enthousiasmée du début à la fin et se montre convainquant à tous les niveaux. La reconstitution de l'époque évoquée (le premier âge du fer) est ainsi très satisfaisante, l'auteur s'étant appuyé sur les travaux de plusieurs historiens spécialistes du sujet afin de rendre son récit le plus cohérent possible, quand bien même celui-ci n'a rien d'historique au sens propre du terme. de ce point du vue, l'ouvrage fait inévitablement pensé à une autre oeuvre parue récemment et traitant de la même époque, la fameuse série « Rois du monde » de Jean-Philippe Jaworski. On y retrouve la même volonté de se détacher des clichés sur les Celtes et leurs coutumes (même si cela est évidemment fait de manière bien plus succincte dans le roman présent) afin de donner au contraire une vision la plus réaliste possible de la manière dont était organisée la société ainsi que de la complexité des rapports de domination et de hiérarchie entre guerriers. Loin de se limiter à une simple énumération des grands faits d'armes du héros, le roman nous offre aussi un bel aperçu du quotidien du roi et de son entourage dans la forteresse d'Emain Macha, avec de nombreuses scènes de banquets, d'entraînements ou de discussions entre les femmes du domaine, autant de passages qui permettent d'apporter de la complexité à une épopée qui, sans cela, aurait sans doute été un peu légère du point de vue de la réflexion. Cette intellectualisation, elle passe aussi par le biais d'un personnage rajouté par l'auteur au mythe d'origine et qui joue ici un rôle déterminant dans l'histoire puisqu'il s'agit du narrateur. L'histoire de Cuchulainn nous est ainsi racontée par un conteur à l'aube de sa vie, dans une taverne quelconque auprès d'un public quelconque, et dont l'objectif est de lever le voile sur l'homme derrière la légende, quitte à prendre ses auditeurs à rebrousse-poil. Car la vision proposée ici par le vieil homme n'est pas particulièrement flatteuse à l'égard du héros et met en lumière, plutôt que ses exploits, ses fêlures et ses limites.

Sous la plume de Camille Leboulanger, le héros adulé de tous et à qui tout réussi prend un tout autre visage, plus sombre et infiniment moins glorieux. Loin de susciter l'admiration ou la sympathie du lecteur, le personnage fait naître au contraire toute une palette d'émotions chez le lecteur, la plupart du temps négatives, que ce soit la pitié ou le dégoût, la détestation ou la tristesse. Outre sa force exceptionnelle, Cuchulainn n'a en effet rien du héros, et pourrait au contraire plutôt être assimilé à un gros boeuf/beauf. Fonçant sans arrêt tête baissée, incapable de saisir le véritable sens des leçons qu'on lui inculque, arrogant à l'extrême, sale, bruyant, brutal… : le moins que l'on puisse dire, c'est que la légende en prend un sacré coup ! Bien qu'atterrés par le comportement du héros et conscients des dangers qu'il fait courir à la stabilité du royaume, celles et ceux qui gravitent dans son entourage ne parviendront (ou n'essayeront) jamais à ralentir la course folle du héros vers sa propre destruction. La galerie de personnages secondaires mis en scène ici est néanmoins convaincante, à commencer par les personnages féminins. le narrateur le rappellera à plusieurs reprises à son auditoire, cette histoire n'est pas une histoire de femmes, condamnées au rôle de simples spectatrices, impuissantes à influer sur le cours du destin du héros, voire même le leur. Pourtant, Camille Leboulanger ne les oublie pas, et met en scène un beau panel de personnages féminins complexes et ambivalents, à l'image de Dechtire, mère du héros et soeur du roi à la personnalité changeante et donc difficile à cerner, ou encore de la belle Emer, révulsée par ce guerrier qui cherche à la posséder et qui, bien que forcée de se soumettre, ne perdra jamais sa combativité. le poids du patriarcat et les ravages causés par une éducation érigeant la virilité au rang de vertu suprême sont ainsi autant de thématiques centrales du roman qui les aborde de manière suffisamment implicite pour que jamais l'analyse de l'auteur ne soit prise pour une leçon de morale assénée au lecteur, ce qui aurait eu pour effet de sortir ce dernier de son immersion qui demeure ici préservée du début à la fin.

Bien qu'ayant déjà beaucoup apprécié les précédents romans de l'auteur, aucun ne m'aura enthousiasmée au point de ce « Chien du forgeron » qui constitue certainement, à ce jour, l'oeuvre la plus aboutie de Camille Leboulanger. Celui-ci y revient sur une figure emblématique de la mythologie celtique, le héros Cuchulainn dont il propose une vision radicalement différente de celle véhiculée par la légende. Porté par une très belle plume, le récit retrace le parcours hors du commun d'un guerrier que l'auteur se plaît à faire chuter de son piédestal tout en s'interrogeant sur les valeurs véhiculées par un modèle tel que Cuchulainn, et au-delà de celui de toutes ces figures de guerriers virils et sanguinaires qui peuplent nos imaginaires. Un vrai coup de coeur, et un roman à mettre entre toutes les mains !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Pour ma dernière lecture de 2021, j'avais envie de légèreté, de fraicheur, de ne pas me prendre la tête, alors je me suis tournée vers un genre que j'affectionne : la fantasy (même si j'en lis moins).

