AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782382460924
432 pages
Agullo (24/08/2023)
3.84/5   166 notes
Résumé :
Quand les empires sombrent, quand les sociétés se délitent, des brèches se créent qui permettent de s'immiscer dans les interstices de l'Histoire.
1627, sur la route des Indes, dans la fureur d'une ville assiégée, dans le dédale des marais et des dunes battues par le vent, l'aventure est en marche et trois héros ordinaires verront leur destins réunis par une tempête dantesque...
Il y a Marie sur la côte landaise. Pour échapper aux autorités qui la rech... >Voir plus
Que lire après Pour mourir, le mondeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (55) Voir plus Ajouter une critique
3,84

sur 166 notes
5
24 avis
4
12 avis
3
14 avis
2
3 avis
1
0 avis
°°° Rentrée littéraire 2023 #6 °°°

Janvier 1627, suite à une tempête dantesque, les sept navires d'une armada portugaise coulèrent au large des côtes du Médoc, dont deux caraques revenant des Indes chargées de toutes les richesses de l'Orient : le plus terrible naufrage de l'histoire de la marine portugaise. Yan Lespoux est parti de ce fait historique présenté en ouverture pour construire un formidable récit fictionnel qui ravira les amateurs de romans d'aventures et d'épopées maritimes.

Le lecteur est embarqué sur les pas de trois personnages enthousiasmants qui emportent immédiatement l'adhésion : Fernando, jeune homme pauvre de l'Alentejo enrôlé de force à quinze ans dans l'armée portugaise pour renforcer ses garnisons de Goa ou d'autres comptoirs coloniaux indiens ; Marie, fille des landes et des dunes battus par le vent, obligée de se cacher dans une communauté de résiniers et de costejaires, pilleurs d'épaves qui arpentent les côtes du Médoc à la recherche de biens échoués ; et Diogo, qui assiste à la chute de São Salvador da Bahia prise par les Hollandais aux Portugais en 1624, puis entre en résistance.

Leur point commun : ils sont très jeunes et décidés à vivre une autre vie que celle qui leur était dévolue, décidés d'échapper à un destin trop étriqué pour aller au-delà des cases de l'échiquier sans attendre leur tour pour jouer er déjouer la fatalité poisseuse qui devait les enchainer.

« Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. Pour naître le Portugal ; pour mourir, le Monde. » L'impeccable titre illustre parfaitement leur état d'esprit, extrait d'une citation d'un certain Antonio Vieira, prêtre jésuite, écrivain et prédicateur du XVIIème siècle.

Yan Lespoux est un historien-écrivain. Il déploie avec maestria tout l'arrière-plan historique, remarquablement reconstitué, prenant le temps de développer de longues descriptions qui donnent à voir, sentir, ressentir tous les lieux visités, du Portugal au Brésil en passant par les Indes, des villages miteux des costejaires avec leur auberge repaire jusqu'au palais du sultan de Bijapur ou les cales des galions et caraques portugais. L'immersion est totale, dépaysante en diable, avec un sens de l'action très excitant, notamment lorsqu'il s'agit de décrire le tourbillon des batailles navales que se livrent Anglais, Portugais et Hollandais.

Il y a donc beaucoup de personnages, beaucoup de décors, beaucoup de péripéties, répartis sur les trois arcs narratifs consacrés respectivement aux trois principaux protagonistes. C'est extrêmement dense et pourtant jamais on ne se perd tant l'auteur sait où il va, jusqu'à un croisement des destins en mode feu d'artifices dans les cinquante dernières pages. On savoure d'autant plus qu'on est porté par une écriture de grande qualité, ample, déliée, classique mais avec des accents modernes pour accompagner des personnages du XVIIème siècle aux caractéristiques très contemporaines.

Un régal de roman d'aventures qui porte haut le souffle romanesque allié à la rigueur historique. Epoustouflant !

Commenter  J’apprécie          13534
Instructif, immersif et palpitant ! Pour les vrais amateurs de récits maritimes, les amoureux de récits d'aventure et les passionnés d'histoire !

