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Critique de JustAWord


Bien connu des lecteurs des regrettées éditions Ad Astra avec son fameux cycle du Lanmeur, le français Christian Léourier navigue sans cesse entre les genres.
C'est ainsi qu'il publie en ce début d'année un texte de science-fiction, Helstrid aux éditions du Bélial', et le premier tome d'un diptyque de fantasy aux éditions Critic : le Lyre et le Glaive. Sous une magnifique couverture signé Jean-Baptiste Hostache et trahissant déjà les orientations asiatiques de son univers, le Diseur de mots nous entraîne dans un monde où les noms sont doubles et où les Dieux s'écroulent.
Bienvenue dans le Solkstrand du hartl Skilf Oluf'ar.

Des dieux fragiles
Tout commence sur un pont meurtri par la glace charriée par le Stor, l'un des grands fleuves bordant le Solkstrand. Alors que Waard, le gardien du pont et fidèle serviteur du Dieu Gangyr s'inquiète du prochain effondrement de l'ouvrage, il est confronté à un mystérieux individu qui affirme lui aussi que le pont va bientôt céder. Lorsque l'inévitable arrive, Waard, connu sous le nom public de Pieux-Servant, se retrouve traîné devant la justice implacable du hartl (comprendre seigneur) du Solkstrand pour expliquer la catastrophe. Il révèle alors que l'homme responsable n'est autre qu'un Diseur de mots coupable d'avoir lancé une malédiction au lieu de s'acquitter du droit de passage. Skilf offre dès lors une récompense pour qui lui ramènera Kelt, cette Bouche D'Or qui pourrait bien lui être fort utile face à la montée des tensions avec son voisin du Heldmark, le hartl Slegur.
Christian Léourier installe lentement un univers régit par le rapport aux Dieux et à la vérité. Divisé en royaumes et en commanderie sous la coupe de hartl, le monde de la Lyre et le Glaive croule littéralement sous les innombrables Dieux honorés par ses habitants. Pour chapeauter ce Panthéon pléthorique se trouve deux êtres exceptionnels appelés l'Axe-Divin et qui sont sensés garantir l'équilibre du monde. Un équilibre qui s'apprête à vaciller.
Pour suivre les événements qui vont renverser la course de l'histoire, l'écrivain français introduit deux fils narratifs : celui de Kelt, le fameux Diseur de mots à qui l'on attribue tout un tas de pouvoirs fabuleux, et celui du hartl Skilf, vieux souverain rapiat préoccupé davantage par l'embellissement de sa cité que par les affrontements armés.
Au milieu, Christian Léourier dresse surtout le portrait d'une société en crise religieuse et identitaire devant l'arrivée d'une nouvelle religion, celle de l'Unique, qui menace d'enflammer la région et de réduire en cendres toutes les croyances traditionnelles. C'est d'ailleurs sur ce plan que ce premier tome s'avère le plus convaincant. Malgré un départ poussif et cliché (le héros et l'héroïne au destin extraordinaire…la prophétie…etc…), l'ouvrage parvient peu à peu à trouver son véritable souffle lorsqu'il s'intéresse à la fragilité des choses qui entourent Kelt, des souverains aux royaumes en passant par les dieux eux-mêmes. Réflexion sur le changement perpétuel et sur la montée de l'intolérance, le roman devient passionnant lorsqu'il joue au jeu des trônes et qu'il s'attaque à la mélancolie d'un Kelt incapable de faire le deuil de son amour passé.

La vérité comme arme
Bien au-delà de la guerre que se livre les deux hartls, c'est le paradoxe entre les pouvoirs de Kelt et son scepticisme qui font le charme de cette épopée. Car malgré sa confrontation à des puissances bien au-delà des hommes, Kelt persiste à ne croire qu'en une chose : le pouvoir des mots. Christian Léourier ne dresse pas ici le portrait d'un sorcier ou d'un guerrier mais bien celui d'un orateur qui peut changer le monde avec des phrases à la vérité acérée, capables de faire plier le monde et le temps à ses paroles. Ou du moins le croit-il dur comme fer. Dans un royaume où l'on porte deux noms, l'un public et l'un privé, la vérité devient une arme tangible et convoitée.
C'est d'ailleurs cette vérité de l'être que recherche l'écrivain français lorsqu'il dépeint ses personnages tragiquement humains avec leur médiocrité et leurs faiblesses mais aussi la grandeur inattendue lors de situations désespérées. S'il faut attendre bien longtemps pour trouver un intérêt véritable à Hoggni et à Varka, les derniers chapitres les font sortir du banal pour révéler leur vrai potentiel. Une façon comme une autre de donner envie au lecteur de continuer le voyage dans le second tome.
Car si La Lyre et le Glaive finit par convaincre l'amateur de fantasy, il ennuie un tantinet dans ses premiers chapitres où il adopte une structure assez lâche et une aventure qui semble un temps ne pas savoir où aller. Mais lorsque Christian Léourier fait sonner le tocsin de la guerre, les pièces se mettent en place et l'on est captivé par les machinations politiques et les moments épiques de son récit. Si l'on déplore un style moins travaillé qu'un Patrick K. Dewdney ou un Jean-Philippe Jaworski, ce premier volume parvient tout de même à emporter l'adhésion grâce à son écriture fluide et entraînante.
Une qualité qui lui permet non seulement de maintenir constamment l'attention du lecteur au plus haut mais également de mieux plonger dans les subtilités de son monde qui se révèle petit à petit. En faisant mystères pendant longtemps des rouages de son univers, Christian Léourier entretient son suspense et offre au final une aventure qui vaut le détour.

Témoin de l'avènement du monothéisme face aux vieilles croyances polythéistes, réflexion sur le changement perpétuel et inéluctable du monde qui nous entoure, La Lyre et le Glaive offre une belle aventure au lecteur de fantasy dans un pays envoûtant où les dieux meurent comme les hommes, qu'ils soient fragiles ou tenaces. Rendez-vous en 2020 pour découvrir la suite et fin des aventures de Varka et Kelt.
Lien : https://justaword.fr/la-lyre..
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