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Il y a très longtemps, au collège, nous avons eu comme lecture cursive un ouvrage avec le même titre "Camera obscura", un recueil de nouvelles de 1839 et un classique de la littérature néerlandaise de la main de Hildebrand, le pseudonyme de Nicolaas Beets, traduit en Français comme "La Chambre obscure".

La "Camera obscura" de Gwenaëlle Lenoir est une toute autre histoire, mille fois plus captivante, quand bien même s'il s'agit d'un récit angoissant et oppressant.
Un récit, par ailleurs, véridique.

Le narrateur (sans nom), marié avec sa bien-aimée Ania, une laborantine, et père de deux charmants enfants, Najma et Jamil, a une drôle de profession : il doit prendre des photos des morts qui arrivent à la morgue de l'hôpital militaire de son pays.

Comme son nom, ce pays n'est pas spécifié non plus, mais par recoupement tout porte à croire qu'il est question du paradis dictatorial de Bashar al-Assad, autrement dit la Syrie en pleine guerre civile, aidée par un autre despote criminel, l'occupant actuel du Kremlin.

Nous n'assistons pas aux combats proprement dits, mais nous suivons notre photographe des services secrets (syriens), qui reçoit à la morgue des livraisons de corps suppliciés plus ou moins atrocement, en nombre toujours croissant.

Ces corps martyrisés sont ceux des opposants au régime d'Assad, fréquemment des adolescents, comme le pauvre jeune Azzam Azzaz, à peine 16 ans, par exemple.

Notre photographe, un homme consciencieux et humain, souffre de plus en plus de sa tâche horrible, il passe des nuits blanches et finit par se sentir totalement déphasé.
Il n'en peut plus, mais se trouve coincé par son amour pour Ania et ses gosses.
Et en plus, il vit dans une peur constante.

À vous de découvrir s'il réussira à s'en sortir.

Gwenaëlle Lenoir nous offre dans cet ouvrage un aperçu dramatique des conditions de vie épouvantables dans la Syrie de père et fils Assad, avec tous ses morts et un nombre record d'exilés. La Syrie compte, selon l'ONU, le plus grand nombre de réfugiés au monde, soit environ 6,6 millions ou un quart de sa population globale.
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Tous les jours, avec la même constance rigide, il applique le protocole à la lettre. Un rituel qui se répète inlassablement et qui consiste à enfiler sa blouse “le bras gauche en premier, laisser les pans flotter, tenir l'appareil photo du bras droit et pousser les battants de la porte avec l'épaule” avant d'entrer dans la morgue. Prendre cinq ou six clichés par corps et passer au suivant. Rester neutre, impassible, toujours, face à ces corps sans vie. Ne rien laisser paraître, ne pas changer les habitudes, jamais, car “c'est plus prudent”. Mais, ce jour-là, rien n'est comme d'habitude. le regard pesant des chefs derrière l'épaule, les ordres donnés, les corps mutilés, torturés sont autant de signes qui viennent alerter notre narrateur que sa normalité est en train de changer… L'angoisse monte, viscérale. Dans un pays dirigé par la tyrannie, le moindre faux pas, le moindre changement dans l'attitude, peut conduire à une dénonciation et tout droit dans les fourgons rouillés qui déposent les corps sans vie, mutilés, par dizaine tous les jours… Mais, face à l'horreur à l'état pur, est-il encore possible de se taire?

Quelle claque! J'ai été totalement happée et bouleversée par ce roman, qui n'en est pas vraiment un puisqu'il s'inspire de la vie de celui que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de code “César” et qui fût photographe légiste pour l'armée syrienne durant plusieurs années, notamment au moment des soulèvements révolutionnaires de 2011, avant d'être exfiltré en 2013. Grâce à lui et aux milliers de clichés qu'il a réussi à faire circuler, le monde a pu prendre conscience réellement des atrocités qui étaient commises en Syrie sous le régime de Bachir Al-Assad.

Avec le roman de Gwenaëlle Lenoir, on plonge au coeur de l'intériorité de cet homme qui a toujours respecté l'ordre établi, sans jamais le remettre en question et qui se retrouve, du jour au lendemain, à devoir faire un choix, un choix qui va contre ce qu'on lui a toujours appris et qui pourrait mettre en péril sa vie, mais aussi celle de sa famille, le choix de ne plus fermer les yeux sur les crimes commis par son régime… Avec une justesse bouleversante, l'autrice restitue le combat intime de cet homme, dévoré par la peur, le doute et la culpabilité, mais décidé à n'oublier aucun des morts dont il est le dépositaire.