Titre énigmatique que celui choisit par Yan Lespoux, historien universitaire spécialisé dans la civilisation occitane, et auteur du très réussi recueil « Presqu'îles », bouquet de nouvelles ancrées dans son Médoc natal. Il s'agit là de son premier roman dans lequel il met ses connaissances historiques au service d'une épopée passionnante dans laquelle il évite avec brio l'écueil du récit savant et linéaire et se révèle être, au contraire, un conteur hors pair, entrecoupant son récit de boucles narratives, baladant son lecteur d'une période à une autre, d'un endroit à un autre, d'un personnage à un autre.
Soulignons-le aussi, la couverture choisie par l'éditeur Agullo, est sublime avec cette carte maritime médiévale turquoise, elle donne le ton de cette épopée maritime grandiose. A noter que sous la jaquette, le livre comporte des gravures rouge sang retraçant la conquête du Brésil par la flotte portugaise. La forme épouse ainsi le fond de ce beau livre. On se régale déjà rien qu'en regardant l'objet, on se régale ensuite en plongeant dedans.

Pour comprendre ce titre pas évident à retenir, avec cette virgule en plein milieu telle une cicatrice incongrue au milieu d'un visage, il faut le resituer de l'extrait dont il est issu, à savoir des vers d'Antonio Vieira, poète du 17ème siècle, cité dans le livre Luis Felipe Thomaz, « l'expansion portugaise dans le monde », publié aux fameuses éditions Chadeigne, spécialisées dans la littérature lusophone. Ce livre comporte les mémoires de capitaines portugais rescapés et Yan Lespoux s'est appuyé, entre autres, sur ses mémoires pour rendre crédible et authentique son roman.

« Naitre petit et mourir grand est l'accomplissement d'un homme ;
C'est pourquoi Dieu a donné si peu de terre pour sa naissance
Et tant pour sa sépulture.
Un lopin de terre pour naitre ; la Terre entière pour mourir.
Pour naitre, le Portugal ; pour mourir, le Monde. »

Il me semble que ce poème résume à lui seul le livre. le titre, nous le comprenons alors, est superbement choisi. le coeur du récit porte en effet sur la conquête de territoires au 17ème siècle menée par les pays européens, notamment et surtout par les Portugais, mais aussi, plus indirectement, par les Espagnols et les Hollandais. Nous vivons les périls encourus en mer par la flotte portugaise, via ses bateaux de guerre et de commerce, assistons au pillage de ces terres lointaines. L'auteur nous donne en effet à vivre quelques-unes des traversées maritimes les plus mythiques et les naufrages les plus dramatiques de l'histoire portugaise.

L'histoire se concentre sur trois lieux, trois groupes de personnages aux destins entrelacés qui vont finir par se rejoindre.
Il y tout d'abord la belle Marie, au caractère bien trempé, féministe avant l'heure et qui ne se laisse pas faire ; une vielle sorcière généreuse et un tavernier peu scrupuleux sont là pour veiller sur elle dans les marais de Gascogne dans lesquels elle se cache suite à une mésaventure à Bordeaux. Les descriptions de cette région, région natale de l'auteur, sont sublimes, d'une poésie remarquable.

Nous avons ensuite Fernando et Simão, marins de base, se retrouvant un peu à leur insu sur ces immenses galions, n'ayant pas vraiment d'avenir dans la Lisbonne de l'époque. On les suit au Canal du Mozambique en passant par Bijapur et les comptoirs de Goa. Deux véritables amis courageux, audacieux, téméraires, à qui il va arriver tout un tas d'aventures. le livre démarre de façon tonitruante d'ailleurs avec Fernando, nous assistons à sa quasi noyade après que son bateau ait échoué sur les côtes du Médoc, scène forte qui donne le ton du livre, le lecteur est immédiatement happé.

Par ailleurs nous sommes aux côtés du véritable Manuel de Meneses, chargé d'escorter jusqu'aux côtes portugaises l'immense bateau São Bartolomeu qui rentre au Portugal les cales gorgées de trésors, des merveilles des comptoirs indiens, à savoir épices, étoffes et quelques diamants, marchandises très convoitées. Homme fier, taciturne et froid, violent parfois aussi comme il a pu l'être avec Fernando dont nous venons de parler précédemment, il va se révéler être plus sensible qu'il ne parait, amateur notamment de poésies. Il voyage avec deux garçons, sorte de gardes du corps qui lui ont sauvé la vie au Brésil durant l'affrontement pour la conquête de Bahia, entre l'armada portugaise et l'armada espagnole d'une part (associées mais néanmoins toujours concurrentes) et les hollandais de l'autre. Ce binôme étonnant et attachant répond aux noms de Diogo et Ignacio, un orphelin d'un juif portugais converti par obligation et un indien tupinamba avec qui il a été élevé, deux frères désormais inséparables.

