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Citations sur Pour mourir, le monde (17)

On ne meurt vraiment que lorsque plus personne ne prononce votre nom.
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Un mois encore et ils rejoignaient l'Inde. Fernando sentit Goa bien avant de la voir. Il prenait son quart de garde sur le pont. Les voiles blanches tendues se confondaient avec un ciel que les nuages passant devant la lune rendaient laiteux. C'était une de ces nuits grises où le vent porte la promesse d'une pluie qui se fait attendre, où la houle écume sans se faire trop violente. En émergeant de l'écoutille, Fernando pris sa respiration pour se gorger du vent salé. Mais c'est une odeur, mélange de terre chaude détrempée par l'averse et d'humus, qui l'assaillit. Le sel était là, mais il se mêlait à une senteur de sous-bois. Après la chaleur de Ngazidja et la sécheresse de Mombasa, il eu la sensation de le mâcher et il s'en reput.
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Le scorbut en avait déjà emporté plusieurs dizaines et nombre de ceux-là étaient morts dans un meilleur état que Gonçalo Peres. Ses yeux étaient vitreux, sa bouche un puits puant, ses jambes enflées et constellées d'ulcères qui, au jour, donnaient à voir une fascinante palette de couleurs déclinant toutes les nuances, du rouge le plus clair au noir le plus sombre en passant par quelques bleus écœurants et des verts qui lui rappelaient les déjections de canards dans une basse-cour. N'importe quel humain conscient de sa condition de mortel se serait étendu une bonne fois pour toutes sur sa paillasse en attendant la mort. Mais pas Gonçalo Peres, déjà mort mais toujours vivant lorsqu'il s'agissait de dépouiller ses camarades au jeu ou d'essayer de sodomiser un mousse dans un recoin de l'entrepont. Tout cela parce qu'il était tout simplement incapable de se rendre compte de ce qu'il n'était plus qu'un corps rongé par la maladie. Ce n'était pas une pulsion de vie, un réflexe de lutte, qui le tenait debout, mais seulement l'habitude.
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Le courant l'aspire sous l'écume. Il s'agrippe comme il peut au ballot de coton auquel il s'est accroché après avoir sauté du navire échoué dont les flancs immenses geignaient sous les coups de la tempête. Ils craquent et se brisent à présent, loin derrière. Les vagues se succèdent. Elles saisissent ses jambes et l'entrainent vers le fond. Elles le tirent vers le large et, lorsque de nouvelles lames éclatent, elles écrasent son dos, maintiennent sa tête sous l'eau froide. Puis elles le recrachent vers l'avant. Son corps lui fait l'effet de n'être qu'une poussière sans consistance, puis le ressac lui fait à nouveau éprouver toute sa masse et celle de ses vêtements, gangue lourde et glacée. Il n'est plus alors qu'un poids mort que seule une balle de coton en train de se déliter permet de maintenir à flot, le temps d'aspirer quelques goulées d'air.
(Incipit)
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-On peut entrer ?
-Non.
-Et que fais-tu de l'hospitalité ?
Hélène hausse un sourcil.
-L'hospitalité ? Ici, elle est payante. Tu n'es pas au courant ? Et je prépare des philtres.
La Vive se tait. Il semble réfléchir, mais Hélène doute de sa capacité à produire un tel effort. En fait, il ne sait simplement plus quoi dire. C'est un autre qui prend le relais.
-Oh, la sorcière ! Tu as vu quelqu'un ? Un homme ?
-Il y a bien longtemps que je n'en ai pas vu. Mais je ne désespère pas.
(p.337)
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Dans un coin, certains jouaient malgré les réprobations des jésuites et dominicains qu’on logeait avec eux. Depuis le départ, les frères tentaient avec opiniâtreté de donner un peu de religion à cette assemblée, dans laquelle se mêlaient véritables gens de guerre, paysans enrôlés de force et criminels qui avaient préféré embarquer pour les Indes plutôt que de goûter aux prisons portugaises ou à l'échafaud. Mais ici, dans la pénombre de cet entrepont, il fallait bien se rendre à l'évidence : l'œil de Dieu lui-même n'aurait pu percer une atmosphère aussi épaisse, un air si vicié qu'on avait l'impression de respirer à travers une toile de jute humide. C'est en tout cas ce que se disait Simão Couto qui, au moment de lancer les dés sur le sol, se demandait par ailleurs si échapper ainsi à la surveillance étroite de son Créateur était une bonne ou une mauvaise chose. Lorsque les trois cubes d'os finirent de rouler, le silence se fit quelques instants, le temps pour chacun des joueurs de plisser les paupières et d'approcher la tête pour mieux discerner le score dans la semi-obscurité. Et Gonçalo Peres partit d'un grand rire tandis que les épaules de Simão s'affaissaient. Un peu à l'écart, Fernando Teixeira capta le regard de son ami et haussa les siennes. Une manière de lui signifier son impuissance face à cette perte. Il s'agissait d'une poule. Une poule grise au plumage mité qui caquetait faiblement dans la cage sur laquelle Peres venait de poser la main ; il exhibait un sourire édenté et des gencives enflées et noircies par le scorbut.
(P.18-19)
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Elle pensa à Vincente de Brito dont elle allait trahir la confiance. Et elle pensa à elle. Nul ne saurait plus lui dire que faire après cela. En volant ces joyaux, elle affirmait sa rupture avec un monde qu'elle méprisait autant qu'il la dédaignait. Tous ceux qui, depuis des années, avaient fait d'elle cette élégante mais négligeable poupée au service de gens qui auraient dû être ses pairs si le destin n'avait pas fait obstacle au chemin qui lui était tracé, sauraient dès lors qu'elle était autre chose. Et que cette autre chose était plus dangereuse qu'ils ne le pensaient et bien plus libre qu’ils ne l’étaient eux-mêmes, pièces d'échec dont les déplacements étaient limités par des règles immuables, arbitraires et stupides. Ils l'avaient dégradée. Ils en avaient fait un pion. Elle était en fait une reine. Elle irait où elle voudrait. Et même au-delà des cases de l'échiquier. Et elle n'attendrait certainement pas son tour pour jouer.
(p.261)
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Ils avaient voulu voir le monde. Elle espérait que pour quelques instants au moins le voyage avait été beau.
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Fernando sentit Goa bien avant de la voir. Il prenait son quart de garde sur le pont. Les voiles blanches tendues se confondaient avec un ciel que les nuages passant devant la lune rendaient laiteux. C'était une de ces nuits grises où le vent porte la promesse d'une pluie qui se fait attendre, où la houle écume sans se faire trop violente. En émergeant de l'écoutille, Fernando prit sa respiration pour se gorger du vent salé. mais c'est une odeur, mélange de terre chaude détrempée par l'averse et d'humus, qui l'assaillit. Le sel était là, mais il se mêlait à une senteur de sous-bois.
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SYNOPSIS: 3 destins se croisent sur la route des Indes au 17eme siècle, avec en fond, des batailles maritimes entre les espagnols, les portugais et les hollandais.
CE LIVRE EST ECRIT PAR UN HISTORIEN, et non par un romancier. Les détails sont minutieux et fouillés, mais le récit manque de rythme, les personnages de profondeur. Rien ne nous est épargné : scorbut, massacre, pillage...sauf que ce n'est pas suffisant pour tenir en haleine le lecteur. 3/5

Yan. Les poux
Pour mourir le monde
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