Un texte percutant et fort, qui se lit d'une traite, la boule au ventre, presque en apnée. Un roman essentiel, qui redonne corps à une réalité que l'on connaît pourtant, que l'on suit à travers la presse, mais qui reste éloignée de nos préoccupations. “Camera obscura” marquera indéniablement cette rentrée littéraire d'hiver!

Merci aux éditions Julliard et à Babelio de m'avoir permis de faire cette découverte.
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La 4ème de couverture résume bien le sujet en quelques phrases : Un matin, un photographe militaire voit arriver, à l'hôpital où il travaille, quatre corps torturés. Puis d'autres, et d'autres encore. Au fil des clichés réglementaires qu'il est chargé de prendre, il observe, caché derrière son appareil photo, son pays s'abîmer dans la terreur. Peu à peu, lui qui n'a jamais remis en cause l'ordre établi se pose des questions. Mais se poser des questions, ce n'est pas prudent. Avec une justesse troublante, ce roman raconte le cheminement saisissant d'un homme qui ose tourner le dos à son éducation et au régime qui a façonné sa vie. de sa discrétion, presque lâche, à sa colère et à son courage insensé, il dit comment il parvient à vaincre la folie qui le menace et à se dresser contre la barbarie.

Mon avis : le rythme est celui d'un roman policier ou d'un thriller avec un premier chapitre choc, totalement glaçant et pourtant addictif, il est déjà trop tard pour refermer le livre... Ensuite, retour en arrière : à l'hôpital militaire où les collègues du photographe sont acquis à la terrible répression policière qui touche les opposants au régime. Moustache, Tony, Freddy et Salim sont tous des militaires obéissant quels que soient les ordres, espérant une promotion, des avantages qu'on découvre dans l'effarement : argent extorqué aux familles, jusqu'aux viols et meurtres… Ce n'est pas une lecture pour les âmes trop sensibles et pas du tout une lecture pour s'endormir le soir. L'écriture de Gwenaëlle Lenoir nous met au coeur du choix : accepter l'ordre établi ou bien le contester et se mettre en danger... On a les scènes comme les voit le photographe de cette morgue qui ne désemplit pas. Freddy, une croix grossière et noire tatouée sur l'avant-bras droit, remplace Tony et apporte un saut dans l'horreur, lui qui « dit terroristes dix fois dans sa phrase, comme s'il donnait à manger au président sur son biceps. » Heureusement, on a en face de ces monstres, des résistants d'un courage qui force le respect, les Abou Georges, Aymar et surtout Abou Faisal !

Les sbires du président et les enfants « croient aux histoires simples du Grand Homme. » et il devient impossible d'apporter la contradiction sous peine de mort. le système de surveillance et la délation sont très bien rendus. J'ai été choqué de réaliser que Ania et son mari, le photographe, ne peuvent pas empêcher leurs enfants de chanter les chants à la louange du président appris à l'école, ce serait dangereux si ceux-ci parlaient mal du président ensuite. Et pourtant, avant ce chaos généralisé, une autre époque a existé.

Le photographe ne peut pas s'empêcher de garder une trace de ces crimes, réflexe d'humanité qui deviendra ensuite témoignage pour espérer que la justice soit possible.

Il transmet les photos à un réseau de résistants et devient ainsi un héros malgré lui, mettant sa femme Ania et ses deux enfants en danger. Il se met en danger s'il part de « l'hôpital » car il en sait trop. Il se met en danger s'il reste, tellement il est en retrait du comportement de haine de ses collègues. Il se met en danger s'il parle à Ania. « Ce n'est pas prudent » revient comme une rengaine tout au long du récit.