Des personnages bien campés, jamais caricaturaux, subtilement décrits, qui vont finir par se rencontrer. Nous comprenons dès le départ qu'il y aura convergence entre ces trois destins, et cela maintient le suspense, en plus de nous donner à découvrir ces faits historiques dans lesquels la religion est omniprésente permettant de tenir, malgré les multiples dangers, la violence, la maladie et la mort. Sylvain Coher le soulignait dans Nord-Nord-Ouest, « Il faut avoir navigué pour savoir prier », Yan Lespoux le souligne également ici « Si tu veux apprendre à prier, prends la mer ».

« Ils marchèrent ainsi trois jours, laissant dans leurs sillages les cadavres les plus faibles. Enterrés dans le sable lorsque c'était possible, abandonnés parfois à même la pierre volcanique qui leur brulait et coupait les pieds. Les nuits étaient pires que les jours. Les corps nus étaient enveloppés par un froid humide qui les pénétrait jusqu'aux os sans pour autant apaiser les brûlures du soleil sur leurs dos couverts de cloques no décoller les parois asséchés de leurs gorges ».

Ce roman est non seulement épique, rempli d'aventures incroyables qu'il nous semble vivre aux côtés des personnages tant la plume de l'auteur est cinématographique, multipliant traveling et plans fixes (la scène du tout début de quasi noyade par exemple est tout à fait stupéfiante) mais il est également terriblement sensoriel, il nous rend poisseux, nous étouffe, nous accable, nous fait mal, nous dégoute par moment même, à côtoyer ainsi les maladies, la pourriture, la moisissure, la sueur et la crasse.

« Plus bas encore, sous le tillac, là où étaient cantonnés les soldats qui avaient achevé leur quart de nuit, ça grouillait. de poux, de puces, de vers, d'insectes que personne n'aurait su identifier avec certitude. de rats aussi. Et d'hommes. Sur leurs paillasses en décomposition certains cherchaient un sommeil qui serait moite et les userait autant que leurs tours de garde. D'autres déliraient accablés par la chaleur que décuplait encore leur fièvre et que les rares filets d'air passant par les écoutilles ne parvenaient pas à réguler. On se poussait un peu, on essayait de trouver une position moins inconfortable, on veillait sur sa ration de biscuits et de cette eau qui avait depuis longtemps croupi dans les tonneaux embarqués à Lisbonne ».

Tout petit bémol en revanche à souligner et qui explique mon 4 étoiles : Les incessants allers-retours dans le temps qui parfois me donnaient le tournis, même si peu à peu tout s'éclaire. La construction finale se révèle être parfaite et magistrale mais combien de fois ai-je dû revenir en arrière, sur les chapitres précédents pour essayer de comprendre la chronologie des événements. Cet entrelacement de dates et de personnages rend le roman assez complexe. Heureusement la plume est magnifique et très immersive.


