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Citations sur Haut Mal - Autres lancers (28)

La Néréide de la mer Rouge
(1934-1935)
extrait 5
  
  
  
  
O tempête
Tes plis profonds ont pu rider ma bouche amère
et lacérer ce cœur qui pend entre mes côtes
tel un quartier de viande à l'étal d'un boucher
de trop de passions mon corps fut mauvais hôte
pour qu'aujourd'hui je marche autrement qu'yeux baissés



Éternel humilié dont le désir ulule
piètre amant j'ai toujours été l'ours mal léché
et je porte pourtant ivrogne émerveillé
au creux de ma poitrine une rose qui brûle


Telle devant la niche où dort un saint de pierre
fœtus rêvant de tout son crâne déplumé
et muet dans l'utérus comme un mort dans sa terre
coule une cire que l'ardeur de sa flamme fait suer
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La Néréide de la mer Rouge
(1934-1935)
extrait 4
  
  
  
  
et les sirènes imaginaires nageant
dans l'eau obscure de ses yeux

Il y avait beau temps qu'était enterrée la douceur
du clair de lune qui s'enroule autour de longs cheveux
et que l'amour ne lui était que paillasse à terreur
qu'on y dorme tout seul ou qu'on y couche à deux


Le couperet des jours signait les aubes glauques
d'un coup d'ongle fatal aux espoirs trop touchants
et de leurs cous marqués jaillissait ta voix rauque
guillotine du ciel qui tends tes bras méchants


La foudre aventurait son sexe jusqu'en terre
Les blés couchés lui répondaient en soupirant
poils d'or et les sillons amoureux du tonnerre
déchirés de sanglots s'ouvraient à tous les vents


C'était la peste et la misère Ombres et feux se poursuivant
dans la cave du jour où pourrit la lumière
lèpre si pâle au cou de l'univers mendiant
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La Néréide de la mer Rouge
(1934-1935)
extrait 3
  
  
  
  
De lieu en lieu

la nuit oisive le suivait

Au bruit de ses pensées

il la faisait danser ainsi que font les montreurs d'ours

et quand la bête lasse se couchait

hissée sur la boule du monde c'était l'aurore qui se montrait
nudité fine étincelante et blanche


De l'Atlantique à la mer Rouge

fuyant l'Europe

le voyageur allait sans femme

autre que les idoles pour qui des cierges flambaient dans sa tête
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La Néréide de la mer Rouge
(1934-1935)
extrait 2
  
  
  
  
D'occident en orient

un voyageur marchait

serrant de très près l'équateur
et remontant en sens inverse la trajectoire solaire


Ses regards agrippés aux forêts

peignaient leurs sombres chevelures

et ses mains balancées selon le mouvement de ses pieds

caressaient les lueurs à rebrousse-poil

comme s'il avait entrepris de forcer le cours de son destin
d'heure en heure et de jour en jour
en le prenant à contre-sens
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La Néréide de la mer Rouge
(1934-1935)
extrait 1
  
  
  
  
Le soleil qui se lève chaque matin à l'est

[…]
O fusées

il y a trop longtemps que nous enchante

l'araignée solaire pendue au fil à plomb de l'heure

Échelon par échelon

la mort remonte de son puits

et la roue immobile révèle son squelette de rayons

Que toutes les pierres se fendent

et que les frondaisons se penchent

pour saluer cette Vérité dépouillée jusqu'aux os

une figure se dresse
au-dessus de la margelle ronde
qui auréole la profondeur
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"Viendra-t-il jamais à l’esprit d’une de ces innocentes salopes de se traîner pieds nus dans les siècles pour pardon de ce crime : nous avoir enfantés ?"
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Le pays de mes rêves -

Sur les marches qui conduisent aux perspectives du vide, je me tiens debout, les mains appuyées sur une lame d'acier. Mon corps est traversé par un faisceau de lignes invisibles qui relient chacun des points d'intersection des arêtes de l'édifice avec le centre du soleil. Je me promène sans blessures parmi tous ces fils qui me transpercent et chaque lieu de l'espace m'insuffle une âme nouvelle. Car mon esprit n'accompagne pas mon corps dans ses révolutions; machine puisant l'énergie motrice dans le fil tendu le long de son parcours, ma chair s'anime au contact des lignes de perspective qui, au passage, abreuvent ses plus secrètes cellules de l'air du monument, âme fixe de la structure, reflet de la courbure des voûtes, de l'ordonnance des vasques et des murs qui se coupent à angle droit.