L'écriture est concise, terriblement efficace, toujours dans l'action, comme un oeil qui observe et imprime l'image, nous la rend exacte à chaque phrase comme une vraie chambre obscure avec l'image sur le papier photosensible. Sur des bannières, en ville, « Le président a le visage masqué par des lunettes de soleil d'aviateur, les lèvres serrées, le cou démesurément long, le menton levé. Il ne protège pas la ville. Il la mate. » Gwenaëlle Lenoir a des expressions définitives pour exprimer le malaise du photographe : « Dans la cour, j'ai respiré l'air des gaz d'échappements à grandes goulées » ou encore « A l'époque on ne tuait pas les enfants comme on écrase les insectes. »

Beau titre que ce Camera obscura, cette chambre obscure permettant de capter une image inversée de la réalité. Et cette pièce là où sont réceptionnés les « terroristes », en fait des manifestants ou des opposants, mérite bien d'être qualifiée d'obscure. L'autrice parvient à traquer ce moment où on ne peut plus fermer les yeux, ce moment où tout devient clair et terriblement dangereux, promesse de libération ou de mort. Alors il y a la peur qui prend de plus en plus de place et on tremble avec ces hommes, ces femmes, vivant au mauvais endroit, au mauvais moment.

Gwenaëlle Lenoir annonce : « Ce livre est un roman dont le personnage principal est réel. Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne. » César, photographe légiste de la police militaire syrienne, a risqué sa vie pour documenter les crimes du régime de Bachar el-Assad entre 2011 et 2013.

Journaliste indépendante et spécialiste du monde arabe et de l'Afrique de l'Est, Gwenaëlle Lenoir, ancienne Grande reporter à France 3, a écrit pour la presse et Mediapart, notamment sur les bouleversements au Soudan depuis le destitution d'Omar el-Béchir en 2019. Elle montre ici qu'elle est aussi une autrice talentueuse. Son Camera obscura est un livre important, un des meilleurs lus dans le cadre de la sélection pour le prix Orange du livre 2024 auquel j'ai l'honneur de participer.
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Pour son premier roman, Camera obscura la grande reporter Gwenaëlle Lenoir précise dans un préambule à ses lecteurs la chose suivante :

Ce livre est un roman dans le personnage principal est réel. Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne.

Le personnage principal de Camera obscura est photographe dans un hôpital militaire dans un pays dont le nom ne sera jamais dit (mais on devine qu'il s'agit de la Syrie ). La police secrète surveille tout le temps, le personnage principal se méfie autant de son gardien d'immeuble que de ses collègues mais il accepte cette réalité. Sa vie bascule le jour où il voit arriver les premiers corps suppliciés à la morgue.

Sans se poser la question de la résistance face à l'horreur, il décide de garder en mémoire les noms de ces morts pour garder une preuve. Tous ces jeunes gens torturés, tués, roués de coups qu'il voit arriver, ils sont désignés par le Président, par son entourage, par les fonctionnaires à son service, comme des « terroristes ».

Toute opposition devient terrorisme dans le vocable de cette dictature où les enfants chantent dans les écoles des chants à la gloire du président.
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“En plein désert, j'ai trouvé bien de l'eau, mais il s'agissait surtout de trouver du sens".(Albert Camus).

Le roman "Camera obscura" de Gwenaëlle Lenoir (Éditions Julliard, 2024) aborde un sujet important de l'actualité en Syrie : la guerre civile, plus particulièrement, et ses répercussions sur la population civile.

L'auteur s'inspire de l'histoire vraie de César, pseudonyme d'un ancien photographe légiste de la police militaire syrienne, qui a risqué sa vie pour documenter les crimes du régime de Bachar el-Assad (1).

Gwenaëlle Lenoir a une écriture précise et efficace qui permet de plonger le lecteur dans l'univers du roman. Elle utilise un style sobre et direct qui donne force au récit.

Les personnages du roman sont, par hypothèse crédibles ; l'on s'identifie facilement à leurs douleurs et à leur combat pour la liberté. Doit-on y saisir un message d'espoir, même dans les moments les plus sombres ?

En revanche, le rythme du roman est un peu lent, ce qui peut ennuyer parfois.

Contrairement aux propos indiqués sur la quatrième de couverture, les comportements et réactions du personnage narrateur, inspiré de "César", ne s'inscrivent pas toujours, du début à la fin du récit, dans une énergie féroce. Son opposition sincère, prend trop souvent la forme d' "actions passives" (oxymore volontaire). Mais dès lors que l'histoire est inspirée de la réalité, il est difficile de reprocher à Gwenaëlle Lenoir d'avoir négligé l'arc narratif du récit.