Si « Etraves » de Sylvain Coher constitue LE récit maritime original et décalé de la rentrée, celui de Yan Lespoux est LE récit d'aventure maritime par excellence, sans doute aux côtés du livre de non fiction « Les Naufragés du Wager » de David Grann que je n'ai pas encore eu la chance de lire.
Pour plonger dans les méandres de la route des Indes, sentir la puanteur des vieux gréements, vivre des naufrages et palpiter lors d'attaques aux boulets de canons, trembler face aux manières sordides de l'Inquisition, ou encore à celles des peuples autochtones pillés, humer la douceur exotique de Goa, s'embourber dans les marais des landes de Gascogne, voyagez du Brésil aux Indes, en passant par Lisbonne et les côtes du Médoc, plongez sans hésiter dans ce livre qui décoiffe !
Commenter  J’apprécie          9535
Jack Sparrow peut aller se rhabiller !
Ici pas d'aventure de pacotille ni de chaine en or qui brille …
L'aventure, la vraie, pour ceux à qui le dernier livre de David Grann, Les naufragés du Wager a fait de l'oeil, voire qui ont déjà embarqué à bord …
Roulis, tangage, mal de mer, tempêtes, corps passés par-dessus bord, amputations de membres, naufrage, boulets de canon, remugles divers et avariés, corps en décomposition, meurtres crapuleux, hardes puantes et crasseuses, diamants, pirates, honneur, tout est là, avec cette fois la dimension romanesque qui m'avait fait défaut dans le livre très documenté de David Grann.
L'imagination navigue au gré des vents et accoste en terres inconnues aux parfums épicés, poivrés, exotiques et enchanteurs. Cependant, la vie se révèle nettement moins facile dans le paysage de carte de postale, surtout pour des marins ou des soldats sans grade.
C'est un véritable tour du monde que nous propose Yan Lespoux : Médoc, Mozambique, Goa, São Salvador de Bahia, Bijapur, Cap Vert, Lisbonne, Cascais, La Corogne, …
Les personnages sont nombreux, mais Yan Lespoux tient bon la barre et je ne me suis jamais noyée dans la multitude de péripéties, de personnages, de lieux. Bien au contraire, j'ai vogué avec plaisir entre les 3 arcs narratifs m'emmenant à la rencontre ; des soldats et marins portugais Fernando Teixeira et son ami Simão, Marie la Gasconne, Diogo et son ami Tupinamba Ignacio arrachés à leur terre natale brésilienne pour se retrouver nommés gardes du corps du redoutable capitaine-mor dom Manuel de Meneses.
C'est d'ailleurs le récit de tempête de ce dernier, qui a fracassé un des plus gros bateaux de l'armada portugaise sur les côtes landaises qui a grandement inspiré l'auteur.
Malgré la longueur du récit, la plume fluide aide à faire tourner les pages à toute vitesse, dans le désir de découvrir le sort réservé à nos pauvres héros. Les descriptions vivantes permettent de reconstituer à merveille la bande-son, les images et les odeurs des différents décors, au Brésil, en Inde, dans les landes ou sur le pont des bateaux.
Du grand art qui m'a permis de sortir de ma zone de confort de lecture avec délectation. Me voilà prête pour embarque à bord du prochain Yan Lespoux ! (et je vous confie que je vois de loin la grande Dora l'exploratrice continuer à opiner du chef) …
Commenter  J’apprécie          6617
Je n'ai pas le pied marin.
Je viens de vivre une semaine terrible, chaque soir me replongeant en fond de cale, en compagnie des rats, de vermine immonde, de charognes en voie de décomposition.
Mes compagnons de routes: des ambitieux, des assassins, des massacreurs, des êtres ensauvagés (c'est à la mode), sans pitié, sans vergogne, sans empathie aucune.
Sous ma couette, j'ai embarqué sur une immense caraque partie de Lisbonne pour rejoindre Goa. le voyage a été interminable. Moiteur, odeurs pestilentielles, la mort au quotidien : scorbut, bagarres, hommes tombants des vigies ou des cordages comme des poires blettes, escarmouches..
Et pour mourir, le monde : la Grande Comores, le canal du Mozambique, Goa, Bijapur, Goa encore, le Cap Vert, les Açores, le golfe de Gascogne en 1627.

Dans la sueur de mes draps, j'ai été assiégé à São Salvador de Bahia, massacré par les mercenaires hollandais, entré en résistance avec les jésuites, les esclaves noirs et les autochtones. J'ai été brulé, décapité, écorché vif, torturé de mille façons. Alors j'ai tué encore et encore, je me suis libéré pour repartir vers le Portugal où des vents mauvais m'ont emporté vers le golfe de Gascogne.

J'ai erré sur la Lande infiniment froide, tombant dans les lèdes obscurs, m'enlisant dans les bedouses infâmes. J'ai parcouru l'estran avec les pilleurs d'épaves, les costejaires et les vagants. J'ai volé, massacré impitoyablement les survivants, les amputants, les décapitants…J'ai fait alliance avec des bergers dégénérés, des morts-vivants affamés de sang, couverts d'humeurs putrides, la hache toujours à portée de main.