Si je trace autour de moi un cercle avec la pointe de mon épée, les fils qui me nourrissent seront tranchés et je ne pourrai sortir du cachot circulaire, m'étant à jamais séparé de ma pâture spatiale et confiné dans une petite colonne d'esprit immuable, plus étroite que les citernes du palais.

La pierre et l'acier sont les deux pôles de ma captivité, les vases communicants de l'esclavage; je ne peux fuir l'un qu'en m'enfermant dans l'autre, — jusqu'au jour où ma lame abattra les murailles, à grands coups d'étincelles.



II



Le repli d'angle dissipé, d'un coup de ciseaux la décision fut en balance. Je me trouvai sur une terre labourée, avec le soleil à ma droite, et à ma gauche le disque sombre d'un vol de vautours qui filaient parallèlement aux sillons, le bec rivé à la direction des crevasses par le magnétisme du sol.

Des étoiles se révulsaient dans chaque cellule de l'atmosphère. Les serres des oiseaux coupaient l'air comme une vitre et laissaient derrière elles des sillages incandescents. Mes paumes devenaient douloureuses, percées par ces lances de feu, et parfois l'un des vautours glissait le long d'un rayon, lumière serrée entre ses griffes. Sa descente rectiligne le conduisait à ma main droite qu'il déchirait du bec, avant de remonter rejoindre la troupe qui s'approchait vertigineusement de l'horizon.



Je m'aperçus bientôt que j'étais immobile, la terre tournant sous mes pieds et les oiseaux donnant de grands coups d'ailes afin de se maintenir à ma hauteur. J'enfonçais les horizons comme des miroirs successifs, chacun de mes pieds posé dans un sillon qui me servait de rail et le regard fixé au sillage des vautours.

Mais finalement ceux-ci me dépassèrent. Gonflant toutes les cavités de leur être afin de s'alléger, ils se confondirent avec le soleil. La terre s'arrêta brusquement, et je tombai dans un puits profond rempli d'ossements, un ancien four à chaux hérissé de stalagmites : dissolution rapide et pétrification des rois.



III



Très bas au-dessous de moi, s'étend une plaine entièrement couverte par un immense troupeau de moutons noirs qui se bousculent entre eux. Des chiens escaladent l'horizon et pressent les flancs du troupeau, lui faisant prendre la forme d'un rectangle de moins en moins oblong. Je suis maintenant au-dessus d'une forêt de bouleaux dont les cimes pommelées s'entrechoquent, se flétrissent rapidement, tandis que les troncs, se dépouillant eux-mêmes de leur peau blanche, construisent une grande boîte carrée, seul accident qui demeure dans la plaine dénudée.

Au centre de la boite, comme une médaille dans un écrin, repose la plus mince tranche du dernier tronc et j'aperçois distinctement le cœur, l'écorce et l'aubier.

Ce disque de bois, où les faisceaux médullaires apparaissent en filigrane, n'est qu'un hublot de verre, l'orifice d'un cône qui découpe dans l'épaisse paroi qui m'enveloppe l'unique fenêtre de ma durée.



IV



Dans l'hémisphère de la nuit, je ne vois que les jambes blanches et solides de l'idole, mais je sais que plus haut, dans la glace éternelle, son buste est un trou noir comme le néant de la substance nue et sans attributs.

Parmi la foule amassée autour du piédestal, quelqu'un répète inlassablement : « La reliure du sépulcre solaire blanchit les tombes... La reliure du sépulcre... etc.. »



Entre le sommeil des voix et le règne des statues, une rose enrichit le sang où se baigne le bleu corporel assimilable par fragments. La saveur des couronnes qui descendent au niveau des bouches closes suggère un calcul plus rapide que celui des gestes instantanés. Les laminaires ont tracé des cercles pour blesser nos fronts. Je pense au guerrier romain qui veille sur mes rêves; il élève son bouclier à hauteur de mes yeux et me fait lire deux mots :

atoll et sépulcrons.

Si le pari de Pascal peut se figurer par la croix obtenue en développant un dé à jouer, que pourra m'apprendre la décomposition du bouclier?

Depuis longtemps déjà, j'ai arraché fibre à fibre la face du guerrier : j'ai d'abord obtenu le profil d'une médaille, puis une surface herbeuse et un marécage presque sans limites d'où émergent des fûts brisés. Aujourd'hui, je suis parvenu à mettre un nom sur chaque parcelle de chair. Le blanc des yeux s'appelle courage, le rose des joues s'écrit adieu et les volutes du casque épousent si exactement la forme des fumées que je ne puis les nommer que somnifères.