Quant à la fin du roman , celle-ci est un peu abrupte et laisse le lecteur sur sa faim.

Malgré tout "Camera obscura" est un roman important et poignant qui mérite d'être lu. Il nous donne à voir la réalité de la guerre en Syrie et nous incite à réfléchir sur les valeurs de liberté (2).

Bonne lecture.

Michel

(1) En 2020 et 2021 au "procès de Coblence (centre-ouest de l'Allemagne) le célèbre dossier "César" a été présenté comme élément de preuve devant un tribunal, pour la première fois. Un expert médico-légal a témoigné dans le procès Al-Khatib, qui a analysé les cadavres photographiés sur plus de 50 000 clichés. Sa conclusion : la torture et les meurtres étaient systématiques dans tous les centres de détention des services de renseignement.

Ce premier procès contre des membres du régime syrien accusés de crimes contre l'humanité s'est achevé le 13 janvier 2022 par une décision de culpabilité et d'une condamnations à la détention criminelle du principal accusé.

Au-delà du cas de celui-ci, c'est le système Assad pratiquant la torture systématique contre ses opposants qui figure sur le banc des accusés.

(Source France Diplomatie).

(2) "Les âmes perdues" est, également un excellent film documentaire franco-allemand réalisé par Garence le Caisne et Stéphane Malterre, sorti en 2023.

Il relate le long combat judiciaire que mènent des proches de victimes syriennes, disparues forcées ou mortes sous la tortures, pour que le régime Bachar el-Assad réponde de ses crimes devant la justice.





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Roman choc.
Le narrateur est un photographe légiste dans un des pays du croissant fertile jamais nommé.
Des jeunes arrivent à la morgue par dizaine, torturés, défigurés et le photographe doit photographier sans réagir juste exécuter...
Le combat silencieux d'un homme dans un pays où il semble dangereux de montrer sa désapprobation. Gwenaëlle Lenoir nous décrit le parcours d'un homme qui brave les interdits au péril de sa vie. Une belle écriture et une histoire marquante.
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Gwenaëlle Lenoir choisit dans Camera obscura de raconter, au quotidien, la prise de conscience politique d'un homme, père de famille tranquille, qui devient résistant, jusqu'à être obligé de quitter le pays pour éviter d'être arrêté. de plus, ce récit est une immersion dans le pouvoir totalitaire de la Syrie dont, à l'époque, l'Europe a choisi de ne rien voir !

Le métier de photographe pour services funéraires de l'armée à Damas en Syrie est parfaitement méconnu. Son rôle était de prendre quelques photos des soldats morts au combat pour les transmettre à leur famille. le narrateur remplace Abou Georges, un homme d'expérience, qui part à la retraite.

Au début, il est satisfait de ce nouveau travail qui lui permet de nourrir sa famille. Et puis il y a seize adolescents: treize garçons et trois filles que le narrateur ne peut oublier, les premiers morts torturés, très jeunes.

Inspiré d'histoire vraie
Inspiré du photographe Syrien César, son nom de code, qui documenta les morts qui envahissent sa morgue avec d'atroces blessures, des ablations, des tortures, lors des soulèvements de 2011. Il a transmis les clichés et l'identité des prisonniers tués sous les coups de la milice de Bachar al Assad. Les photographies ont pu être transmises et documentent le tribunal international.

Gêné par la situation, le narrateur n'ose en parler à personne tant la pression du gouvernement est intense, depuis si longtemps. Rien ne doit être montré, tellement tous ont peur de la police du régime. Seulement aux romantiques de sa jeunesse qui chantent et dansent pour demander plus de liberté, le régime de Bâcha al Assan oppose la torture puis la mort. Puis, le silence se lève et il décide de parler.

Officiellement, les photos devaient permettre aux « autorités de délivrer des certificats de décès aux familles attestant qu'ils étaient morts d'un arrêt cardiaque » (Extrait du témoignage de Hassan Shalabi rapporté dans le JDD du 1er octobre 2015). Il y avait deux centres de tortures à Damas et sa région. Au total, 54 000 clichés de 11 000 détenus morts sous la torture et les privations. Elles ont été rendues publiques pour abonder les rédactions et l'O.N.U.

