chronique
Sortie 43 est le premier tome d'une série d'enquêtes menées par la préfète Sylvie Lachan et son équipe de policiers.
C'est un livre à part dans la sphère littéraire, je trouve. À la croisée des genres, comme un thriller léger teinté d'érotisme et émaillé d'humour. Dès le début, on sait que l'on aura affaire à un roman choral : le premier chapitre est consacré à un même instant T, vécu par tous les protagonistes de l'histoire, et présenté de la même manière. Cette structure répétée, en plus d'apporter une touche originale à l'incipit, a le mérite de poser les bases du roman en présentant tous les personnages et en insufflant du suspense.
On oublie d'ailleurs assez vite que le suspense n'est rapidement plus présent : a contrario d'un thriller classique où tout repose sur le mystère, ici, on apprend très tôt qui sont les coupables. Si le suspense n'est plus, il reste donc de la place pour une analyse plus fouillée des personnages, leurs liens, leurs motivations… Et à travers eux, on est face à une critique à peine voilée de l'administration française, de la bureaucratie lourde, des magouilles internes.
Passons aux personnages.
Le Limousin d'abord. On peut vraiment le considérer comme un personnage à part entière, tant l'auteure, amoureuse de sa région, lui laisse de place. On découvre le barrage, un château, les forêts denses, et même une vue du ciel au gré des pérégrinations aériennes de l'héroïne. La région est le théâtre des événements, et ne sert pas seulement de vague décor.
Sylvie Lachan ensuite, 40 ans, propulsée préfète de Corrèze sans vraiment savoir pourquoi. C'est une grande rousse résolument moderne, qui va mettre un bon coup de pied dans la fourmilière de la bureaucratie préfectorale qu'elle soupçonne d'être vérolée. Ses manières directes, sans faux-semblants, vont d'abord choquer ses collègues, qui finiront par être charmés par sa sincérité. C'est une femme entière, dont on découvre aussi la vie privée : sa famille, ses amies, sa vie amoureuse et ses passions. Fière de ses origines limousines, elle est aussi à l'aise à bord d'un tracteur ou d'un deltaplane, et utilise ses multiples compétences au service de son travail.
Pour les besoins de l'enquête, elle va infiltrer un club libertin, et cette nouvelle aventure va lui faire découvrir des aspects de sa personnalité qu'elle ne soupçonnait pas. On nage parfois dans le sensuel, voire l'érotisme. Sylvie explore sa sexualité, peine à savoir ce qu'elle veut – qui elle veut.
Et on plonge ici dans une mise en abîme intéressante : sur Instagram, Sylvie se fait appeler Limousheels, comme l'auteure. On en vient donc forcément à se demander dans quelle mesure la réalité se heurte à la fiction, et cela intrigue encore plus.