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Critique de Syl


1918, Montgomery, Alabama,

De fringants jeunes hommes venus de tout horizon sont cantonnés à Montgomery dans l'attente de rallier l'Europe. Pour taire leur anxiété, cacher leur peur, oublier l'étau, ils se perdent dans des bals, une insouciance factice, une euphorie pleine de fougue et paradent devant les Belles.

Zelda Sayre a dix-huit ans. Fille de l'aristocratie du sud, d'un père juge de la Cour Suprême, petite-fille et nièce de sénateurs, elle n'a le droit de se rendre qu'au Country Club. Là-bas, elle y fait la connaissance du lieutenant Fitzgerald. Il a vingt-un ans, a fait ses classes à Princeton, a une prestance charismatique, danse divinement, écrit… il est la figure du héros romantique.

"Il est petit, oui, mais ce défaut de quelques centimètres est compensé par une taille fine que la veste cintrée de l'uniforme souligne, par un front haut et un je-ne-sais-quoi (l'assurance d'être quelqu'un, la foi en soi, le sentiment qu'un destin sans pareil vous appelle), par une allure folle, en fait, qui l'exhausse d'une tête. Les femmes en sont babas et les hommes aussi. Il faudra que je réfléchisse un jour à cette singularité : aucun de ses frères d'armes ne le jalouse ni n'en prend ombrage. Non, c'est comme si les autres hommes acceptaient sa séduction et l'encourageaient…
Autant il me trouble, autant il m'irrite ! Divorce de ton rêve. Tout de suite."

Chaque jour apporte une frénésie de plaisirs et d'exubérance ; la fantaisie que Zelda aspire. Elle a l'optimisme de la jeunesse, la légèreté et l'impudence qui outragent son époque et sa petite ville, Fitzgerald lui apprend à danser le turkey trot et la séduit avec sa délicatesse et ses mots de romancier. Elle se projette à New York, femme d'un grand écrivain célébré, adulé.
Lorsque l'armistice est signé, que les soldats sont démobilisés, elle pressent la fin de leur histoire. Avec lucidité, elle lui offre une flasque en argent où elle fait graver "Ne m'oublie pas." Il part à New-York.

1919, Montgomery est désert, sans moelle. Zelda correspond avec son Goofo, Scott. Leurs lettres se font tour à tour aimantes, piquantes, tièdes et caustiques. Elle le rudoie, le snobe, le charme, lui jure foi et admiration. Elle pense que la jeune naïve d'Alabama ne pourrait se comparer aux étoiles new-yorkaises. Chez elle, elle est reine, héritière d'un passé et de révérences. Ses parents souhaitent qu'elle épouse un garçon de leur milieu, mais elle ne pense qu'à son yankee. Elle essaie de s'abrutir, elle sort, festoie, ne peut l'oublier et rêve de liberté.
Un jour, elle reçoit par la poste un petit paquet dans lequel Scott lui offre une bague, symbole qu'elle s'empresse d'accepter. Il vient la chercher. La famille de Zelda boude le mariage, ignore Scott et renie cette mésalliance. A la cathédrale de Saint-Patrick, Zelda se mariera sans elle.

1920, Dès la première année de leur mariage, l'ennui s'installe, ils se sont fatigués l'un de l'autre. Leur nuit de noces avait sombré dans la torpeur de l'alcool, ils avaient été renvoyés de leur hôtel. Etait-ce un présage ? "L'idole et l'Idéale" se dégradent.
A Westport, Zelda pense que la maison est faite pour le bonheur. Elle le recherche, elle l'attend. Scott est reconnu, il publie, il est aimé, ils font la fête, ils sont des icônes… et partent pour la France. Ils vivent royalement, avec excès et sans sobriété. Il écrit, il boit, il ne la touche plus.

1924, sur la Riviera, à Fréjus, Zelda rencontre un jeune aviateur Jozan. Il est superbe et elle en tombe follement amoureuse. Durant un mois, elle est belle d'aimer. Les gens se retourne sur son passage, la dévisage, boivent sa luminosité et elle croit qu'ils la reniflent, qu'ils sentent son impudeur, son adultère, ses abandons charnels. Elle est simplement voluptueuse dans sa passion et irrésistible. Jozan est l'homme qu'elle veut, celui qui sait l'émouvoir.
Scott ivre de jalousie, de honte, de faiblesse, ne le supporte pas. La voir heureuse et épanouie d'un autre, exacerbe sa violence qu'il assouvit ardemment.

