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Critique de Laurence64


Un petit boulot dans une petite ville des Etats-Unis, du côté des grands lacs.
Du côté des grands lacs parce qu'une seule fois, Iain Levison livre un indice. le lac Michigan n'est pas loin. Je m'octroie donc le satisfecit de la lectrice attentive, apte à ne pas seulement relever les bourdes diverses qui entravent mes lectures (acronyme anachronique chez Gillian Flynn, poutre syntaxique chez Eric-Emmanuel Schmitt).
Après la minute de Monsieur Cyclopède, c'était la minute d'auto-encensement. D'autant que je n'ai pas souvenir d'avoir lu que l'action se passait dans le Wisconsin. Je compenserai prochainement avec une minute d'auto-dérision.

Une petite ville industrielle donc, comptant une industrie. Sans moutons, chevaux, plantes potagères qui nous feraient subodorer une quelconque activité agricole. Une petite ville industrielle qui serait un Détroit lilliputien, pareillement touchée par la crise. Une unique usine ferme ses portes et c'est son lot d'habitants-travailleurs qui tombe dans la précarité. Lorsque les lendemains consistent à attendre les allocations chômage, ils chantent moins.
A coup de crises économiques successives, le rêve américain ne séduit plus que les laissés-pour-compte du monde qui crèvent de faim ou les grands actionnaires qui hésitent sur la taille de la louche à caviar. Les laissés-pour-compte locaux décryptent mieux les discours lénifiants lorsque leurs cartes de crédit ne leur font plus crédit.

Jake Skowran perd son boulot, sa copine, sa jolie voiture, son abonnement au câble et conserve son intelligence et ses dettes auprès de son bookmaker. Lequel lui propose un job de tueur à gages.
Entre meurtres commandités dont la justification trouve sa source dans le salaire promis et meurtres nés du libre arbitre de l'ex-responsable d'un quai d'embarquement d'usine, Iain Levison épingle l'inhumanité d'un système économique qui broie sans un regard pour ses victimes.
A l'immoralité de l'apprenti tueur répond l'amoralité d'une société qui vire un employé de magasin pour facing inadapté (les chips Wenke sur l'étagère du haut!) et une blouse absente.
Face à l'immoralité de Jake soucieux de sauver ses fesses, Levinson raconte la falsification des statistiques policières.

Ici, la moralité fuit à chaque ponctuation du texte. Lequel enchaîne situations cocasses, fusil à baïonnette, Budweiser par pack de six, causticité. Ici, on se fiche comme d'une guigne de la crédibilité de certaines actions puisque la réalité dans ce qu'elle a de plus mordant baigne les deux cents pages de ce premier roman fort réussi.
Iain Levinson a le sens de la débâcle joyeuse, le talent de la lucidité échevelée et cynique. Il conduit son héros sur les rives d'un anarchisme qui se prendrait les pieds dans le tapis de la nécessité individuelle, tissé par un Groucho Marx à la sociopathie sélective.
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