Au loin, le soleil commençait paresseusement à se lever. Aujourd’hui, Leonardo comptait effectuer une expérience particulièrement dangereuse. L’inventeur aurait sans hésitation laissé sa place à un volontaire, mais la présente opération devait rester secrète. La raison en était bien simple†: si elle venait à être découverte, personne ne le laisserait se lancer du toit de la basilique à bord de son engin de fortune. Celui-ci avait été baptisé Aves 2, ce qui signifiait Oiseau 2 en italien. L’appareil avait été conçu dans le but ultime de voler, et Leonardo espérait ne pas avoir à construire un Aves 3 avant d’atteindre son objectif. Malheureusement, par le passé, la majeure partie de ses inventions avait connu un triste destin. Le jeune Italien n’était pas du genre à se laisser décourager et s’était donc rapidement remis à l’œuvre après la destruction du premier appareil. Après quatre mois de travail, Leonardo était sur le point de faire une nouvelle tentative.
Réussir à quitter la maison sans se faire voir puis emporter l’appareil en pièces détachées jusqu’au sommet du toit de la basilique n’avait pas été chose facile pour l’inventeur. Malgré tout, la pire étape restait à venir. Leonardo devait encore abaisser le levier qui enclencherait la descente infernale. Dès l’abaissement de ce levier, l’appareil suivrait le rail de la structure en bois que Leonardo avait érigée à même la toiture de la basilique. Cette structure était conçue pour guider l’Aves 2 dans une descente parfaitement droite. L’inclinaison abrupte du toit et le poids de l’appareil devaient permettre à celui-ci d’atteindre une vitesse adéquate avant la chute libre. Si tout se déroulait comme prévu, lorsque l’engin quitterait le toit, il entamerait un vol inoubliable au-dessus de la ville de Florence. Dans le cas contraire, la mort attendait inévitablement le passager des dizaines de mètres plus bas.
Lorsqu’on désirait vivre selon ses convictions, il fallait savoir prendre des risques.
En effet, Leonardo était le fils illégitime du chancelier et ambassadeur de la République florentine. Un homme tel que Piero Antonio da Vinci était fort entouré. Le jeune homme de quinze ans en venait donc à la conclusion que, dans l’éventualité de sa mort, tout Florence pleurerait sa perte ou, du moins, ferait semblant.
Florence, Italie, 1468
Une seule question venait à l'esprit du jeune Leonardo en cet instant déterminant: combien de personnes assisteraient à ses funérailles? Chose certaine, elles seraient nombreuses!