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Critique de BazaR


Le cycle de Lanmeur prend son origine dans la volonté de la planète du même nom de regrouper les humanités éparpillées dans l'univers dans un grand Rassemblement, une seule et unique civilisation universelle. A cette fin, elle envoie des éclaireurs préparer le terrain, les contacteurs. C'est l'occasion pour l'auteur de nous dépeindre des civilisations humaines originales et variées. le présent livre contient les trois premiers romans du cycle, trois planètes : « Ti-Harnog » et sa société de castes non poreuses où l'on naît fille et se métamorphose en homme à mi-chemin de sa vie, Nedim à l'orbite excentrique où hiver et été durent des décennies et régissent les croyances des autochtones (« l'Homme qui tua l'hiver »), et la planète du Vieux Saumon, monde né de l'amour du Ciel et de l'Eau où les hommes vivent sur et par les fleuves (« Mille fois mille fleuve »). En sus le livre contient plusieurs poèmes et chansons du monde de Ti-Harnog qui étaient restés inédits.
J'ai chroniqué en détail ces romans et leurs civilisations dans leurs pages respectives. Ici je veux m'attacher un peu à Lanmeur.

Lanmeur est en fait très peu évoqué dans cette première intégrale. On la devine. On s'en fait un portrait imparfait, un portrait en ombres chinoises. Lanmeur a un rêve superbe: rassembler les humanités dispersées, fragiles; et elle se donne les moyens de le réaliser. On imagine avec vertige l'ampleur économique, humaine et matérielle du projet ; il englobe forcément l'activité de chacun sur des millénaires. Car il s'agit d'envoyer dans toutes les directions de l'espace des vaisseaux d'exploration, des commerçants, puis des colonies, qui mettront des décennies rien que pour le voyage aller. L'auteur a en effet pris le parti de se soumettre à la Relativité Restreinte et la technologie de Lanmeur ne permet pas d'atteindre une vitesse suffisamment proche de la lumière pour que les effets de « contraction du temps dans le référentiel du vaisseau » soient perceptibles (comme c'est le cas dans les romans d'Ender par exemple). Il leur faut donc employer l'hibernation pour maintenir les voyageurs en vie pendant le long voyage. Des décennies entre chaque contact ; les Lanmeuriens espèrent-ils vraiment établir un quelconque lien rassembleur qui ne génèrera pas ses propres dérives de civilisations ? Gageure ! Mais les Lanmeuriens y vont !

Au deuxième regard, on s'aperçoit que les motivations des Lanmeuriens sont plus tristement prosaïques. Derrière le Rassemblement on sent vite poindre la colonisation, la volonté d'établir sa suprématie. Les Lanmeuriens méprisent pour la plupart les civilisations qu'ils explorent. Ils sont là pour apporter le progrès, pour guider, fermement si besoin. Ils sont là pour piller les trésors de ces régions éloignées. Ils sont là pour se tailler de nouveaux domaines. Ils rappellent vraiment l'expansion européenne que notre monde a connue. A une grosse différence près cependant : Lanmeur n'apporte aucune religion, aucun prosélytisme. Ce sont des technocrates athées et des marchands (pour la plupart) qui rappellent plutôt la structure étatique chinoise.

La confrontation de ce monstre attirant et inquiétant avec des civilisations riches, exotiques, portées à la religion et à la superstition, fait des étincelles et allume des feux que nous conte Christian Léourier dans une langue poétique, utilisant un vocabulaire riche qui m'a souvent obligé à ouvrir le dictionnaire (antienne, contempteur, squamifère, coprophore, etc. ce dernier mot n'est même pas dans le dico). Ce ne sont pas des romans d'action, épiques et batailleurs. Ce ne sont pas des romans de hard-science. Ils sont… comment dit-on, des romans d'atmosphères, d'ethnologie, de découverte de l'autre.

Je n'en reviens d'être passé à côté de ces romans dans ma jeunesse. Il est vrai qu'à l'époque mes tentatives de lecture de SF française ont été des déceptions. Caché au milieu de la « nouvelle vague » verbeuse et pessimiste se trouvait donc un conteur extraordinaire à la hauteur de Jack Vance. Je suis vraiment content de le découvrir, même si tard.

Vivement la suite !
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