Régulièrement, des alarmes se déclenchent, suivies du pas de course des infirmières : c’est le
signal que la vie est en train de déserter une chambre. En réa, les soignants s’adressent d’abord à
des machines. Des écrans leur disent si la partie peut continuer, ou si elle vient de se terminer ;
alors, c’est comme si les mots « Game over » venaient de s’afficher…
Il ne peut pas ne pas avoir vu une étincelle de vie au fond de cet œil-là. Il ne peut pas avoir conclu que je n’étais rien qu’un arbre mort, qui ne méritait pas même qu’on le jette à la rivière.
"Longtemps j'ai été la patiente idéale : immobile, muette et même sourde en apparence. Un patient doit être passif. Il n'a pas à intervenir, surtout pas à réfléchir, il doit se contenter de subir. On ne lui dit que ce qu'on veut bien lui dire, et comme on ne veut pas lui dire grand chose..."p178
"Le destin ? Que faire contre le destin ? Je ne peux pas , je ne veux plus lutter. J'ai tout donné, je le promets , mais je ne suis plus capable. Je croyais que les souffrances disparaissaient une fois endurées, ce n'est pas vrai : toutes celles que j'ai accumulées depuis la mi-juillet sont encore là, terrées en moi. Et à cet instant, toutes ces douleurs se réveillent et se confondent : celles des sinus, celles des tétons, celles du fauteuil, celles de l'enfermement... Elles se manifestent de nouveau, simultanément, pour me porter le coup fatal. M'achever en un dernier sursaut." p146
"Je me recroqueville dans ma souffrance. Je me fane de douleur. Alors je pleure. Malgré moi. Abondamment. Comme j'ai rarement pleuré. Comme si toutes les larmes qui s'étaient amassées en moi lors des nettoyages des sinus ou de "l'arrachage" des tétons se déversaient enfin. C'est la seule façon d'exprimer ma douleur" p103
"JE vais bien, mais on fait tout pour que j'aille mal! Les seules douleurs que je ressens sont celles qu'on m'inflige. Et elles ont de quoi m'achever, oui. Si l'on continue à me torturer ainsi, alors oui, peut-être, je vais finir par lâcher prise.Mais soignez-moi enfin, s'il vous plait, ou en tout cas laissez-moi tranquille" p43
Mais les visites s’arrêtent et mes tortionnaires reviennent. Elles me manipulent exactement de la même façon. Et la première scène est si bien gravée dans mon esprit qu'avant même que l'aspirateur ne me racle ma gorge, qu'avant même que la Bétadine ne m'inonde le nez, la douleur est déjà là. Intense. Immonde." p38
" la douleur est insupportable; Irréelle, indescriptible. Et elle est décuplée par mon impuissance: non seulement je ne peux pas me battre, mais je ne peux pas même l'exprimer. Je meurs de souffrance et j'ai la description suprême de n'en rien laisser paraître. Pas un cri, pas une grimace, pas même un frémissement.
Je suffoque. Que font-elles? Pourquoi ne m'anesthésient -elles pas?Mon âme hurle, et ce cri silencieux est le plus désespéré qui soit. L'engin fourré dans ma bouche effectue des mouvements de va et vient, Il me racle le fond de la langue. J'ai l'impression qu'on me sort les tripes. Comme je voudrais vomir, pleurer, gémir, hurler, taper...Comme je voudrais être un crocodile et mordre l'assaillant, l'assommer d'un coup de queue! "p35-36
"Pourquoi cette torture? pourquoi cette violence?Je sais désormais ce qu'on vécu les victimes des inquisiteurs, celles à qui l'on arrachait des morceaux de peau ou de membres contre quelques confidences. Elles, au moins, pouvaient hurler d'abord, et parler ensuite.Moi, je suis prête à tout avouer! lLes fautes les plus affreuses, tous le crimes que je n'ai pas commis. Arrêtez, je dirai tout ce que vous voulez entendre!" p36
un témoignage trés poignant qui nous fait remettre bien les pieds sur terre, personne est à l'abri....et un avis pertinent et vrai sur certains soignants .
J' essaye de me persuader que ceci s' arrangera.Ce que je vis ne peut pas exister, car c' est contre l' ordre des choses: l' hôpital n'est pas, il ne peut pas être un lieu ou l'on torture des innocents.