Mais le ventre du bouclier représente une gorgone hideuse, dont les cheveux sont des chiffres 3 et 5 entrelacés. Le 8 de la somme se renverse, et j'arrive à l'Infini, serpent du sexe qui se mord soi-même. C'est alors que la chiourme des lignes se couche sous le fouet de la matière. Il ne me reste qu'à accomplir le meurtre devant une architecture sans fin. Je briserai les statues et tracerai des croix sur le sol avec mon couteau. Les soupiraux s'élargiront et des astres sortiront silencieusement des caves, — fruits des sphères et des statues, grappes de globes lumineux montant comme les bulles transparentes d'un fumeur de savon, à travers les pigments de la mort et le bulbe rouge de la lampe de charbon.



VI



Au cours de ma vie blanche et noire, la marée du sommeil obéit au mouvement des planètes, comme le cycle des menstrues et les migrations périodiques d'oiseaux. Derrière les cadres, une rame délicieuse va s'élever encore : au monde aéré du jour se substitue la nuit liquide, les plumes se changent en écailles et le poisson doré monte des abîmes pour prendre la place de l'oiseau, couché dans son nid de feuilles et de membres d'insectes. Des galets couverts de mots — mots eux-mêmes bousculés, délavés et polis — s'incrustent dans le sable parmi les rameaux et coquilles d'algues, lorsque toute vie terrestre se rétracte et se cache dans son domicile obscur : les orifices des minéraux.



Zénith, Porphyre, Péage,



sont les trois vocables que je lis le plus souvent.

Ils ne m'apparurent d'abord que partiellement : le Z en zébrure ou zigzag de conflit, fuite oblique vers les incidences puis persévérance dans une voie parallèle, —l'Y de l'outre-terre (Ailleurs, qu'Y a-t-il? Y serons-nous sibYlles? Qu'Y pourrai-je faire si je n'ai plus mes Yeux?), — l'A écartant de plus en plus son angle rapace sous-tendu par un horizon fictif, tandis que P Poussait la Porte des Passions.

Puis les trois mots se formèrent et je pus les faire sauter dans mes mains avec d'autres mots que je possédais déjà, lisant au passage la phrase qu'ils composèrent :



Payes-tu, ô Zénith, le péage du porphyre?



A quoi je répondis, lançant mes cailloux en ricochets :



Le porphyre du Zénith n'est pas notre péage.
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« C’est aux dernières limites du possible, sur les confins les plus lointains des apparences, à l’extrême pointe vers laquelle convergent toutes les directions confondues, voire même au-delà, dans cette région où ne peut plus se rencontrer que la conjecture audacieuse ou bien plutôt l’étonnement sans mesure, que s’effectue la plus profonde et la plus énigmatique peut-être des démarches que tente l’esprit de l’homme, celle par qui s’élabore secrètement le Merveilleux.
Si durant toute sa vie l’homme devait s’en tenir au connu, rester limité au petit groupe de phénomènes qu’il sait, par éducation et atavisme, relier entre eux et constituer en un réseau de relations, ce filet purement utilitaire ne pourrait manquer de devenir un piège d’ennui, une prison sans désirs dans laquelle il serait condamné à pourrir enchaîné, entre le pain noir et l’eau croupie de la logique. » – Le Merveilleux
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Âge des cœurs

Le bel âge des vacances
L’âge des croisées ouvertes
des pores illuminés par le bain
L’âge des cœurs sans lest
autre que le sable mouillé
à chaque battement de marée
sculpté en château-fort

Le bel âge de sable
à chaque seconde illuminé par la marée
allégé par le bain
L’âge des cœurs ouverts
que ne grave ni ne mouille
l’eau-forte d’aucun remords

L’âge du sable répandu
à profusion
par les créneaux du château-fort

L’âge des cœurs
que la mer sculpte grain par grain

Autres lancers p. 166
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Mano à mano

L’opacité d’un bras nu qui se love
la fixité d’une main véritable
l’air immobile que troue le luxe de tes ongles
et l’arène incurvée d’un éternel retour

Vers quelle clairière
ira la pointe aiguë du glaive
pour déterrer le plus ancien des trésors
taureau épais
la nature
ou ton corps
que mes mains creusent pour en exhumer le plaisir

p. 141
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