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Critique de Kirzy


Direct dans l'action dès la première phrase du narrateur Lampo qui relate une proposition de son meilleur ami : «  Alors, Gélon me dit, Allons nourrir les Athéniens. C'est un temps idéal pour nourrir les Athéniens. » Aussitôt, les deux compères débarquent avec leurs outres d'eau et de vin, leur pot d'olives et leur fromage dans une carrière de calcaire qui sert de prison à des centaines d'Athéniens. Nous sommes à Syracuse en 412 av.J.-C, à la fin de la guerre antique du Péloponnèse. Athènes qui a tenté de prendre la cité sicilienne a été défaite.

Direct dans l'absurde aussi puisque Gélon assaille d'une question des prisonniers décharnés et décimés par la faim  : « tu peux citer Euripide ?», si oui, il les nourrit. Gélon, obsédé par ce dramaturge athénien, a ainsi l'idée improbable de monter une représentation théâtrale dans la carrière avec des Athéniens connaissant par coeur Médée et Les Troyennes.

Même si on sent que l'auteur est très documenté, on est très très loin des codes puristes du roman historique cherchant à restituer de façon vraisemblable une ambiance et une langue de l'époque. Là, on a plutôt l'impression d'être dans un pub irlandais, avec des personnages qui s'apostrophent à coup de « tu déconnes, Apollon », « Périclès est un connard », « on emmerde Sophocle », et une flopée de « la ferme ». Cela surprend, dérange au départ, puis on s'y fait et on peut se concentrer sur l'intrigue.

Les premières parties sont très réussies, très vivantes dans la description des préparatifs de la pièce : organiser le casting des prisonniers athéniens, les faire répéter, trouver le budget pour réaliser les décors et les costumes. le duo comique Lampo / Gélon joue sur les ressorts du binôme mal assorti, ça fonctionne, on rigole.

Ferdia Lennon maitrise le registre de la farce avec énergie et culot, mais j'ai trouvé que son humour noir n'allait pas assez loin pour creuser le malaise moral née de la confrontation entre les nobles aspirations artistiques et le recours voire l'usage à des comédiens régulièrement maltraités qui n'ont d'autre choix que d'accepter de jouer pour peut-être survivre.

On comprend bien que les intentions de l'auteur sont de doubler cette farce d'une lecture plus contemporaine sur la guerre et ses conséquences désastreuses sur des individus dont les droits ne sont pas respectés, quasiment une parabole qui résonne avec la triste actualité. Mais le dernier chapitre enchaîne les événements de façon trop précipitée, ce qui fait que le passage de la farce légère à la gravité de la tragédie n'est pas aussi incisif et convaincant qu'elle aurait pu l'être.

Au final, ce que je retiens de cette drôle d'histoire, c'est l'espoir ou l'utopie que l'art serve de pont entre les peuples comme ciment à une meilleur compréhension de l'Autre, comme dit Gélon en s'adressant à ses ennemis vaincus athéniens :
« J'adore Athènes. Et je crois que j'aimerai éternellement la ville qui a engendré cette pièce ( Médée ) (...) Je ne vous hais pas. Comment le pourrais-je ? Même si je sais que vous êtes venus dans le but de nous réduire en esclavage, je ne peux pas vous haïr. Je pense qu'il y a forcément quelque chose à sauver dans une ville qui nous a offert ces pièces. »

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