Sagesses pour notre temps

À partir du moment où l’être humain est manipulé pour être consentant, il est prisonnier, figé. On vous dit par exemple que la modernité va libérer les êtres humains mais dans mon microcosme de travail je voyais qu’on était incarcéré. De plus, cette aliénation donne à l’argent la toute-puissance. Vous en avez, vous vivez ; vous n’en avez pas, vous ne vivez pas.

Pierre Rabhi

La démesure est au cœur du problème écologique. La part humaine dans la responsabilité du dérèglement climatique, comme le fait de gaspiller en quelques générations des ressources fossiles accumulées pendant des millions d’années, c’est de la démesure. De la même façon, quand la fortune personnelle de deux cent vingt-cinq personnes est égale aux revenus cumulés de deux milliards et demi d’êtres humains, on est dans la démesure sur le plan social.

Patrick Viveret

Peu importe l’être humain pourvu que le Produit national brut augmente.

Pierre Rabhi

P 163 – l’homme changera-t-il ? Cela semble tellement difficile, tellement incroyable. Où en est votre espérance pour l’humanité ? Pierre Rahbi : il y a un moment où vous tombez dans une espèce de réalisme, vous vous dites : « je ferai le possible et Dieu fera l’impossible. »

P 152 – Pierre RABHI : votre bonheur, votre joie tiennent-ils au plaisir esthétique du paysage et au temps que vous vous êtes donné pour regarder, contempler, lire, travailler dans un cadre où vous vous sentez bien ? PR : oui, à mon avis c’est la vocation fondamentale de l’être humain. Parce qu’il a une âme, une conscience, qu’il y a quelque chose qui est de l’ordre de l’intériorité, il a besoin de nourrir cette intériorité. Aujourd’hui la célébration permanente de la matière fait que l’avoir ne peut pas nourrir l’être. Le temps que nous passons à avoir est un temps qui est réduit pour l’être. C’est là que se trouve la vraie aliénation et c’est là que j’entends la vraie option spirituelle.

P 124 – Patrick Viveret: il est important de lier les trois (résistance, vision, expérimentation) parce que si vous avez de la résistance sans vision ni expérimentation, assez vite elle tourne à la lutte désespérée. Si vous avez uniquement de la vision, vous pouvez vous lever tous les matins en disant : « un autre monde est possible », mais c’est un horizon qui s’éloigne en permanence. Et si vous n’avez que l’expérimentation, aussi créatrice et aussi passionnante soit-elle, si elle se coupe de la résistance et de la vision, vous êtes simplement dans la limitation de la casse produite par le système dominant voire par son instrumentalisation.

P 110 – Abdennour BIDAR : lorsqu’un individu – et on doit revendiquer que la société autour de lui l’aide à le faire – se cherche lui-même, cherche à devenir lui-même, cherche pour quoi il est fait, quelle est sa vocation, lorsqu’il cherche donc à donner de la valeur à son existence, il cherche à dilater son propre appétit de vie. Il cherche donc à donner un nouvel espace d’expression à son existence. Par cette conversation, nous sommes en ce moment dans l’expression mutuelle d’une dilatation de notre puissance créatrice puisque nous réfléchissons ensemble à élaborer quelque chose qui ait du sens. Lorsque je me mets à l’écourte de l’autre, j’essaie d’ouvrir par ma disponibilité, par ma présence un espace dans lequel sa vie intérieure va pouvoir se dilater. Ce qui m’intéresse dans cette perspective c’est qu’elle permet de sacraliser sa vie à tout moment, et bien au-delà du moment du rite.

P 36 – Christian BOBIN : vous écrivez cette phrase « pas d’infini sans clôture », expliquez-nous. Plus vous êtes dans un espace restreint, plus la clarté se fait dans votre tête et plus l’essentiel arrive te revient. C’est aussi ce côté-là qui m’a plus chez les jansénistes. Une épure. Une mouvement d’épure comme avec la neige. La neige simplifie un paysage. Elle le donne à voir et en même temps elle le cache ; elle le réduit à un grand mouvement d’ensemble, elle enlève tous les détails. La clôture, c’est l’image simplement d’un ressaisissement, d’un recueillement sur l’essentiel.

p 10 - – Devant le constat d’un monde dominé par la volonté de puissance, la prédation des ressources naturelles, le règne de l’argent, l’indifférence, l’injustice et l’égoïsme, la sagesse ne consiste pas à se détourner ou à nier le réel mais à l’appréhender avec suffisamment de distance pour pouvoir le penser et suffisamment de proximité pour être en empathie avec lui. Après, chacun va au combat non pas avec ses armes mais avec ses dons créatifs. Et jour après jour, il faut sur le métier remettre l’ouvrage.