Délaissant les grosses machines anglo-saxonnes, je me suis tournée vers un auteur français dont les différentes critiques élogieuses de son roman m'avaient donné envie de le lire.

Direction les peuples Celtes, pas au temps d'Astérix, mais aux VIIIe et VIIe siècles avant J.-C (qui n'est pas Jules César, merci).

Un conteur entre dans un bar et, en échange du remplissage régulier de son gobelet, va conter aux personnes présentes la légende de Cuchulainn, dit aussi le Chien du Forgeron, ce héros légendaire, invaincu, dont l'aura continue de briller.

Oui, mais le conteur va leur proposer de leur raconter la véritable histoire, pas la légende que tout le monde connait.

Ce qui lui importe, c'est de parler de l'homme derrière la légende, quitte à choquer son auditoire qui est loin de s'imaginer que la vie de ce héros n'est guère flatteuse et que derrière les lumières que l'on fait briller, il y avait surtout un garçon avec ses blessures, ses fêlures, ses rêves, ses croyances, son égo démesuré et sa soif de victoires.

Derrière le mythe, il y a un homme et son portrait n'a rien de reluisant !

La plupart des auteurs/autrices, cherchent à rendre leurs personnages sympathiques, d'autres pas du tout. Ce qui fut le cas de Camille Leboulanger avec le personnage mythique de Cuchulainn.

Sincèrement, ce garçon n'a rien pour lui, on n'a absolument pas envie de l'aimer, de s'attacher à lui, par contre, on lui collerait bien des fessées pour tenter de brider son égo grandissant.

En grandissant, Setanta, qui ne n'a pas encore acquis les surnoms de Cuchulainn ou de Chien du Forgeron, ne va pas s'améliorer, que du contraire, il est détestable et malgré tout, on s'attache à sa personnalité, on a envie de suivre son parcours, parce que l'on sait qu'il n'est pas le seul responsable de ce merdier.

La faute est imputable à des hommes qui décident de donner à marier, à d'autres seigneurs, leurs soeurs ou filles, afin de monter des coalitions, des alliances, en se foutant pas mal de l'avis de la femme. Ici, le féminisme est banni, les femmes sont sans droits, soumises à l'autorité des mâles, hormis quelques-unes, qui résistent encore et toujours au patriarcat galopant.

Si le Chien du Forgeron n'attire pas les sympathies, s'il est un véritable boulet en société, ne comprenant rien aux règles (ou s'en moquant royalement), un gros macho de première catégorie (un beauf), nombriliste, lourd et ne comprenant que la force brute, le conteur aux cheveux blancs, lui, est un régal pour le lecteur.

Sa verve m'a enchantée et jamais son récit n'est devenu lourd ou ennuyeux, même si l'action n'est pas présente tout le temps. de plus, il y a une palette de personnages qui gravitent autour de Cuchulainn et dont certains auront leur importance dans le récit, forgeant le caractère du guerrier ou au contraire, le laissant faire.

Ce roman de fantasy est un petit bonbon acidulé, un de ceux qui fait du bien par où il passe et qui nous conte le mythe de Cuchulainn d'une autre manière. Même si, comme moi, vous ne connaissiez pas le mythe, la légende de ce guerrier formidable, même si vous n'êtes pas calé en histoire des Celtes, en mythologie, ce récit risque de vous ravir tant il est bien achalandé.

C'est aussi une page importante d'Histoire que l'on découvre dans ce récit, ainsi que la vie dans des places fortes aux temps des Celtes. Il y a une complexité dans le pouvoir politique, la hiérarchie est importante et le moindre battement d'aile de papillon peut déclencher des tempêtes plus tard. le tout est parfaitement intégré au récit, sans donner l'impression d'assister à une leçon d'école.

Le manque de dialogues, qui d'habitude m'énerve, ne m'a absolument pas empêché de prendre du plaisir dans ma lecture, tant j'avais l'impression d'être dans cette taverne à écouter un conteur et à faire en sorte que son verre soit toujours rempli.

Bref, c'est de la fantasy qui pourrait plaire à des lecteurs peu familiers du genre (ou aux allergiques) puisque la part de fantastique est minime (mythologique, surtout), que l'on se trouve dans un monde qui est le nôtre, à une époque lointaine où les valeurs n'étaient pas les mêmes que maintenant.

Pas de droits pour les femmes, des hommes guerriers, des lois différents et des commandements personnels pris par chacun et jamais renié, même jusqu'au boutisme.

C'est une histoire classique, celle d'un homme qui est monté sur un piédestal et qui a chuté un jour parce qu'il cherchait la gloire personnelle, puisqu'il voulait être adulé, être le plus fort, parce qu'il méprisait les autres et ne comprenait rien à rien…

Tout compte fait, Cuchulainn devient sympathique en raison du fait qu'il n'a pas compris les règles du jeu, qu'on lui a donné de mauvaises règles, qu'on ne l'a jamais arrêté, tel un enfant roi et qu'on n'a jamais pris la peine de demander son avis à sa mère, elle qui ne voulait pas se marier, ni avoir des enfants…

Un très bon roman de fantasy à découvrir, même pour les non familiers du genre, car c'est l'histoire de la vie. le cycle éternel…

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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