Entretien avec Antoine Bello à propos de son ouvrage L’homme qui s’envola
30/05/2017
L’homme qui s’envola raconte l’histoire de Walker, un homme à qui tout réussit, mais qui choisit de mettre en scène sa mort pour échapper à un quotidien qui l’emprisonne. Comment sont nés ce personnage et cette histoire ?
De mon expérience personnelle. Je vis toute tentative d’appropriation de mon temps comme un viol. Je me méfie des prétendus devoirs que l’on aurait envers sa famille, ses amis, ses relations, les inconnus. Walker a encaissé ces brimades pendant des années, jusqu’au jour où elles lui sont devenues intolérables. Il ne part pas par caprice, mais pour sauver sa peau.
Malgré l’amour que porte Walker pour sa famille, il choisit de disparaître. S’en vient alors une grande remise en question de la part de Sarah, l’épouse, ébahie de n’avoir pas su cerner son mari. Pensez-vous que l’on connaisse vraiment les gens avec qui l’on vit ? Pourquoi cette question vous a-t-elle intéressée ?
Non, on ne connait pas les gens avec qui l’on vit. On se connaît à peine soi-même. Dans plusieurs de mes livres, j’ai traité de l’incapacité à restituer ses expériences ou à faire partager ses émotions. On touche là au mystère du langage, cet outil imparfait qui nous donne l’illusion que la communication est possible.
Poursuivi par un détective qui refuse de croire à sa mort, Walker entame une intense course poursuite, digne d’un véritable polar. Avez-vous déjà été tenté par ce genre littéraire ? En êtes-vous lecteur ?
Oui, bien sûr. Les polars ont un immense mérite : ils racontent une histoire. C’est devenu si rare qu’il suffit d’insérer une quête ou une traque dans un roman pour qu’on lui colle l’étiquette de polar.
Une fois échappé, Walker ne trouve donc dans un premier temps absolument pas la liberté qu’il enviait, effrayé par l`hypothétique découverte de son plan. Sans dévoiler la fin du roman, pensez-vous qu’il est vain de courir après la liberté ?
Walker n’avait pas envisagé qu’il serait traqué, ou en tout cas sûrement pas avec cette intensité. Mais il se dit qu’il n’a pas fait tout ça pour baisser les bras au milieu du gué. Et donc, il continue à fuir. Je ne crois pas qu’il soit vain de rechercher la liberté. Pour certains, cela passera par un travail intérieur, pour d’autre par le dépaysement. Le ressort, c’est la quête, pas nécessairement la fuite.
Et vous, qu’est ce qui pourrait vous faire tout plaquer ?
La question est plutôt ce qui pourrait me faire rester ! Et la réponse est : les gens que j’aime.
Antoine Bello et ses lectures
Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?
Jules Verne.
Quel est l’auteur qui vous a donné envie d’arrêter d’écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Gustave Flaubert. Marquis de Sade.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Les Thibault, tome 1 (1/3) : Le Cahier gris - Le Pénitencier..., de Roger Martin du Gard.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Fictions, de Jorge Luis Borges.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
La Chartreuse de Parme.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs?
La grève : Atlas shrugged, d’Ayn Rand.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Le Grand Meaulnes.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
"Mon royaume, à moi, est grand comme le monde, car je ne suis ni Italien, ni Français, ni Hindou, ni Américain, ni Espagnol : je suis cosmopolite. Nul pays ne peut dire qu`il m`a vu naître. Dieu seul sait quelle contrée me verra mourir. J`adopte tous les usages, je parle toutes les langues." (Le comte de Monte-Cristo, tome 1 , Alexandre Dumas).
Et en ce moment que lisez-vous ?
Cercueils sur mesure, de Truman Capote.
Entretien réalisé par Marie-Delphine
Découvrez
L`homme qui s`envola de
Antoine Bello aux éditions
Gallimard :

Une revue de la trilogie d'Antoine Bello (Les Falsificateurs, les Eclaireurs et les Producteurs).