J'ai survécu. Aux pirates malabars, aux tigres, aux troupes du Grand Moghol, aux exterminateurs de l'Adil Shani, au Saint-Office, aux mercenaires, aux résiniers, aux hommes de Louis, le pire des criminels landais.

Je suis Fernando et j'ai été enrôlé de force à quinze ans dans l'armées portugaises. Je suis tombé amoureux de Sandra dix ans plus tard et, pour elle, pour moi, j'ai traqué les diamants du vice-Roi.
Je suis Diogo, juif marrane, fils de commerçants de São Salvador, fuyant les hollandais en compagnie d'Ignacio, l'indien rebaptisé, toujours flanqué de son casse-tête qui en brisera plus d'une.
Je suis Marie la landaise, celle qui a été confiée à mon oncle Louis. Et dans les dunes battues par le vent, je cherche le chemin de ma destinée.

Ian Lespoux est un écrivain-historien. Il s'est largement inspiré d'un livre paru en 2000: « Le naufrage des Portugais sur les côtes de Saint-Jean-de-Luz et d'Arcachon »
J'ai donc été précipité chaque soir (la journée étant consacrée à mes obligations familiales, vacances scolaires obligent) dans un traité d'histoire de la marine portugaise au début du XVIIe siècle doublé d'un essai ethnoloqique sur les basco-landais de la même époque.
Où rien, absolument rien, ne nous est épargné. Les personnages des frères Cohen, deTarentino et même de Game of Thrones passeront pour des enfants de choeur à coté de ceux que vous croiserez dans ce très long récit.
Tristesse, famine, désespoir, maladie, viol, puanteur et mort violente sont les marqueurs de la plupart des destins de ces femmes et de ces hommes souvent brièvement croisés.
L'historien prend très nettement le pas sur l'écrivain et la personnalité des trois héros manque cruellement de profondeur. Ils supportent pourtant les trois arcs narratifs (qui, ce n'est un secret pour personne, vont se rejoindre) mais sont surtout le prétexte à d'interminables descriptions de navigation, de batailles navales, de naufrages à répétition.

Je ressors donc en nage mais essoré de ce grand récit qui ravira les amateurs du genre mais laissera sur le flanc les passionnés d'aventures romanesques et de belles histoires d'amour.
Je suis super-déçu…
Commenter  J’apprécie          4742
"Un lopin de terre pour naitre; la Terre entière pour mourir "...

et surtout l'océan, roi des tempêtes , véritable personnage de ce magnifique roman d'aventures qui nous transporte de 1623 à 1688 des côtes dangereuses du Golfe de Gascogne , aux ports de Lisbonne et de Goa, des landes malsaines du Médoc à la jungle brésilienne à travers l'histoire mouvementée de trois jeunes gens .

Fernando Teixera, 15 ans, portugais , alors qu'il fuit sa famille , se fait enrôler contre son gré comme soldat de l'Armée des Indes . La devise qui le représente le mieux est : "toujours au mauvais endroit au mauvais moment depuis qu'il est né " Il est accompagné de Simao qui veut écrire leur histoire et a un sempiternel petit sourire ironique .

Marie, une jeune fille née dans une famille pauvre du Médoc, doit fuir car elle a , pour se défendre , gravement blessé un fils de famille. Elle se réfugie chez son oncle Louis, un pilleur d'épaves et un assassin sans foi ni loi hors la sienne au milieu d'un campement de résiniers et de costejaires .

Diogo Silva, un habitant de Salvador de Bahia fuit après l'incendie de sa maison lors de l'invasion des hollandais et se réfugie dans la forêt où il fait la connaissance de l'indien Ignacio. Faits prisonniers , ils sont finalement embarqués à bord 'un navire portugais en partance vers l'Europe.

Leurs péripéties s'entrecroisent au milieu des luttes de pouvoir entre Espagne et Portugal , entre capitaines, gouverneurs et autres hommes puissants qui ne cherchent que gloire ou richesse , entre attaques des anglais ou des hollandais que ce soit en Europe, en Inde ou au Brésil avec comme constante la traversée des océans sur des navires qui se veulent de plus en plus gros à l'image de l'appétit de profits de cette route des Indes et au dépens de leur maniabilité et du bien-être de leurs occupants , les images des cales des bateaux sont terrifiantes !

