AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de BazaR


Le documentaire : voilà une forme de récit de science-fiction plutôt originale.
Ce n'est pas la première fois que je la rencontre. Antoine Bello l'a pratiquée dans ses récits Go Ganymède ! et Éloge de la Pièce Manquante. Mais il vaut bien avouer que Ken Liu dirige l'exercice avec maestria.

Donc vous vous plantez devant votre télé et vous regardez ce documentaire – probablement sur Arte – qui mélange images d'archive, témoignages et micro trottoir sur un sujet brûlant autant que poignant.
On peut le voir comme un fils spirituel du film Shoah de Claude Lanzmann qui se fracasserait sur le rocher de la realpolitk. Deux universitaires développe un moyen d'assister en direct à des événements du passé et se concentre sur les exactions (le mot est carrément trop faible à la lecture de la novella) de l'armée japonaise dans un camp de Mandchourie dans les années 1930. Cela donne lieu à des descriptions de ce que l'homme peut faire subir à ses pareils qui vont au-delà de ce n'importe qui pourrait imaginer (j'essaie de me convaincre que c'est vrai, mais je suis certainement naïf).
Et là commence l'imbroglio politico-temporel. le Japon s'excusera-t-il pour les exactions d'un régime du passé qu'il a depuis longtemps condamné? Les États-Unis seront-ils vraiment choqués des horreurs qui s'étaient abattues sur des Chinois qu'ils considèrent comme de dangereux rivaux sinon comme des ennemis ? La Chine elle-même, comment réagira-t-elle si on ne la laisse pas prendre les commandes des expériences temporelles ?

Ken Liu maîtrise à merveille le discours de chaque intervenant, sans jamais tomber dans la caricature : l'intellectuel chinois, le membre du Congrès américain, l'homme de la rue chinois ou américain, le témoin japonais… Les opinions contradictoires s'entrechoquent au point qu'il est impossible d'imaginer où se situe la vérité. La dimension émotionnelle n'est pas oubliée car l'auteur développe une tragédie personnelle bouleversante vécue par les deux chercheurs à l'origine du voyage dans le passé. Même la description de la physique à l'origine du voyage est judicieuse.

Impossible d'imaginer où se situe la vérité, disais-je. On comprend quand même que Ken Liu pousse un cri. Il nous met face à une horreur de guerre qui n'a jamais eu son Nuremberg. La réception qu'il imagine dans ce récit imaginaire, quoiqu'impeccable, n'est pas le principal. le principal, c'est cette horreur.
Inhumaine ? Non, si humaine, malheureusement.
Commenter  J’apprécie          5111



Ont apprécié cette critique (48)voir plus




{* *}