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Critique de Pasoa


Les Canti (Chants) de Giacomo Leopardi est une oeuvre incontournable, fondamentale dans l'histoire de la poésie.

Issu de la noblesse italienne, écrivain, philosophe, grand érudit formé au matérialisme et au classicisme, Giacomo Leopardi reste encore aujourd'hui un penseur inclassable. Son oeuvre interroge le présent à l'aune du passé et la part d'avenir qu'il porte déjà en lui, la notion de temps pour mieux questionner ensuite l'être dans sa dimension la plus intime, la plus universelle aussi.

La première impression, en lisant les Chants, c'est la musicalité, le rythme qu'offre la langue italienne. Leopardi est avant tout une poésie de la voix et de ses résonances, de l'écoute aussi vécue comme une expérience originelle du son, avec ses variations profondes et légères. Les Chants sont pour la plupart de longs poèmes dans lesquels s'ancre une capacité à étendre la phrase, à maintenir une même mesure, comme un chant qui trouve en lui-même sa propre régénération.

Leopardi, au travers de nombreux thèmes apparaît comme un être devenu un étranger sur terre, un passant désenchanté, qui est à la fois distant et attentif au monde.

Le joug de la vie familiale et sociale, le poids de la religion, l'avènement de la modernité, Leopardi porte tout cela en lui. Il se confronte à une réalité du monde qu'il réprouve mais qu'il sait au fond de lui être aussi la sienne, une réalité qui le constitue. Cette dualité intérieure transparaît dans toute sa poésie comme la marque d'une vitalité désespérée, d'une expérience profonde de l'ennui existentiel.

Publiés à partir de 1824, les Chants possèdent en eux un souffle, une beauté lyrique saisissante (je pense ici aux poèmes " le dernier chant de sapphô ", " le rêve ", " À Silvia ", " le Genêt ou la fleur du désert " ou encore " À soi-même " (A se stesso) :

" Tu vas maintenant trouver le repos
Pour toujours, mon coeur las. Et l'ultime illusion
De me croire éternel est morte. Je sens
Que se son éteints, ainsi que l'espoir,
Les désirs d'illusions qui me furent si chères.
Repose à jamais. Tu battis
Si fort. Rien ne mérite
Tes élans, et la terre n'est pas digne
De soupirs. La vie
N'est qu'amertume, ennui. Rien d'autre. le monde
boue.
Calme-toi désormais. Désespère
Pour la dernière fois. Notre espèce n'a reçu
Du destin que le don de la mort. Méprise-toi.
Méprise la nature, l'affreux
Pouvoir qui, en secret, ordonne de chaque chose
Sa destruction, et l'infinie, universelle vanité. "

Giacomo Leopardi est un pessimiste de nature, de sensibilité, plus que de raisonnement. L'ennui et l'ironie sont chez lui comme une tentative presque ultime de reconstituer un sens à l'existence, de retrouver un pays perdu (celui de l'enfance) et de parer l'échéance qui attend toute personne.

Poésie sombre qui pour pouvoir exister concède une place particulière à la lumière, l'écriture de Leopardi s'opère à cette condition, avec sa part de musicalité, comme une mélodie qui semble ne pas vouloir cesser.


Pour découvrir les Chants de Leopardi, j'ai choisi la très belle traduction qu'en a fait René de Ceccatty publiée aux Editions Payot & Rivages, une édition bilingue qui permet de confondre les textes et d'en saisir toute la tessiture et la forme.
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