Un entassement d'hommes, soldats, marins et marchands dont la vie tient à peu de choses au milieu des mers déchainées .

Yan Lespoux décrit avec un luxe de détails à la fois les batailles inégales entre les bateaux et les éléments maritimes furieux qui finissent généralement par le naufrage des navires , comme les palais luxueux de Bijapur , ou le camp misérable des résiniers landais .

C'est épique, vivant , avec une écriture précise, souvent magnifique malgré la dureté des descriptions .

Les aventures des jeunes héros , tous attachants, que le lecteur suit avec angoisse sont trépidantes , on ne s'ennuie pas même lors des longues pages sur les mers . On s'y croit presque ...

Si je devais donner un prix littéraire pour cette rentrée très riche en excellentes lectures, ce roman serait à coup sur dans le peloton de tête .

Je remercie Masse Critique et Agullo Éditions pour cette belle découverte avec une mention spéciale également pour la couverture très bien choisie !
Commenter  J’apprécie          4323


critiques presse (4)
LeMonde
07 novembre 2023
Yan Lespoux signe une fresque généreuse, palpitante, ­minutieusement documentée.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesEchos
03 octobre 2023
Dans « Pour mourir, le monde », l'historien-écrivain signe une épopée foisonnante en partie située dans son Médoc bien-aimé. Un premier roman audacieux et un grand récit d'aventures.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LeFigaro
28 septembre 2023
Yan Lespoux embarque littéralement le lecteur avec lui, on prend les vagues avec ses personnages, on étouffe, on cherche de l’air.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Marianne_
04 septembre 2023
Cette fresque sur un monde englouti bénéficie de la connaissance qu’a son auteur du roman noir moderne, des « astuces » stylistiques et narratives permettant d’éviter le cours d’histoire savant et trop linéaire.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Dans un coin, certains jouaient malgré les réprobations des jésuites et dominicains qu’on logeait avec eux. Depuis le départ, les frères tentaient avec opiniâtreté de donner un peu de religion à cette assemblée, dans laquelle se mêlaient véritables gens de guerre, paysans enrôlés de force et criminels qui avaient préféré embarquer pour les Indes plutôt que de goûter aux prisons portugaises ou à l'échafaud. Mais ici, dans la pénombre de cet entrepont, il fallait bien se rendre à l'évidence : l'œil de Dieu lui-même n'aurait pu percer une atmosphère aussi épaisse, un air si vicié qu'on avait l'impression de respirer à travers une toile de jute humide. C'est en tout cas ce que se disait Simão Couto qui, au moment de lancer les dés sur le sol, se demandait par ailleurs si échapper ainsi à la surveillance étroite de son Créateur était une bonne ou une mauvaise chose. Lorsque les trois cubes d'os finirent de rouler, le silence se fit quelques instants, le temps pour chacun des joueurs de plisser les paupières et d'approcher la tête pour mieux discerner le score dans la semi-obscurité. Et Gonçalo Peres partit d'un grand rire tandis que les épaules de Simão s'affaissaient. Un peu à l'écart, Fernando Teixeira capta le regard de son ami et haussa les siennes. Une manière de lui signifier son impuissance face à cette perte. Il s'agissait d'une poule. Une poule grise au plumage mité qui caquetait faiblement dans la cage sur laquelle Peres venait de poser la main ; il exhibait un sourire édenté et des gencives enflées et noircies par le scorbut.
(P.18-19)
Commenter  J’apprécie          220