1925, Zelda écrit et les périodes relatées se confondent. Des années 1920, on passe à celles de 1940. Scott la punit en la séparant de leur fille et en l'exilant dans une clinique en Suisse. Il la déserte, épave tremblante et haineuse. Les blouses blanches disent qu'elle est schizophrène. Les traitements l'abrutissent, mais elle se rappelle avant. Avant, elle profitait pleinement sur la côte Estérel, sur les plages camarguaises, dans les eaux enflammées, entre les ailes protectrices de son pilote français. Elle se souvient et les images sont des baumes. Alors, elle se met à écrire et à peindre. Elle va retrouver son amour sur des toiles. Elle exulte de pouvoir jeter toutes ses pensées obsédantes qui la font mourir. Elle reconnaît dans ses traits et ses mots, l'odeur, la force et la chaleur de son amant.
Mais trahison suprême, Scott lui vole son travail. Il est comme un microbe qui lui grignote sa vie…

La Belle du Sud se raconte, jusqu'à son retour à Montgomery, jusqu'à la mort du "prince désarmant", jusqu'à ses quarante-sept ans.

Gilles Leroy a eu avec cette biographie romancée le prix Goncourt.

Il s'est faufilé dans l'esprit de Zelda pour nous rendre une version de ce couple mythique. Ils se sont aimés, ils se sont détruits. La haine flirtait avec l'admiration et l'amour connut des mutations ; passion, souffrance, déchirement, dégoût, compassion, fraternité, mais jamais d'indifférence. Zelda et Scott étaient des enfants précoces, ils ont dévoré leur vie très rapidement.
Fitzgerald a connu le succès avec son premier roman "L'envers du Paradis" et a embarquée Zelda pour l'Europe, avec leur fille née en 1921. Ils ont été les acteurs d'une "génération perdue", avides, gourmands, jouisseurs, où l'alcool fut la plus exigeante des maîtresses, bien plus que l'écriture, détruisant leur couple et reléguant Zelda dans une folie imposée. Dans ses divagations, ses démences, Zelda devient artiste. Elle écrit, elle peint, elle avoue et dérange Scott qui s'accapare ses rédactions et veut la brider. Rien de mieux que des électrochocs pour la ligoter.
L'auteur explique à la fin de son roman qu'il est difficile, voire impossible, de vivre avec un écrivain. L'un des deux jalouse l'autre…
"(…) je songe à celui qui m'aimait si mal.
J'avais vingt ans (…) pour me décourager d'écrire, peut-être, ou pour que la fusion fût parfaite, il me faisait lire ses auteurs préférés, William Faulkner, puis Carson MacCullers, "des monuments, disait-il, des génies absolus", sans comprendre qu'il me faisait rencontrer là deux oeuvres définitives dans ma vie d'homme, et je songeais, moi : Deux aînés, deux repères, deux êtres à qui ressembler, deux oeuvres qui, loin de m'écraser, me donnaient des ailes nouvelles et, par une étrange ironie, exaltaient mon désir d'écrire au lieu de l'éteindre.
C'est lui encore qui, par une nuit d'étoiles, sur le pont d'un ferry en route vers Capri, me confia son admiration pour un couple hors norme, les Fitzgerald. Mais, si brillant qu'il fût, l'homme jaloux ne comprenait pas cette évidence : l'histoire de Scott et Zelda était là pour l'édifier, lui, pour lui souffler que nul ne maîtrise les tempéraments – pas plus que les orages, le vent ou la foudre : personne, ni les psychiatres ni les climatologues. Encore moins les amants ombrageux."

J'ai aimé cette lecture, une histoire, ses personnages, la composition des mots, la poésie, l'époque de l'entre deux guerres. J'ai aimé m'attarder entre quelques pages, faire des recherches et m'immerger dans cette Amérique romantique, folle et dépressive, en quête d'affranchissement.

Un superbe roman qui j'espère vous plaira.
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