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Citations sur L'établi (63)

Il est évident que pour travailler à la chaîne, il est indispensable de présenter de sérieuses garanties de moralité. On ne va pas donner huit cents franc par mois pour dix heures de travail par jour à des gibiers de potence! Mais n'allez pas croire que, cette rigoureuse sélection effectuée, Citroën considère pour autant que ses ouvriers sont d'honnêtes gens. Non. Pour Citroën, tous les ouvriers sont des voleurs potentiels, des délinquants qu'on n'a pas encore pris sur le fait. Nous sommes l'objet d'une surveillance rigoureuse de la part des gardiens, qui procèdent à des fouilles fréquentes à la sortie de l'usine ( "Eh là, toi!.... Oui, toi, ouvre ta serviette"..." Fais voir l'intérieur de ton manteau, ça à l'air gonflé.") . Fouilles humiliantes, tatillonnes, stupides. Sandwichs minutieusement déballés. Pour les ouvriers, bien sûr. Jamais on ne fouillera une de ces voitures de cadres qui circulent librement : tout le monde sait bien qu'ils embarquent des boîtes de vitesse entière et qu'ils se servent sans gêne dans les accessoires. Pour eux, l'impunité est assurée. Mais le pauvre type qu'on aura piqué à sortir un tournevis est sûr d'être licencié sur-le-champ.
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"Le travail, lui même, est construit comme un système de répression."
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Chacun, ici, est un cas. Chacun a son histoire. Chacun rumine sa tactique et tâtonne à sa manière à la recherche d'une issue. Comment m'orienter dans cette espèce d'univers semi-pénitentiaire, indéfiniment provisoire: qui peut imaginer qu'il fera "une carrière" d'O.S. ? qui ne ressent au fond sa présence ici et la dérision de ses travaux émiettés comme une sorte de déchéance ou d'accident?
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L'usine est conçue pour produire des objets et broyer des hommes.
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Jamais autant qu'à l'usine je n'avais perçu avec autant d'acuité le sens du mot "économie" Economie de geste. Economie de paroles.
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La peur suppure de l'usine, parce que l'usine, au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence, les hommes qu'elle utilise. Quand il n'y a pas de chef en vue, et que nous oublions les mouchard, ce sont les voitures qui nous surveillent, car leur marche rythmée, ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l'ordre. La dictature des possédants s'exerce ici d'abord par toute-puissance des objets.
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La résistance. Je la devine enfouie dans les collectivités nationales immigrées. Murmurée en Kabyle, en arabe, en serbo-croate, en portugais. Dissimulée sous une feinte résignation. Elle perce, vivace et inattendue, dans la clameur que soulève le vol d'une minute de pause.
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C'est comme une anesthésie progressive: on pourrait se lover dans la torpeur du néant et voir passer les mois - les années peut-être, pourquoi pas? Avec toujours les mêmes échanges de mots, les gestes habituels, l'attente du casse-croûte du matin, puis l'attente de la cantine, puis l'attente du casse-croûte de l'après-midi, puis l'attente de cinq heures du soir. De compte à rebours en compte à rebours, la journée finit toujours par passer. Quand on a supporté le choc du début, le vrais péril est là. L'engourdissement. Oublier jusqu'aux raisons de sa propre présence ici. Se satisfaire de ce miracle : survivre. S'habituer. On s'habitue à tout, paraît-il. Se laisser couler dans la masse. Amortir les chocs. Eviter les à-coups, prendre garde à tout ce qui dérange. Négocier avec sa fatigue. Chercher refuge dans une sous-vie. La tentation...
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Le contenu du tract est trouvé. Je rédige brièvement, sur le coin de table, ce que Primo vient de dire d'un trait. Lecture. On change deux ou trois mots, version finale: tout le monde approuve. Le tract sera traduit en arabe, en espagnol, en portugais, en yougoslave. J'ai l'idée, fugitive, que ces mots sonnent très fort dans toutes les langues: "insulte", "fierté", "honneur"...
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Ils tutoient tous leurs ouvriers. Pourquoi? Pourquoi ce ton cassant? C'est l'autorité qui veut ça. C'est le système. C'est un petit bout du système Citroën. Comme de vous ignorer en passant, comme les ordres secs, comme de dire à quelqu'un d'autre, en votre présence : "Mettez-le donc à ce poste." Les milles façons de vous répéter à chaque instant de la journée que vous n'êtes rien. Moins qu'un accessoire de voiture, moins qu'un crochet de chaîne (tout ça, on y fait attention). Rien.
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