Récit et documentaire, à la fois
Gwenaëlle Lenoir est un grand reporter indépendant spécialiste du Proche et Moyen-Orient. Elle choisit le roman pour raconter le quotidien de cet homme, de sa découverte des premiers corps suppliciés à sa prise de conscience, puis le choix de trahir pour dénoncer et rendre compte de l'horreur.

Évidemment, ce personnage reçoit toute l'empathie du lecteur, appréhendant un régime politique habitué à gérer le pays de façon musclée et autoritaire depuis de si nombreuses années. le silence devient, alors, une survie avec la délation comme arme.

La lecture du récit que propose Gwenaëlle Lenoir m'a permis de comprendre la nature de la réaction du pouvoir syrien au moment des Printemps Arabes. Cette répression fut si terrible que les contestataires se sont armés. La guerre civile qui s'ensuivit fut si sanglante qu'elle permit aux mouvements extrémistes, comme l'Etat Islamique, de s'implanter.

Mais, le talent de Gwenaëlle Lenoir projette son lecteur dans l'incertitude de sa propre faculté de résistance. Car, selon le narrateur, rien ne le destinait à devenir un héros, à devoir s'exiler et à vivre caché tel le véritable Cesar.

En conclusion,
Pendant cinq ans, Gwenaëlle Lenoir imagine les réflexions, les ressentis et l'évolution de son personnage ce que la journaliste ne pouvait faire. Souvent percutant, quelquefois dérangeant, le récit énonce les peurs et les reculs qui font aussi la nature du courage.

À partir du récit d'un photographe légiste amené à agir contre le gouvernement de son pays Gwenaëlle Lenoir propose un hommage à l'audace et à la ténacité. le combat pour la liberté y est décortiqué du point de vue d'un homme qui aurait pu rester tranquille et soumis, mais qui a choisi de se mettre en danger pour défendre la liberté.
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Au départ, ce ne sont que 4 corps de plus : des corps d'hommes morts par accident dont un qui est tombé du 6ème étage, un autre mort après blessures à l'arme blanche et objet contendant. Enfin, ça, c'est ce qu'on a dit à ce photographe qui travaille dans cet hôpital militaire. Il prend en photo les morts pour l'État, pour garder une « trace ». Rapidement, il se pose des questions, mais dans le pays où il vit, il ne faut pas se poser de question. C'est dangereux.

Ce matin-là, en prenant ces photos, il sent bien que ces corps ont quelque chose de particulier : son assistant semble tendu, son supérieur le suit de très près et l'accompagne même à la morgue pour le surveiller.

Ce corps, celui qui est mort du 6ème étage va être celui qui va hanter ce photographe et dont il va se souvenir longtemps.

Rapidement, les corps vont se succéder, se multiplier, à tel point que la précaution de ranger ces corps dans des « tiroirs » jusqu'au 4 premiers corps ne va plus être observée : rapidement, les corps vont être alignés par terre, tête-bêche. Et l'horreur s'accumule.

En tant que lectrice, en lisant la 4ème de couverture, j'ai eu une curiosité mal placée. L'autrice nous « préserve » en ne nous détaillant pas ce que voit le photographe. Malgré tout, les seuls éléments qui nous sont donnés sont absolument atroces. le lecteur est un peu laissé à sa propre imagination en essayant de combler ce que l'on ne voit pas. Personnellement, je n'ai pas eu envie d'en savoir plus parce que c'était déjà assez horrible comme ça. D'ailleurs, au fur et à mesure de la lecture, on a des descriptions rapides mais de plus en plus glauques. le livre est court mais il faut s'accrocher pour continuer. J'ai entrecoupé ma lecture en plusieurs fois d'ailleurs.

L'autrice ne nous dit pas dans quel pays nous sommes mais on se fait une petite idée quand même. La pression constante que vit notre photographe est angoissante. On est comme dans un huis-clos, où le photographe s'interdit de réagir face à l'horreur, de donner ne serait-ce qu'un début d'opinion, se pose des questions sur son entourage jusqu'à son concierge qui commence à le regarder bizarrement. le narrateur devient comme paranoïaque : que penser des regards suspicieux, des non-dits, les manifestations envers le pouvoir.

C'est le genre de roman que l'on n'oublie pas. L'angoisse du narrateur est contagieuse en tournant les pages. Comme je l'indiquais plus haut, la lecture est longue, voire très longue, en découvrant cet univers angoissant et atroce. A découvrir mais en étant averti.

