Elle [Nancy] reprenait la classification de Ross – « U » pour Upper Class désignait tout ce qui était élégant, et « Non-U », tout ce qui ne l’était pas – mais elle en donnait une interprétation très personnelle. « C’est en silence […] qu’il faut supporter d’entendre de vagues relations vous appeler par votre prénom ou, ce qui est plus horrible encore, d’être présenté par vos nom et prénoms sans aucun préfixe. Cet usage inqualifiable se retrouve parfois dans les lettres (« Chère Nancy Mitford »), que je déchire silencieusement en morceaux. » Telle une guêpe joyeuse et déchaînée, Nancy piquait, piquait, piquait. Elle affirmait qu’il était « Non-U » d’envoyer son courrier par avion et de dire « dentier » pour « fausses dents ».
Adultère, divorce, mariage secret, fugue, tentative d’enlèvement, nazisme et rumeur de fiançailles avec Adolf Hitler, communisme et guerre d’Espagne… Si un romancier avait emprunté de tels ingrédients pour écrire une histoire, ne l’aurait-on pas accusé d’avoir la main lourde ? Et pourtant il ne s’agissait que d’un avant-goût de ce qui allait suivre. En l’occurrence une tentative de suicide pour Unity et des années de prison pour Diana.
« Nos années d’enfance sont celles de nos aventures essentielles. Nous y préparons notre avenir, jusque dans ses moindres détails », écrit Léon-Paul Fargue. "Nous accumulons, sans y songer, les matériaux de notre œuvre future. " Sa famille était un filon d’or, les galeries de la mine Mitford regorgeaient de pépites, et Nancy sut l’exploiter en temps et en heure.
Nancy, dont l'humour et la causticité perçaient à jour en un instant les aveuglements de ses interlocuteurs, ne parvenait pas à faire preuve de lucidité dés que sa vie privée était concernée. En amour, elle fut, sa vie durant, un instrument désaccordé.