Des générations d’enfants, et des décennies d’hivers n’ont pas eu raison du manteau. Il ne s’use pas, sa couleur reste toujours aussi vive. Les poches sont pleines d’une mousse floconneuse comme si l’hiver y avait élu domicile en permanence. L’étoffe crisse au moindre mouvement. Et si on y touche, même en plein été, on est surpris. Le tissu est glacé.
[…] On la regarde avec méfiance ; elle sait que certains la surnomment « la sorcière ». La plupart l’appellent l’Indienne. Elle répond à ce nom sans rechigner. Elle préfère cela à ce qu’on utilise son prénom, qui appartient à une intimité à laquelle elle a renoncé. Pour ces hommes durs, fatigués, grossiers, tristes, elle est l’Indienne, la cook, la bizarre qui parle trois langues et qui a toujours le nez fourré partout. Car la curiosité d’Alma s’est enflammée sur le chantier. Autant les tâches de la ferme l’ennuyaient, autant le travail sur le chemin de fer la passionne, et elle s’efforce d’en comprendre tous les aspects. Sur le terrain, elle suit les arpenteurs-géomètres qui déterminent le tracé des rails.