Je remercie les éditions Julliard et Netgalley pour cette lecture.

Lien : https://letempsdelalecture.w..
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Il est marié avec bonheur avec Ania, est le père aimant de Najma et Jamil, vit dans un pays qui ne sera jamais nommé mais que l'on imagine aisément comme étant la Syrie de Bashar El Assad pendant la guerre civile
Il a un étrange métier. Il est photographe légiste de la police militaire syrienne. Son travail consiste en photographier et enregistrer les cadavres qui sont entreposé à la morgue de l'hôpital militaire dans lequel il travaille. Routine pas très agréable, mais routine quand même.

Pourtant, le matin où il découvre plusieurs cadavres de jeunes gens à photographier, il s'interroge. Jeunes, martyrisé, torturés, en partie cachés, aux noms effacés, à la vie soustraite au monde, comme s'ils n'avaient jamais existé.
Alors il se pose des questions. Et protégé derrière la lentille de son appareil photo, il clique, une deux, trois photos pour se souvenir, garder en mémoire ceux qui furent et n'existent plus.
Pourquoi, il ne le sait pas encore, mais il sait au plus profond de lui qu'il n'a pas le choix, qu'il est peut-être le seul témoin de la fin de ces existences bien trop courtes, existences qu'il faut rappeler au monde, pour ne pas les oublier.
Et chaque nouveau matin apporte son lot de corps, jeunes, suppliciés, torturés, à effacer de toute urgence mais à photographier malgré tout. Silence oppressant des autorités, sens du devoir impliquant un risque important pour le narrateur, son choix est vite fait, il n'a d'ailleurs pas le choix prendre en photo, trouver les noms de tous ces morts, témoigner, pour qu'un jour, peut-être, la vérité sorte enfin. Pour les familles, pour le combat, pour la vie.

Mais la tâche est compliquée, il est observé, traqué, par ses supérieurs, puisqu'il ne faut pas que la moindre information puisse fuiter, il ne faut pas que le monde sache.
Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.

Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.
C'est ce que le lecteur assis confortablement dans son fauteuil va découvrir ces autres mondes qui frappent à nos portes mais que nous ne voyons que d'un oeil, protégés que nous sommes par nos démocraties certes pas toujours optimums mais où la liberté de penser, de dire et d'agir existe.
Un roman émouvant, et ce d'autant plus que le narrateur existe et vécu ce qui nous est exposé ici. Il est inspiré de la véritable histoire d'un photographe Syrien qui vit aujourd'hui en Europe sous le nom de César.

https://domiclire.wordpress.com/2024/04/25/camera-obscura-gwenaelle-lenoir/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Gwenaëlle Lenoir s'est inspirée du parcours du photographe syrien César pour l'écriture de ce livre percutant.
César (un pseudo, on comprend aisément pourquoi) est aujourd'hui connu pour avoir dénoncé la violence du régime de Bachar Al-Assad à travers ses photos de corps martyrisés par la police militaire syrienne.
En tant que photographe légiste, il était en effet aux "premières loges" de cette violence inouïe puisqu'il était chargé de photographier les corps mutilés dans la morgue de l'hôpital militaire où il travaillait.
Pour garder une trace des atrocités, il a enregistré des copies de ses clichés sur clés USB (des dizaines de milliers de photos insoutenables) qui lui ont ensuite permis, une fois exfiltré du pays, de rendre compte des atrocités commises auprès des instances de justice internationale. Son témoignage est évidemment capital pour, d'une part, rendre justice et, d'autre part, permettre aux familles de retrouver un proche disparu…
Gwenaëlle Lenoir remonte ici le fil de l'horreur et nous décrit le parcours d'un homme de courage et de résistance qui a bravé les interdits au péril de sa vie et de celle de sa famille (cela ne se fait pas non plus sans peur, ni doute…).
C'est aussi une description terrible de l'enrôlement d'une population et de la méfiance qui s'installe entre les personnes car bien sûr, il est à tout moment susceptible d'être dénoncé.
Un roman glaçant dont il est difficile de s'extraire lorsqu'on pense avec effroi à toutes ces vies perdues (et dans quelles terribles circonstances).
Une écriture limpide pour dire l'innommable et s'y immerger avec une tension absolument terrible de bout en bout.
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