Le scorbut en avait déjà emporté plusieurs dizaines et nombre de ceux-là étaient morts dans un meilleur état que Gonçalo Peres. Ses yeux étaient vitreux, sa bouche un puits puant, ses jambes enflées et constellées d'ulcères qui, au jour, donnaient à voir une fascinante palette de couleurs déclinant toutes les nuances, du rouge le plus clair au noir le plus sombre en passant par quelques bleus écœurants et des verts qui lui rappelaient les déjections de canards dans une basse-cour. N'importe quel humain conscient de sa condition de mortel se serait étendu une bonne fois pour toutes sur sa paillasse en attendant la mort. Mais pas Gonçalo Peres, déjà mort mais toujours vivant lorsqu'il s'agissait de dépouiller ses camarades au jeu ou d'essayer de sodomiser un mousse dans un recoin de l'entrepont. Tout cela parce qu'il était tout simplement incapable de se rendre compte de ce qu'il n'était plus qu'un corps rongé par la maladie. Ce n'était pas une pulsion de vie, un réflexe de lutte, qui le tenait debout, mais seulement l'habitude.
Commenter  J’apprécie          289
Un mois encore et ils rejoignaient l'Inde. Fernando sentit Goa bien avant de la voir. Il prenait son quart de garde sur le pont. Les voiles blanches tendues se confondaient avec un ciel que les nuages passant devant la lune rendaient laiteux. C'était une de ces nuits grises où le vent porte la promesse d'une pluie qui se fait attendre, où la houle écume sans se faire trop violente. En émergeant de l'écoutille, Fernando pris sa respiration pour se gorger du vent salé. Mais c'est une odeur, mélange de terre chaude détrempée par l'averse et d'humus, qui l'assaillit. Le sel était là, mais il se mêlait à une senteur de sous-bois. Après la chaleur de Ngazidja et la sécheresse de Mombasa, il eu la sensation de le mâcher et il s'en reput.
Commenter  J’apprécie          350
Le courant l'aspire sous l'écume. Il s'agrippe comme il peut au ballot de coton auquel il s'est accroché après avoir sauté du navire échoué dont les flancs immenses geignaient sous les coups de la tempête. Ils craquent et se brisent à présent, loin derrière. Les vagues se succèdent. Elles saisissent ses jambes et l'entrainent vers le fond. Elles le tirent vers le large et, lorsque de nouvelles lames éclatent, elles écrasent son dos, maintiennent sa tête sous l'eau froide. Puis elles le recrachent vers l'avant. Son corps lui fait l'effet de n'être qu'une poussière sans consistance, puis le ressac lui fait à nouveau éprouver toute sa masse et celle de ses vêtements, gangue lourde et glacée. Il n'est plus alors qu'un poids mort que seule une balle de coton en train de se déliter permet de maintenir à flot, le temps d'aspirer quelques goulées d'air.
(Incipit)
Commenter  J’apprécie          267
Elle pensa à Vincente de Brito dont elle allait trahir la confiance. Et elle pensa à elle. Nul ne saurait plus lui dire que faire après cela. En volant ces joyaux, elle affirmait sa rupture avec un monde qu'elle méprisait autant qu'il la dédaignait. Tous ceux qui, depuis des années, avaient fait d'elle cette élégante mais négligeable poupée au service de gens qui auraient dû être ses pairs si le destin n'avait pas fait obstacle au chemin qui lui était tracé, sauraient dès lors qu'elle était autre chose. Et que cette autre chose était plus dangereuse qu'ils ne le pensaient et bien plus libre qu’ils ne l’étaient eux-mêmes, pièces d'échec dont les déplacements étaient limités par des règles immuables, arbitraires et stupides. Ils l'avaient dégradée. Ils en avaient fait un pion. Elle était en fait une reine. Elle irait où elle voudrait. Et même au-delà des cases de l'échiquier. Et elle n'attendrait certainement pas son tour pour jouer.
(p.261)
Commenter  J’apprécie          200

Videos de Yan Lespoux (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yan Lespoux
Talents Cultura 2023 : Catégorie roman
autres livres classés : portugalVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Autres livres de Yan Lespoux (1) Voir plus

Lecteurs (572) Voir plus



Quiz Voir plus

Histoire et fiction dans 'Pour mourir, le monde'

Le premier voyage de Fernando Tixeiro débute le 5 avril 1616 à Lisbonne. L'expédition compte 3 navires et Fernando embarque sur le Säo Juliäo. Pour quelle destination ?

Bahia
Goa
Bijapur
Bordeaux

13 questions
5 lecteurs ont répondu
Thème : Pour mourir, le monde de Créer un quiz sur ce livre

{* *} .._..