" La pensée m’injecte subitement une petite dose de déprime . En guise d’antidote, je me formule le mot d’ordre matinal que je m’assène régulièrement : subir, se préparer au pire, être courageuse… »
" Malgré les inévitables exceptions, j’éprouve une empathie naturelle pour toutes ces personnes, des femmes en grande majorité, qui traversent chaque jour les sas sanitaires pour venir travailler ici. J’admire leurs engagement. Elles se démènent dans un service extrêmement difficile. Un service hanté par la mort. Lorsque l’on évolue en permanence aux frontières de la vie, il faut savoir garder le contrôle de ses émotions, se parer des risques de sensiblerie, résister à toutes les tentations de faiblesse ». ..
« C’est difficile de monologuer face à un corps inerte. Or, aujourd’hui, je sais qu’il est essentiel de parler même à ceux que l’on croit morts ».
Dans un hôpital on préfère toujours que le patient ne réfléchisse pas. Longtemps j'ai été la patiente idéale : immobile, muette, sourde en apparence. Un patient doit être passif. Il n'a pas a intervenir, surtout pas a réfléchir, il doit se contenter de subir. On ne lui dit que ce qu'on veut bien lui dire, et comme on ne veut pas lui dire grand chose...
Certes des progrès indéniables ont été effectués vers plus de transparence comme l'accès au dossier médical. Mais il reste à mon sens de grandes améliorations à apporter. La principale est culturelle : elle concerne l'état d'esprit de beaucoup de médecins.
Beaucoup sont des personnes remarquables, dans cette aventure j'en ai rencontré plusieurs à qui je voue une reconnaissance éternelle.
Mais j'en ai aussi croisé qui ne doivent mon pardon qu'à une solide éducation chrétienne.
De façon générale il me semble que les médecins doivent admettre qu'ils ont des comptes à rendre. On peut tous se tromper, mais la 1ere façon de réparer son erreur est de l'admettre. Il est irresponsable d'annoncer un pronostic fatal a un proche sur le simple fait d'une conviction, fut elle intime, et il est choquant de ne jamais juger utile, par la suite, de venir s'en expliquer.
Avoir la vie d'un autre entre ses mains ne fait pas de soi un Dieu.
Avoir la vie d'un autre entre ses mains ne fait pas nécessairement de soi un dieu.
Je sais qu'il faut parfois dépasser ses propres souffrances, et faire confiance à la vie. Si aujourd'hui je me sens plus fragile que d'habitude, demain je peux avoir une foi à déplacer les montagnes.
Bien sûr que je rêve ! Le rêve est le complément nécessaire à la réalité. Il n'est pas seulement nécessaire pour la supporter, mais aussi pour la sublimer. Si l'on ne rêve pas, on n'avance pas. Rêver, c'est se fixer un but, c'est s'interdire l'immobilisme.
Après moi, on ne pourra plus jamais conclure qu'une personne ne souffre pas parce qu'elle est complètement inerte. Au contraire, cette souffrance est encore moins supportable que les autres.
Si l’on n’y croit pas, si l’on abandonne, si l’on considère que gagner ces millimètres ne changera rien, on est condamné
d’office. Aller de l’avant, c’est fondamental.
Aujourd’hui, je sais qu’un malade est condamné si personne ne vient le voir.